BONABERI

Commadant Dibiè Doualla
L’ombre de l’Allemagne sur Bonabéri

Il vit sur terre. Mais il semble avoir toujours la tête dans les airs. Lorsque Commandant Ebénézer Dibiè-Doualla ballade le visiteur dans Bonabéri, son village, il retrouve facilement son chemin.
Mais dans son regard fugace toujours à l’affût d’un repère, persiste comme une insatisfaction « vu du ciel, Bonabéri offre une carte très intéressante où je me retrouve très facilement. Je distingue distinctement les différents villages du canton Bélè-Bélè. Lorsque j’étais encore en activité, je prenais du plaisir à voler en basse altitude sur le village et je passais devant la maison de mon grand-père maternel au niveau du grand Baobab » se souvient l’ancien pilote âgé aujourd’hui de 62 ans, les cheveux et la barbe blanchie par l’âge.
Fils de Jean not Doualla-Dibiè Ekamè, fonctionnaire international qui travaillait dans les services de l’Afrique équatoriale française et dans les services de la sécurité, Dibiè-Doualla ne connaît pas de frontière. Son métier de pilote d’avion lui a forgé un caractère de bohémien. Né le 25 mars 1945 à Fort-Archambault (actuelle ville de Sarh au Tchad), le jeune Ebénézer grandit tour à tour à la frontière tchado centrafricaine, Maroua, Bonabéri, Edéa et Yaoundé où il obtient son baccalauréat, option « sciences expérimentales » en 1966. Diplômé de l’école de la météorologie et de l’Aviation civile de Toulouse en 1970, Ebénézer Dibiè-Doualla va pendant trente ans, sillonner plusieurs capitales africaines et mondiales. Pendant douze ans, il sera notamment instructeur à l’Ecole de l’aviation civile de Niamey, commandant de l’aéroport de Garoua avant de finir commandant adjoint de l’aéroport de Douala. Ce parcours de globe-trotter lui permet de parler une belle brochette de langues Il parle couramment le sango de la Rca, le fufuldé, le Duala, le bassa, le jerma du Niger (Niamey où il a fait 12 ans), le mina du Togo (il a épousé u Togolaise en 1977 à Paris avec qui a eu un garçon, Emmanuel, cadre Camrail, et une fille Anne-Marie, qui est à Swiss-Yaoundé). Commandant Douala Dibiè comprend le wolof du Sénégal, le bambara du Mali. « comme langues internationales, je parle français, l’anglais et l’allemand. L’allemand, je le parlais dès l’enfance car mon grand-père maternel, Reinhardt Ndoumbe Koum Mbappé, était fonctionnaire dans l’administration Allemande et ne parlais que cette langue et le duala. « Lorsque j’étais au lycée, j’avais un plus en allemand par rapport à mes camarades » annonce, un brin vantard, le pilote retraité qui confie avoir piloté toute avoir catégorie d’avion.
Ebénézer Dibiè-Doualla dépose sa valise dans son village à Bonabéri en 1992, lorsqu’il est affecté commandant adjoint de l’aéroport de Douala, après une quarantaine d’années passées hors de son terroir. Fonction qu’il a occupée jusqu’à sa retraite en 2000.
« Lorsqu’on a fait tout ce temps hors de son terroir, au retour, on a l’impression que les gens n’ont pas la fierté de vous voir. Comme si vous veniez prendre leur place. Des fois, j’ai vraiment le sentiment de n’appartenir à une communauté qu’en étant à l’extérieur (Cote d’ivoire, Congo, Togo) où les gens m’accueillent à bras ouvert» regrette-t-il.
Pourtant, lorsqu’il se ballade dans les rues de Bonabéri, il est salué par les populations avec la révérence due à son âge (62 ans) mais surtout du fait de statut de prince de la famille régnante à Bonabéri. Un canton duala dont commandant Douala maîtrise bien l’histoire. Selon les traditions duala, les Beli (Bali, Bonanjo, Bonapriso, Bonadoumbé…) et les Bélè-Bélè (Bonabéri qui comprend dix villages\Bonassama Bonambappé, Bonamikano, Bonéndalè I et II, Bojongo, Sodiko, Bonatumba, Jébalè I et II) ont le même ancêtre, Bélèdoo. L’un des fils de ce patriarche traversera le wouri, à la rive gauche, pour fonder le canton Bélè-Bélè dont l’appellation sera déformée par le colon qui l’appellera Bonabéri. L’ancêtre fondateur du canton Bélè-Bélè (littéralement les gens de Bélè) s’appelle Mbappé-Bélè. Mbappé-Bélè succeda à son père Bélè-Doo et devint 1er souverain des Bélè-Bélè (1 804-1 846). De ce fait, Bonabéri est le prolongement du canton BelI (Bonanjo, Bonapriso, Bali…). Aujourd’hui, les deux familles régnantes à Bonabéri sont Bonakum et Bonamujongè dont est issu Paul Milord Mbappé Bwanga, le dernier chef supérieur de Bélè-Bélè en fonction depuis 2002.
L’histoire des Bélè-Bélè, ainsi que de Douala, reste profondément marquée par la colonisation allemand (1883-1919). Cette période Commandant Dibiè l’appelle l’occupation ». Bien qu’il soi né en 1945, c’est-à-dire à la fi de la seconde guerre mondiale l’ancien pilote se souvient de la domination allemande « face à la résistance des Bélè-Bélè à l’occupation étrangère, les allemands bombardèrent la chefferie de Kuma Mbappé. Ainsi décapité, les Bélè-Bélè se soumirent à l’occupant. Toute infraction contre l’autorité allemande par le indigènes étaient sanctionné par le Finfundzwanzig, c’est-à-dire 25 coups de fouet sur la place publique ». A l’époque, le « grand baobab » dont les restes aujourd’hui ne sont constitués que d’un tronc. « Le grand baobab » était la place de fête de Bonabéri. Toutes les réunions s’y tenaient. Près d’un siècle après, les stigmates de la colonisation allemande sont encore bien visibles à Bonabéri. En visitant les différents villages du canton Bélè-Bélè, on voit encore de nombreuses habitations avec des toits rouillés en forme de trapèze. Parmi les bâtiments historiques du coin,
On cite l’Union des églises baptistes du Cameroun construite sur les berges du wouri depuis 1935 (et son école qui a formé la majorité des premiers cadres
du canton Bélè-Bélè), les mausolées des chefs Kum’a Mbappé et Bwanga
Kum (situés près du « grand baobab »), les mausolées Mbappé Bwanga et Nen Kum Enis (situés près de « petit baoba »). Deux monuments de référence qui ont annuellement visités par les chefs traditionnels à chaque cérémonie du ngondo. Bonabéri, c’est aussi un village truffé de mythes des mystères et d’anecdotes. La chronique rapporte que sa majesté Nen Kum Enis, père de l’actuel roi, est décédé de manière mystique. Il serait entré dans “le ventre” (une grotte) du grand baobab, le « bogongi », qui est le totem des Bélè-Bélè avec un plus grand nombre d’initiés (environ 40 personnes). Un fait qui aurait courroucé les ancêtres qui auraient « jeté» des gouttes de sang sur le monarque qui mourra une semaine plus tard. Commandant Doualla-Dibiè lui- même garde un souvenir du mysticisme du peuple des berges du wouri. « Un jour, j’avais 9 ans et je me lavais dans le Dibolo la bessesse (la rivière bessesse), un cours d’eau qui se jette dans le wouri. J’ai senti une main me tenir pour tirer mon pied vers e fond de l’eau. J’ai crié et mon grand-père est venu à mon secours. Il m’a tenu par la nain, a grondé et menacé toutes les personnes tout autour et m’a poussé dans l’eau en disant qu’on touche à un cheveu de mon petit-fils et on verra de quel bois je me chauffe. J’avais peur, mais je suis rentré dans l’eau je n’ai plus jamais eu un incident dans l’eau » raconte le prince Bélè-Bélè. Le md baobab et ses géantes branches, lieu mythique et mystique, lui-même fut détruit un jour de décembre 1993 après un violent orage ponctué de grondement de tonnerre. Un désastre que les habitants de Bonabéri expliquent par la colère des ancêtres.
Aujourd’hui, les anecdotes sur le mysticisme ne courent plus les rues à Bonabéri métamorphosée en véritable poumon économique de Douala et one industrielle du Littoral. Les plus rosses entreprises industrielles de Douala sont basées à I3onabéri. Un développement qui se fait sous l’œil de commandant Doualla Dibiè, qui bien e retraité depuis sept ans, ne vit pas acore des fruits de sa pension: «je us fatigué de suivre mon dossier au ministère des Finances. Mon dossier est complet, mais il n’a jamais abouti. Aujourd’hui, je suis fatigué d’attendre, dehors au Minefi, sous le soleil. Il y a des messages de lutte contre la corruption affichés partout sur leurs bâtiments alors qu’ils ont transformé la corruption en mode de gestion là-bas » lâche, dépité, l’ancien pilote qui vit du soutien de ses enfants. Pour meubler son temps, commandant Dibiè-Doualla s’occupe à enseigner l’allemand et l’anglais à ses petits-fils et à rédiger deux livres sur l’aviation civile.

Prisonniers des travaux
Faut-il en rire ou en pleurer ?
Les populations de Bonabéri sont dans ce dilemme depuis que les travaux de réhabilitation de l’Ancienne et de la nouvelle route ont commencé. Satisfaits de la perspective de voir des routes dignes de ce nom traverser dans un avenir proche leur cité, ils sont en même temps mécontents des désagréments que causent les travaux. Les embouteillages qui avaient été oubliées depuis l’ouverture du pont sur le Wouri et l’élargissement partiel de la nouvelle route ont repris de plus belle.
L’ancienne route est barrée par des endroits, obligeant tous les véhicules à emprunter la nouvelle. Celle-ci est aussi très peu praticable à partir du lieu –dit cimetière, jusqu’au niveau des rails. La chaussée a été raclée, mais le remblai n’a pas encore été fait, encore moins la pose du bitume. La pluie est donc venue transformer cette chaussée en un mélange de nids de poule et de dos d’âne, obligeant les véhicules à faire du sur place sur près de deux kilomètres. Les habitués de cette route évaluent à 4h le mis actuellement pour aller au rond point Déido au Château d’eau aux heures de pointe, une distance de moins de 10km en pleine ville.
Manque à gagner
En conséquence, les taxis rechignent à faire la ligne, et ceux qui acceptent l’aventure montent les enchères. Les usagers doivent débourser ainsi 100f cfa de plus. Les motos taxis se frottent aussi les mains dans cette situation, eux qui n’hésitent pas à demander 500f cfa pour conduire un usager de l’autre côté du pont. Et ce ne sont pas les usagers de la route qui trinquent. Les commerçants payent aussi le prix fort dans cette situation. A l’ancienne route, les commerces qui se trouvent le long du tronçon barré passent la journée à se tourner les pouces. « on a l’impression de vivre la période des villes mortes, c’est tout ce que je peux vous dire » dit un mécanicien installé à cet endroit. Il doit d’ailleurs être le plus touché, car aucun véhicule ne peut arriver dans son garage, et il ne sait surtout pas jusqu’à quand va durer cette disette.
Les boutiquiers non plus n’ont pas la possibilité de se ravitailler en produits, et voient leurs échoppent se vider progressivement. Les vendeurs de gaz par exemple sont obligés de faire recours aux pousse-pousse pour acheminer les bonbonnes dans leurs boutiques, ce qui entraîne des rais supplémentaires qu’ils sont malheureusement obligés de supporter dans leurs marges bénéficiaires. Nous ne pouvons pas augmenter 100 fcfa sur le prix d’une bouteille, sinon on va crier à l’arnaque et les contrôleurs de prix vont tomber derrière nous. Nous sommes obligés de passer ces frais supplémentaires par perte et profit, se plaint un vendeur.
Les industriels ne sont pas en reste. Les camions qui sortent des usines mettent des heures pour rallier le centre ville, ou pour s’engager sur la route de Yaoundé, ce qui rallonge le temps de livraison et entraîne les frais supplémentaires de locations des camions, des jours de missions etc. dans tous cas, les populations pensent que les entreprises (Satom et Razel) qui font les routes auraient pu s’organiser pour minimiser ces désagréments.