LOI N° 98/013 DU 14 JUILLET 1998 RELATIVE 0 LA CONCURRENCE

L’Assemblée Nationale a délibéré et adopté, le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

TITRE 1 : DISPOSITIONS GENERALES

Article 1er : la présente loi définit les conditions d’exercice de la concurrence dans le marché intérieur.

Article 2. (1) Les dispositions de la présente loi sont applicables à tous les secteurs de l’économie nationale, à toutes les opérations de production et/ou de commercialisation des produits et services réalisés sur le territoire national par des personnes physiques ou morales, publiques, parapubliques ou privées.

(2) Elles s’appliquent également, lorsque les effets des pratiques anticoncurrentielles causés par des entreprises situées hors du territoire national se font sentir sur le marché intérieur, sous réserve des accords et traités liant le Cameroun aux pays d’accueil desdites entreprises.

TITRE II : DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

Article 3.- Toutes pratiques qui auraient pour effet d’empêcher, de fausser ou de restreindre de manière sensible l’exercice de la concurrence au niveau du marché intérieur son interdites.

Article 4. (1) L’interdiction prononcée à l’article 3 ci-dessus s’applique aux pratiques anticoncurrentielles qui sont entretenues dans un cadre :

– Des relations entre concurrents ou concurrents potentiels opérant au même niveau de production ou de commercialisation ;

– Des relations entre entreprises non concurrentes opérant à des niveaux différents dans la chaîne de production et/ou de commercialisation ;

– Des dispositions unilatérales prises par une entreprise ou groupe d’entreprises en position dominante sur le marché.

(2) Les pratiques anticoncurrentielles visées à l’alinéa (1) ci-dessus sont celles qui résultent :

– Des accords et ententes établis entre entreprises ;

– Des abus de la part d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises en position dominante ;

– Des fusions et acquisitions d’entreprises.

CHAPITRE 1 : DES ACCORDS ANTICONCURRENTIELS

Article 5.- (1) Sont prohibés les accords et ententes entre personnes physique et/ou morales jouissant d’une autonomie commerciale et ayant pour effet de :

– Fixer les prix, tarifs, barèmes ou escompte ou faire obstacle à la liberté de fixer lesdits prix, tarifs, barèmes ou escomptes ;

– Limiter les capacités de production, les quantités fabriquées, vendues, entreposées, louées ou transportées ;

– Fixer conjointement des conditions de soumission à un appel d’offres sans en informer la personne ayant procédé audit appel d’offres.

(2) Sont en outre prohibés, les accords et ententes ayant pour effet d’éliminer ou de restreindre sensiblement la concurrence sur le marché, soit en entravant l’accès à une marché, soit en répartissant de quelque façon que ce soit, des acheteurs ou sources d’approvisionnement dans un marché.

Article 6. Toutefois, les accords et ententes susvisés peuvent déroger à l’interdiction prévue à l’article 5 ci-dessus dans les conditions ci-après :

(a) S’ils sont préalablement notifiés à la Commission Nationale de la Concurrence visée à l’article 21 de la présente loi ;

(b) Si la Commission Nationale de la Concurrence conclut que ces accords et ententes apportent une contribution nette à l’efficience économique à travers :

– La réduction du prix du bien ou service, objet de l’entente ou de l’accord ;

– L’amélioration sensible de la qualité dudit bien ou service ;

– Le gain d’efficience dans la production ou la distribution de ce bien ou service ;

– Les obstacles et tout genre qu’ils posent pour empêcher l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché.

Article 11. –(1) Une entreprise ou un groupe d’entreprises abuse de sa position dominante sur le marché lorsqu’elle s’adonne aux pratiques ayant pour effet de restreindre d’une manière sensible la concurrence sur ledit marché.


(2) A ce titre, l’entreprise

– Adopte les mesures ayant pour effet soit d’empêcher une entreprise concurrente de s’établir dans le marché, soit, d’évincer un concurrent ;

– Exercer les pressions sur les distributeurs à l’effet d’empêcher l’écoulement des produits de ses concurrents ;

– Se livre à des actions ayant pour effet l’augmentation des coûts de production des concurrents.

Article 12. Lorsque les pratiques d’une entreprise en position dominante ont pour objet d’améliorer l’efficience économique notamment par une réduction des coûts de production ou de distribution, ces pratiques ne peuvent pas être considérées comme abusives même si elles ont pour conséquence l’élimination des concurrents. La contraction de leurs activités ou la réduction des possibilités d’entrée de nouvelles entreprises dans le marché.

Article 13. – La Commission Nationale de la Concurrence ne peut être saisie d’un abus de position dominante que si celui-ci date de moins de vingt quatre (24) moins.

CHAPITRE II : DES FUSIONS ET ACQUISITIONS D’ENTREPRISES

Article 14. (1) En vue de l’amélioration de la compétitivité des produits et services offerts sur le marché tant intérieur qu’extérieur, les opérateurs économiques peuvent librement réaliser des fusions et acquisitions d’entreprises.

(2) Toutefois, lorsqu’une fusion ou une acquisition d’entreprises diminue la concurrence ou aura vraisemblablement cet effet, elle est interdite, sous réserve des cas prévus à l’article 17 ci-dessous.

Article 15. – Au sens de la présente loi, il faut entendre par :

a) Fusion : tout transfert de patrimoine d’une ou de plusieurs sociétés à une autre, donnant lieu à une nouvelle société ou à l’absorption de la société qui cède son patrimoine ;

b) Acquisition : tout transfert de la totalité ou partie des actions, actifs, droits et obligations d’une ou de plusieurs sociétés à une autre société, permettant à cette dernière d’exercer une influence déterminante sur la totalité ou une partie des activités des entreprises faisant l’objet de transfert.

Article 16. – Les facteurs ci-après sont pris en compte pour apprécier le caractère anticoncurrentiel d’une fusion ou d’une acquisition :

– Les entraves à l’entrée de nouveaux concurrents dans le marché, notamment les barrières tarifaires et non tarifaires à l’entrée des importations ;

– Le degré de concurrence entre les centres autonomes de décision existant dans le marché ;

– L’éventualité de disparition du marché d’une entreprise partie prenante à la fusion, ou à l’acquisition, ou aux actifs faisant l’objet du transfert.

Article 17. – Une fusion ou une acquisition qui porte ou porterait atteinte de manière sensible à la concurrence peut être admise si les parties à la fusion ou à l’acquisition prouvent à la Commission Nationale de la Concurrence que :

a) La fusion a apporté ou apportera des gains d’efficience réels à l’économie nationale dépassant les effets préjudiciables à la concurrence sur le marché ;

b) Lesdits gains ne sauraient être atteints sans la fusion ou l’acquisition.

Article 18.- Les entreprises qui se proposent d’effectuer une opération de fusion ou d’acquisition et dont les chiffres d’affaires conjoints et ceux des entreprises affiliées prises séparément dépassent des seuils fixés par arrêté du Ministre chargé de la concurrence sur proposition de la Commission Nationale de la Concurrence doivent déclarer à cette Commission leur intention de fusionner et ne peuvent réaliser leur opération dans un délai de trois (3) mois à compter de la date de réception par la Commission de la déclaration.

Article 19. –(1) Si au cours des trois (3) mois visés à l’article 18 ci-dessus , la Commission Nationale de la Concurrence ne peut pas se prononcer définitivement sur la déclaration pour besoin d’informations dont la demande doit intervenir dans les trente (30) jours qui suivent la date de la déclaration, elle notifie les entreprises objet de la fusion ou de l’acquisition, de sa décision provisoire, à charge à celles-ci de se conformer à la décision définitive dont les délais d’aboutissement ne doivent pas dépasser six (6) mois à compter de la date de déclaration à la Commission. Passé ce délai, la fusion ou l’acquisition est réputée autorisée.

(2) La demande de complément d’informations visée à l’alinéa (1) ci-dessus doit faire l’objet d’une réponse dans les trente (30) jours qui suivent sa notification aux entreprises concernées.

Article 20. – La Commission Nationale de la Concurrence ne peut être saisie d’un cas de fusion ou d’acquisition qui affecte d’une manière significative la concurrence que si celle-ci date de moins de vingt quatre (24) mois.

TITRE III : DE LA COMMISSION NATIONALE DE LA CONCURRENCE

Article 21. Il est créé une Commission Nationale de la Concurrence dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par voie réglementaire.

Article 22.- La Commission Nationale de la Concurrence est un organe rattaché au Ministère chargé des problèmes de concurrence ayant pour missions :

– D’examiner et d’émettre un avis sur toutes les questions relatives à la politique de la concurrence au Cameroun notamment, sur les projets de textes législatifs et réglementaires susceptibles d’influencer l’exercice de la concurrence sur le marché intérieur ;

– De rechercher, contrôler et, le cas échéant, poursuivre et sanctionner les pratiques anticoncurrentielles définies dans la présente loi ;

– D’apporter l’expertise et l’assistance nécessaires à la prise des décisions de justice en matière de concurrence.

Article 45.-(1) L’action publique en répression visée à l’article 44 ci-dessus est mise en mouvement par une plainte du Président de la Commission Nationale de la Concurrence auprès du Procureur de la République territorialement compétent.

(2) Les règles de procédures, les voies de recours et d’exécution des jugements sont celles de droit commun. Les inculpés sont cités à la prochaine audience et il est statué d’urgence.

(3) Le paiement de l’amende éteint l’action publique.

TITRE VI : DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Article 46. –Les produits des amendes consécutives aux sanctions des différentes infractions prévues par la présente loi sont reservés au budget de l’Etat.

Article 47. – Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à la présente loi, notamment celle relatives à la concurrences, telles que prévues par la loi n°90/031 du 10 août 1990 régissant l’activité commerciale au Cameroun.

Article 48. – La présente loi sera enregistrée et publiée suivant la procédure d’urgence, puis insérée au Journal Officiel en français et en anglais. /.

Yaoundé, le 14 juillet 1998

Le Président de la République,

PAUL BIYA.