Depuis 2010, l’Etat les compétences transférées
aux communes par la loi portant dispositions applicables aux communes, sont en train
d’être progressivement laissées à leurs destinataires par les ministères. L’exercice
de ces compétences par les communes contribuera à coup sûr à améliorer les
conditions de vie des populations. Tel est l’objectif poursuivi.
Nous pensons d’ailleurs que le processus est en bonne voie.
Seulement, le
concept de décentralisation, renvoie en règle générale à deux choses essentielles :
la décentralisation du choix des hommes et femmes et la décentralisation des
projets, entendue comme décentralisation de la programmation des projets, et
décentralisation de l’exécution des projets.
Pourquoi ne pas reconnaître les acquis obtenus jusqu’ici pour que les hommes et les femmes,
acteurs de la décentralisation, soient choisis par la périphérie et non plus par le
centre. Ce premier niveau de décentralisation est effectif au Cameroun.
Le deuxième niveau fait encore problème. Tout projet a un cycle, la programmation et l’exécution. Aujourd’hui, la programmation des projets est encore
malheureusement la prérogative des ministères. Ces derniers programment les projets,
sans l’apport en amont des communes qui se trouvent simplement en train de se voir
conférer la maîtrise d’ouvrage de l’exécution de ces projets. De sorte qu’on est en présence d’une
forme de délégation automatique de crédits comme ça peut être le cas entre les
services centraux d’un ministère et ses services déconcentrés. Doit-on appeler
cela décentralisation ? Que non. Les deux visages de la décentralisation sont
indispensables à cette réforme de l’Etat. L’un ne va pas sans l’autre. En l’absence
de l’un, il n’y a pas décentralisation.
L’État charitable n’est pas l’État décentralisé.
La constitution de 1996 affirme que « le Cameroun est un État unitaire décentralisé ». Ici, nous sommes
en présence d’une forme de délégation de maîtrise d’ouvrage et non de
décentralisation, de l’État qui fait la charité à l’endroit des
communes, donc l’État charitable et non l’État décentralisé. La décentralisation, en
mon sens, est le stade supérieur de l’État charitable ; le transfert de compétences
diffère de la délégation de maîtrise d’ouvrage. L’un est le cadet, l’autre, l’aîné.
Dans la délégation de maîtrise d’ouvrage, vous avez votre projet. Vous le connaissez
mieux que quiconque ; mais pour des raisons d’efficacité, vous le confiez à une
structure plus proche du site.
Il est d’ailleurs à noter que l’on ne recourt pas à cette forme juridique par idéologie mais par nécessité. Malgré
les montants importants investis, dans ces conditions, l’impact de ces projets sur la
population est marginal du fait du saupoudrage qui en résulte et qui consiste à
affecter de petites sommes à des localités.
Que proposer dans ces conditions ?

L’on parlera de décentralisation lorsqu’il appartiendra aux communes de saisir les services centraux des Ministères des
demandes de financement des projets n’ayant pas trouvé de financement au
plan local. Les projets éligibles au financement de l’Etat sont alors examinés en conférence budgétaire puis retenus et les crédits y afférents délégués aux communes demanderesses. Voila à mon sens le scénario qui permettra de sortir de l’État charitable actuel pour aboutir à
l’État unitaire décentralisé prévu par le constituant.

Que proposer dans ces conditions ?

Il est nécessaire que toutes nos communes se dotent d’un plan de développement communal (PDC), qu’elles procèdent toutes à l’inventaire pour la programmation des infrastructures et des équipements, et qu’elles aient la faculté de saisir les ministères en temps réel pour le financement de leurs projets
{{1) Le plan de développement communal}}
Pour satisfaire les besoins de leurs populations, les communes ne peuvent pas agir en désordre mais de façon ordonnée, dans le cadre d’un plan de développement communal. Le plan de développement communal est le premier outil que toutes les communes doivent s’approprier. C’est un document qui analyse la situation actuelle dans une commune, fait état de toutes les informations qui existent en son sein, les problèmes et les potentialités. Et sur la base de l’analyse de la situation actuelle, il propose des solutions ou activités par lesquelles on peut les résoudre.
Cette phase comprend un recueil de données quantitatives et qualitatives concernant les infrastructures et équipements collectifs et l’établissement des principaux indicateurs de développement qui découlent des axes stratégiques et des objectifs du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi(DSCE).
Les informations à collecter doivent couvrir :
Le contexte général de chaque commune : Historique, structures sociales, climat et aspects physiques.
Les données démographiques: la population totale, sa structure, son évolution récente et sa répartition par quartier ou zone homogène ;
L’occupation du sol, habitat : densité (population/ha), réserves foncières;
La typologie de l’habitat (habitat résidentiel, évolutif, irrégulier), en mettant l’accent sur les zones d’habitats précaires ou bidonvilles.
Les infrastructures et équipements :
L’éducation : le nombre d’écoles par niveau, le nombre d’élèves et leur répartition par sexe, âge et niveau, le nombre de salles de classe, l’état du patrimoine.
La santé : les structures sanitaires, le personnel, le matériel et les médicaments,
L’accessibilité géographique et financière, l’utilisation du service et la continuité des soins ;
L’infrastructure routière : les voies urbaines (revêtues et non revêtues, avec et sans l’éclairage public),les voies interurbaines (routes, pistes) ;
La nutrition et l’alimentation, la malnutrition chez les enfants : le nombre de cas d’enfants malnutris, les causes principales de la malnutrition, les habitudes alimentaires.
La disponibilité de produits de base et le mode d’approvisionnement : les céréales, la viande, le lait, le sucre.
L’accès à l’eau potable : existence ou non d’un réseau d’adduction d’eau, le taux de couverture du réseau, le nombre de bornes fontaines (typologie, mode de gestion – concédée à un ou des privés, gestion communautaire); Le nombre de puits (nature des aménagements, caractéristiques, qualité de l’eau,) ; l’approvisionnement (adduction, puits avec pompes, puits sans pompes, fleuve/rivière, marigot, revendeur d’eau).
Les activités économiques : Les potentialités de l’agriculture et d’élevage, leurs limites de capacité, les petits métiers, le secteur de la construction, les autres potentialités (tourisme et secteur tertiaire);
La situation environnementale : l’assainissement (système d’évacuation des eaux usées, gestion des ordures ménagères;
La réglementation d’urbanisme : la disponibilité de règlements spécifiques, l’ application de ces règlements, le cadastre.
Les programmes d’aménagement urbain :l’ intégration et l’amélioration des quartiers précaires, les opérations de lotissement, l’aménagement d’espaces verts et de ceintures vertes,
Les mesures d’accompagnement : les services d’appui au développement de l’économie (formation et développement des ressources humaines, système d’octroi de microcrédit et des aides aux nécessiteux.
Le plan de développement communal comporte comme input l’inventaire pour la programmation des infrastructures et des équipements.

2) {{L’inventaire pour la programmation des infrastructures et des équipements(IPIE)}}
L’IPIE est une aide à la décision. Il a pour objectif de faciliter le cadrage des interventions communales et d’identifier les priorités. A partir d’un certain nombre de données et sur la base d’indicateurs et de « scores », il rend compte du niveau de desserte de la population des quartiers, par les infrastructures et les équipements. Il permet ainsi d’établir un classement des quartiers, et d’identifier les priorités par quartier et par type d’équipement.
Outil simple, l’IPIE a été conçue de façon à pouvoir être implanté dans des services où la capacité des moyens est encore modeste. L’outil peut être d’abord rudimentaire, puis progressivement faire appel à des techniques plus élaborées.
L’outil doit contribuer au cadrage urbain, à l’identification et au classement des priorités.
Les résultats obtenus permettent d’abord d’établir un classement des espaces urbains en fonction de leur desserte et d’indiquer ainsi ceux pour lesquels des actions d’amélioration peuvent être considérées comme prioritaires. Le classement est déterminé par le score total obtenu par chaque espace urbain. Les résultats permettent ensuite de détailler, pour chaque type d’infrastructure ou d’équipement, le ou les espaces prioritaires.
3) {{Les demandes de financement des projets retenus par les communes doivent venir de la base}}
Chaque année, avant le 15 juin, les communes saisissent les services centraux des demandes de financement des projets qui ne peuvent pas trouver de financement au plan local. Les projets éligibles au financement par la dotation générale de la décentralisation(DGD) sont examinés en conférence budgétaire puis retenus dans le cadre du comité interministériel des services locaux, tout le processus étant suivi et évalué par le Conseil national de la Décentralisation.
C’est l’un des scénario qui permettra de sortir de l’État charitable actuel pour l’avènement de l’État unitaire décentralisé prévu dans la constitution.