LOI N° 2005-6 DU 27 JUILLET 2005 PORTANT
STATUT DES REFUGIES AU CAMEROUN

L’Assemblée nationale a délibéré et adopté,

Le Président de la République promulgue la
loi dont la teneur suit :

Chapitre I :

Dispositions générales

Article premier.- La présente loi porte statut des réfugiés au Cameroun et s’applique sous
réserve des conventions internationales ratifiées par le Cameroun. –

Article 2.

Est considérée comme «réfugiée» au sens de la présente loi et conformément à la convention
de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés telle qu’amendée par son protocole
de New York du 31 janvier 1967 et la convention de l’OUA régissant les aspects propres aux
problèmes des réfugiés en Afrique signée à Addis-Abeba le 10 septembre 1969 :

– toute personne qui, craignant avec raison, d’être persécutée à cause de sa race, de sa
religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses
opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou,
du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle
n’a, pas de nationalité et se trouve hors du pays où elle avait sa résidence habituelle, à
la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner;

– toute personne qui, du fait d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination
étrangère ou d’événements troublant gravement l’ordre public dans une partie ou
dans la totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée
de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à
l’extérieur de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité.

Article 3.- Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables à toute personne à
l’égard de laquelle des raisons sérieuses permettent de penser :

– qu’elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre
l’humanité ;

– qu’elle a commis un crime grave de caractère non politique et en dehors du pays
d’accueil avant d’être admise comme réfugiée ;

– qu’elle s’est rendue coupable d’agissements contraires aux objectifs et aux principes de
l’Union africaine ;

– qu’elle s’est rendue coupable d’agissements contraires aux buts et aux objectifs des
Nations unies.

Article 4. Une personne perd le statut de réfugié au titre des présentes dispositions, si :

– elle s’est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la
nationalité ;

ou
– ayant perdu la nationalité, elle l’a volontairement recouvrée ;

ou
– elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a la
nationalité ;

ou
– elle est retournée volontairement s’établir dans le pays qu’elle a quitté ou hors duquel
elle est demeurée de crainte d’être persécutée ou

– les circonstances à la suite desquelles elle été reconnue comme réfugiée ayant cessé
d’exister, elle ne peut plus continuer à refuser de réclamer de la protection du pays
dont elle a la nationalité ;

ou
– elle a commis un crime grave de caractère non politique en dehors du pays d’accueil
après y avoir été admise comme réfugiée ;

ou
– s’agissant d’une personne apatride, les circonstances à la suite desquelles elle a été
reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle est en mesure de retourner dans le
pays où elle avait sa résidence habituelle.

Article 5.-

(1) Les membres de la famille d’une personne considérée comme réfugié au sens des
articles 2, 3 et 4 ci-dessus qui l’accompagnent ou le rejoignent sont également
considérés comme réfugiés, sauf s’ils sont d’une nationalité autre que celle du réfugié
et jouissent de la protection du pays dont ils sont ressortissants.

(2) Si, une fois que la qualité de réfugié a été reconnue au chef de famille, la cohésion
familiale est rompue par suite d’un divorce, d’une séparation ou d’un décès, les
membres de sa famille auxquels le statut de réfugié a été accordé en vertu de l’alinéa
1 ci-dessus continuent à en jouir, sous réserve des dispositions de l’article 4.

(3) Aux fins des dispositions des alinéas (1) et (2) ci-dessus, les membres de la famille
d’une personne considérée comme réfugiée s’entendent du ou des conjoints, des
enfants mineurs et des autres membres de la famille du réfugié qui sont à sa charge.

(4) Toute décision prise en application des dispositions des articles 3 et 4 de la présente
loi ne saurait affecter automatiquement les autres membres de la famille tels que
définis à l’alinéa (3) ci-dessus.

Article 6.-

(1) La présente loi s’applique à tout demandeur d’asile et réfugié sans discrimination au
regard de son genre, de sa religion, de sa race, ou de sa nationalité.


(2) Tout enfant non accompagné, sous réserve des vérifications nécessaires, bénéficie du
statut de réfugié.

(3) L’Etat du Cameroun, en collaboration avec les organisations internationales, apporte
son concours au rétablissement du regroupement familial.

Chapitre Il :

Dispositions applicables aux demandeurs d’asile

Article 7.-

(1) Aucune personne ne peut être refoulée à la frontière, ni faire l’objet d’autres mesures
quelconques qui la contraindraient à retourner ou à demeurer dans un territoire où sa
vie, son intégrité corporelle ou sa liberté seraient menacées pour l’une des raisons
indiquées à l’article 2 de la présente loi.

(2) Tout demandeur d’asile doit, à l’entrée du territoire national, se présenter aux autorités
compétentes dans un délai de quinze (15) jours.
(3) L’autorité ainsi saisie établit un procès-verbal détaillé indiquant l’état civil du
requérant, ses activités professionnelles, sa nationalité, les raisons précises de son
exil, les raisons du choix du Cameroun pour son immigration et toutes informations
de nature à éclairer l’instruction de son dossier.

(4) Un sauf conduit d’une validité de deux mois non renouvelable est délivré à l’intéressé
par l’autorité l’ayant entendu qui transmet sans délai le dossier à la commission
d’éligibilité au statut de réfugié visée à l’article 16 ci-dessous.

(5) Une demande peut être irrecevable si le demandeur a séjourné dans un premier pays
d’asile. Est considéré comme pays de premier asile, le pays tiers sûr dans lequel le
demandeur d’asile a été admis en qualité de réfugié, ou pour d’autres raisons justifiées,
y jouit d’une protection et peut encore en bénéficier.

(6) Sans préjudice des dispositions de l’alinéa (2) ci-dessus, tout ressortissant étranger se
trouvant sur le territoire de la République et qui ne peut retourner dans son pays
d’origine ou dans le pays dans lequel il a sa résidence habituelle, pour les raisons
énoncées à l’article 2 de la présente loi est fondé à introduire une demande d’asile sur
laquelle une décision est prise conformément aux procédures fixées par le décret
d’application de la présente loi.

Article 8.-

1) Aucune sanction pénale ne peut être prise à l’encontre d’une personne qui, du fait de son
entrée ou de son séjour irrégulier sur le territoire national, arrivant directement du
territoire où sa vie ou sa liberté seraient menacées au sens de l’article 2 de la présente loi,
sous réserve qu’elle se présente sans délai aux autorités nationales visées à l’article 7.

Lorsque ladite personne a été interpellée pour des raisons d’enquête, la garde à vue ne peut
pas dépasser vingt quatre (24) heures renouvelable deux (2) fois.

2) Aucune mesure d’expulsion ou de reconduite à la frontière contre un demandeur d’asile ne
peut être mise en exécution avant que la commission d’éligibilité au statut de réfugié ne se
prononce sur sa demande, à moins que lesdites mesures ne soient dictées par des raisons
de sécurité nationale, d’ordre public ou en exécution d’une décision rendue conformément
à la loi ; en tout cas ces mesures d’expulsion ou de reconduite à la frontière ne pourraient
avoir pour effet de contraindre un demandeur d’asile à retourner ou demeurer dans un pays
où sa liberté serait menacée au sens de l’article 2 de la présente loi.

3) Le demandeur d’asile en possession de l’attestation de dépôt du dossier est libre de ses
mouvements. Toutefois, il est tenu d’informer l’autorité chargée de l’immigration de ses
déplacements et changements d’adresse et de se présenter à elle en tant que de besoin.

Chapitre III :

Droits et obligations des réfugiés

Article 9.- Sans préjudice des dispositions des chapitres I et II énoncées ci-dessus, tous les
droits fondamentaux et les dispositions prévues aux chapitres Il, III, IV et V de la convention
de Genève relative aux réfugiés du 28 Juillet 1951 et celle de l’OUA du 10 septembre 1969
relative aux réfugiés s’appliquent à tout réfugié régulièrement installé au Cameroun et dans la
limite des droits accordés aux nationaux. Ceux-ci concernent, entre autres:

– la non-discrimination

– le droit de pratiquer sa religion librement

– le droit à la propriété

– la liberté d’association

– le droit d’ester en justice

– le droit au travail

– le droit à l’éducation

– le droit au logement

– le droit à l’assistance sociale et publique

– la liberté de circulation

– le droit d’obtenir des titres d’identité et des documents de voyage

– le droit au transfert des avoirs

– le droit à la naturalisation.

Article 10.-

(1) Pour l’exercice d’une activité professionnelle salariée ou non, et sans exonération
d’impôts et de taxes, ainsi qu’en matière d’avantages sociaux liés à l’exercice d’une
telle activité, les personnes reconnues comme réfugiées sont assimilées aux
nationaux.

(2) Elles reçoivent le même traitement que les nationaux en ce qui concerne l’accès à
l’éducation, les droits d’inscription scolaire et universitaire et les frais des centres des
oeuvres universitaires.

Article 11.- Tout réfugié est tenu de se conformer aux lois et règlements en vigueur au même
titre que les nationaux.

Article 12.- Toute personne qui acquiert le statut de réfugié s’engage à ne mener à partir du
territoire national aucune activité déstabilisatrice contre l’Etat camerounais, contre son pays
d’origine ou contre tout autre Etat.

Article 13.-

(1) Toute personne reconnue comme réfugiée reçoit une carte de réfugié dont la durée
de validité et les modalités de renouvellement sont fixées par décret.

(2) Les réfugiés ont droit, en outre, à l’établissement du titre de voyage prévu à l’article
28 de la convention de 1951 ainsi qu’à toute autre pièce nécessaire soit à l’accomplissement
de divers actes de la vie civile, soit à l’application de la législation interne ou
des accords internationaux qui concourent à leur protection.

Article 14.-

(1) Un réfugié se trouvant régulièrement sur le territoire du Cameroun ne pourra être
expulsé que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public.

(2) L’expulsion d’un réfugié n’a lieu qu’en exécution d’une décision rendue conformément
à la procédure prévue par la loi.

(3) La décision d’expulsion est signifiée au Haut commissariat des Nations unies pour les
réfugiés qui se charge de lui trouver un pays d’asile dans un délai de soixante douze
(72) heures. Cette décision d’expulsion est également signifiée à l’intéressé qui est
sous la surveillance des autorités de maintien de l’ordre.

(4) L’expulsion entraîne de plein droit le retrait de la carte de réfugié.
Article 15.- Aucun réfugié ne peut être extradé, de quelque manière que ce soit, sur les
frontières d’un territoire visé à l’alinéa (1) de l’article 7 ci-dessus.

Chapitre IV :

Des organes de gestion des réfugiés

Article 16.- Il est créé une commission d’éligibilité au statut de réfugié et une commission des
recours des réfugiés dont l’organisation, le fonctionnement et les règles de procédures sont
fixées par décret.

Article 17.- Les décisions des deux organes visés à l’article 16 ci-dessus ne sont susceptibles
d’aucun recours devant les juridictions nationales de droit commun.

Chapitre V :

Dispositions transitoires et finales

Article 18.- Les personnes qui, à la date de promulgation de la présente loi, se trouvent sur le
territoire du Cameroun à la suite de l’une des circonstances décrites à l’article 2 ci-dessus sont
soumises aux dispositions de la présente loi.

Article 19.- Les demandeurs d’asile titulaire d’un certificat de réfugié délivré par le Haut
commissariat des Nations unies pour les réfugiés antérieurement à l’entrée en vigueur de la
présente loi obtiennent la qualité de réfugié.

Article 20.- La présente loi qui abroge toutes dispositions antérieures contraires, sera enregistrée
et publiée selon la procédure d’urgence, puis insérée au Journal Officiel en français et
en anglais.

Yaoundé, le 27 juillet 2005

Le président de la République

Paul BIYA