C.E., 11 décembre 1903, Sieur Lot

(Rec., p. 780)

(Req. n° 10.211. – MM. Grunebaum, rapp. ; Arrivière, c. du g. ; Me Bernier, av.)

Vu la requête présentée par le sieur Lot (Ferdinand) archiviste-paléographe maitre de conférences à l’école des hautes-études, … et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler un décret, en date du 31 mars 1902, par lequel le sieur Etienne Dejean, agrégé d’histoire a été nommé directeur des Archives :

Ce faire, attendu que le décret attaqué a été pris en violation de l’art. 7 du décret du 14 mai 1887 aux termes duquel pour obtenir un emploi aux archives nationales, celui de commis excepté, il faut justifier du diplôme d’archiviste- paléographe ; que le sieur Etienne Dejean ne possède pas ce diplôme ; que le décret du 14 mai 1887 a eu principalement pour but de limiter le choix du chef de l’Etat et du ministre de l’Instruction publique en exigeant des garanties de capacité technique de tous les fonctionnaires occupant aux archives nationales un emploi qui présente un caractère scientifique ; que le directeur des archives est incontestablement au nombre de ces fonctionnaires ; que l’art. 7 du décret de 1887, dans la généralité de ses termes, est applicable à l’emploi de directeur ; qu’il résulte expressément de l’art. 8 du même décret et du décret du 23 janv. 1888 sur la limite d’âge du personnel des archives et bibliothèques que le directeur des archives fait partie du personnel et est soumis aux mêmes règles de nomination ; que les prescriptions de l’art. 18 du décret de 1887 exigent que le directeur des archives possède des connaissances paléographiques au moins aussi étendues que celles des chefs de section placés sous ses ordres ; que le décret du 23 févr. 1897 qui a érigé en direction l’administration des archives et remplacé le titre de garde général des archives par celui de directeur n’a en rien modifié les conditions d’aptitude requises par la nomination à ces fonctions par le décret du 14 mai 1887 ;

Vu les observations présentées au nom du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts… et tendant au rejet de la requête comme non recevable et subsidiairement comme mal fondée par le motif que, d’une part, le sieur Lot, qui agit individuellement, n’a pas qualité pour agir au nom de tous les archivistes-paléographes et critiquer en leur nom des actes administratifs qu’il prétendrait porter atteinte à leurs prérogatives et que, d’autre part, il ne justifie d’aucun intérêt direct et personnel qui lui donne qualité pour déférer au Conseil d’Etat le décret qu’il attaque ; que la nomination faite par ce décret ne lui a causé aucun préjudice ; qu’en effet, il ne fait pas partie du personnel des archives nationales et ne pourrait d’après l’art. 9 du décret du 14 mai 1887 entrer dans le service des archives que comme archiviste de 6e classe, et que d’autre part l’art. 7 du décret de 1887 n’est pas applicable en ce qui touche la nomination aux fonctions de directeur des archives ; que le directeur ne fait pas partie du personnel proprement dit, auquel, seul l’art. 7 est applicable que c’est ce qui résulte de l’art. 5 du décret du 23 févr. 1897 ; que ce décret a d’ailleurs complété l’assimilation entre le directeur des archives et les directeurs du ministère de l’Instruction publique pour la nomination desquels aucune condition d’aptitude n’est exigée ;

Vu les nouvelles observations présentées par le sieur Lot … et tendant aux mêmes fins que la requête par les motifs déjà exposés et, en outre, par le motif que la fin de non recevoir opposée par le ministre de l’Instruction publique doit être écartée ; que le requérant a en effet un intérêt personnel à faire annuler une nomination faite en violation de ses droits, et que son diplôme d’archiviste-paléographe lui permet d’être nommé directeur des archives, l’art. 9 du décret du 14 mai 1887 n’exigeant pas que le directeur soit choisi parmi les archivistes-paléographes faisant partie du personnel des archives ;

Vu ( la loi du 7 mess. an II, l’arrêté des consuls du 8 prair. an VIII, l’ordonnance du 5 janv. 1846 et le décret du 22 déc. 1855 ; les ordonnances des 11 nov. 1829 et 31 déc.1846 ; les décrets des 14 mai 1887, 23 févr. 1897 et 25 janv. 1888 ; les lois des 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872) ;

*1* Considérant que les dispositions de l’art. 7 du décret du 14 mai 1887 qui exigent qu’aux archives nationales les titulaires des emplois autres que celui de commis soient pris parmi les archivistes-paléographes confèrent à ces derniers un droit exclusif à l’obtention de ces emplois ; qu’ainsi le sieur Lot, en sa qualité d’archiviste-paléographe a un intérêt personnel et est par suite recevable à demander l’annulation de toute nomination faite contrairement aux dispositions qui précêdent ;

Au fond :

*2* Cons. que le sieur Dejan a été nommé par le décret attaqué directeur des archives, ce titre ayant été substitué par l’art. 4 du décret du 23 févr. 1897 à celui de garde général mentionné dans le décret du 14 mai 1887 ; que cette fonction qu’il n’appartient qu’au chef de l’Etat de conférer ne constitue pas un emploi dans le sens de l’art. 7 de ce dernier décret ; qu’en effet les emplois dont il est fait mention en cet article sont définis par l’énumération du personnel des archives, telle qu’elle est contenue en l’art. 4, et que les membres de ce personnel, placés d’après l’art. 11 sous l’autorité du garde général au point de vue disciplinaire, sont aux termes des art. 5 et 6 à la nomination soit du ministre de l’Instruction publique, soit du garde général ; qu’il suit de là qu’aucune disposition en vigueur n’a limité le choix du Président de la République en ce qui concerne le chef de service préposé a la conservation et à l’administration des archives nationales et que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation du décret attaqué, …(Rejet).