S’il avait fallu désigner l‘homme politique de l‘année 2003 dans la province de l‘Extrême-Nord, Amadou Ali, le ministre d’Etat chargé de la Justice, garde des Sceaux aurait sans doute été celui-là. Non seulement en raison de sa gestion efficace du dossier Bakassi, mais aussi et surtout pour avoir été l’un des premiers à avoir clairement et publiquement pris position au sujet de l‘alternance au sommet de l‘Etat. C’était à Maroua, au cours du meeting de clôture d’une tournée parlementaire du député Maroua urbain Alioum Alhadji Hamadou. “Je ne suis pas candidat à la présidence de la République. Je n’ai d’ailleurs pas le profil requis pour être président de ce pays au 21ème siècle car celui-là devra être bilingue et avoir fait des études supérieures, ce que je n’ai pas fait” a-t-il tenu à préciser d’entrée pour tordre le cou à une rumeur largement relayée faisant de lui un éventuel candidat à la magistrature suprême, avant d’ajouter qu’il appelle à la candidature de Paul Biya et que “si par malheur il ne se présentait pas, qu’il se souvienne qu’il a pris ce pouvoir quelque part.” Traduction, le pouvoir doit revenir à un ressortissant du Grand-Nord après le départ de l’actuel titulaire du poste comme le pense d’ailleurs l‘écrasante majorité des populations de cette partie du pays quelle que soit l’ethnie ou la chapelle politique. Une déclaration forte qui a fait les choux gras de la presse en son temps et ce d’autant plus que le garde des Sceaux, un des hommes forts et un des plus anciens ministres du Renouveau, n’a pas habitué l’opinion à ce type de sorties fracassantes. Bien au contraire, il est plutôt réputé pour être très mesuré. Amadou Ali s’est donc positionné comme un ardent défenseur du fameux axe Nord-Sud.

Né en 1943 à Kolofata, Amadou Ali entre dans l’administration en 1961 comme adjoint d’arrondissement puis sous-préfet de Kaélé avant d’aller étoffer ses connaissances à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) dont il sort major en 1970, puis à l’institut international d’administration publique de Paris en 1971. Dès son retour au pays, il est nommé directeur de l’organisation du territoire (Dot). Il y reste jusqu’en 1974 avant de migrer vers le ministère de la Fonction publique pour arborer la casquette de secrétaire général. Mais c’est le 24 août 1984 qu’Amadou AH fait son entrée au gouvernement pour ne plus le quitter jusqu’à ce jour. Premier arrêt, le secrétariat d’Etat à la Défense chargé de la gendarmerie. Son long passage chez les pandores fait de lui l’un des hommes les mieux renseignés de ce pays. Il quitte l’univers des bérets rouges pour se retrouver dans le saint des saints. Le voilà secrétaire général de la présidence de la République, c’est-à-dire le plus proche collaborateur du chef de l’Etat et l’un des hommes clés du régime. Il consolidera cette image lorsqu’il est nommé le 07 décembre 1997 au poste de ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense. A ceux qui lui prédisent la fin de son aventure ministérielle à la suite de l’explosion de la soute à munitions du Quartier général à Yaoundé, le chef de l’Etat lui renouvelle sa confiance en lui confiant en 2001, le portefeuille de la Justice au moment où il est question de conclure l’affaire Bakassi et de lui donner forme. Ce à quoi il s’attelle et, si l’on s’en tient à la rétrocession réussie des territoires querellés de la zone du Lac Tchad et de Narki dans le Mayo-Sava et le transfert d’autorité des villages Ndabakora et Bourha-Wangho désormais nigérians, le début du retrait des troupes nigérianes stationnées à Bakassi et le réchauffement au plus haut sommet des deux Etats marqué par la visite officielle du président de la République fédérale du Nigeria dans notre pays les 28 et 29 juillet 2004. Visite ayant débouché sur une kyrielle d’accords et de bonnes intentions. On peut dire que le fils de Kolofata a plutôt pas mal réussi.

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Radioscopie d’une province et de ses personnalités incontournables

Aimé Robert BIHINA

Eric Benjamin LAMERE