DECRET N°2011/1116/PM du 26 Avril 2011 fixant les modalités de la coopération décentralisée.

LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT,

Vu la Constitution ;

Vu la loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 d’orientation de la décentralisation ;

Vu la loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes ;

Vu la loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions ;

Vu la loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des collectivités territoriales décentralisées ;

Vu le décret n° 92/089 du 04 mai 1992 précisant les attributions du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, modifié et complété par le décret n°95/145-bis du 04 août 1995 ;

Vu le décret n° 2004/320 du 08 décembre 2004 portant organisation du Gouvernement, modifié et complété par le décret n° 2007/268 du 07 septembre 2007 ;

Vu le décret n° 2005/104 du 13 avril 2005 portant organisation du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation ;

Vu le décret n° 2009/222 du 30 juin 2009 portant nomination d’un Premier Ministre, Chef du Gouvernement,

DECRETE :

Chapitre I : Dispositions Générales

Article 1er.- le présent décret fixe les modalités de la coopération décentralisée.

Article 2.-(1) Au sens du présent décret, la coopération décentralisée s’entend comme toute relation de partenariat entre deux (02) ou plusieurs collectivités territoriales ou leurs regroupements, en vue de réaliser des objectifs communs.

(2) La coopération décentralisée peut s’opérer entre les collectivités territoriales camerounaises ou leurs groupements d’une part ou entre celles-ci et les collectivités territoriales étrangères d’autre part.

(3) Elle prend la forme d’une convention librement conclue entre les collectivités territoriales ou leurs regroupements concernés.

Article 3.-Sont exclus du champ d’application du présent décret, les contrats de partenariat ainsi que les relations de solidarité que peuvent entretenir les collectivités territoriales dans le cadre de Syndicats de Communes.

Article 4.-La coopération décentralisée a notamment pour objectifs :

– De promouvoir les échanges d’expériences et de savoir-faire entre les collectivités territoriales ;

– De contribuer au rayonnement extérieur du modèle Camerounais de décentralisation ;

– De satisfaire les besoins essentiels et les priorités exprimées par les populations concernées ;

– D’impulser et de soutenir la dynamique du développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif au niveau local et régional.

Article 5.- Les initiatives de coopération décentralisée entre les collectivités territoriales camerounaises ou leurs regroupements doivent se faire dans la limite des textes en vigueur et des compétences dévolues à chacune d’elles par les textes.

Chapitre II : De la conclusion des conventions de coopération décentralisée

Article 6.- Toute collectivité territoriale a la capacité de conclure des conventions de coopération décentralisée.

Article 7.- (1) La négociation d’une convention de coopération décentralisée est engagée, selon le cas, par les chefs des exécutifs des collectivités territoriales ou de leurs regroupements.

(2) Elle doit être préalablement autorisée par les organes délibérants desdites collectivités territoriales ou de leurs regroupements.

Article 8. -Une personne est considérée comme représentant d’une collectivité territoriale à la négociation d’une convention de coopération décentralisée :

– Si elle est dûment habilitée par la collectivité territoriale concernée ;

– S’il ressort de la pratique des collectivités intéressées, qu’elles avaient l’intention de considérer cette personne comme leur représentant à cette fin.

Article 9.-Un acte relatif à la conclusion d’une convention de coopération décentralisée accompli par une personne qui ne peut, en vertu de l’article 8 ci-dessus, ne peut être considérée comme autorisée à représenter la collectivité territoriale à cette fin, est sans effet juridique, a moins qu’il ne soit confirmé ultérieurement par la collectivité territoriale concernée.

Article 10.- Toute convention de coopération décentralisée doit :

– Résulter d’un accord de volonté entre les collectivités territoriales ou leurs regroupements concernés ;

– Œuvrer pour l’intérêt commun dans le respect de l’identité de chacune des parties ;

– Contribuer au développement de la collectivité territoriale concernée.

Article 11.- La conclusion d’une convention de coopération décentralisée doit obéir aux principes d’égalité, de solidarité, de réciprocité et de continuité de la personnalité juridique des parties.

Article 12.- dans le cadre d’une convention de coopération décentralisée, les collectivités territoriales ou leurs regroupements doivent notamment :

– Respecter de bonne fois tous les engagements souscrits au titre de la convention ;

– Réaliser les projets envisagés ;

– Communiquer régulièrement sur l’état de la mise en œuvre du partenariat.

Article 13.- Les projets de convention de coopération décentralisée doivent clairement préciser :

– L’objet de la relation de partenariat envisagée ;

– Les objectifs poursuivis par les parties ;

– Les modalités de mise en œuvre des actions à mener ;

– L’échéancier des réalisations envisagées ;

– L’étendue des droits, des devoirs et des responsabilités des parties ;

– Le montant prévisionnel des engagements financiers de chaque partie ;

– Les modalités de contrôle, de suivi et d’évaluation des projets ;

– Les modalités de règlement des différends ;

– La durée de la convention.

Article 14.- Tout projet de convention de coopération décentralisée est, après négociation, soumis à la validation de l’organe délibérant des collectivités territoriales ou de leurs regroupements concernés.

Article 15.- Les conventions de coopération décentralisée entrent en vigueur suivant les modalités et à la date fixées entre les parties au moment de la négociation.

Article 16.-(1) Toute convention, de coopération en vigueur lie les parties et doit être exécutée par elles de bonne foi.

(2) Elle doit être affichée dans les locaux de la collectivité territoriale concernée dans un espace prévu pour les informations à l’intention du grand public et à la Sous-préfecture territorialement compétente.

Article 17.- Le chef de l’exécutif de la collectivité territoriale ou du groupement concerné fait tenir au représentant de l’Etat compétent, un rapport annuel sur l’état d’exécution des projets envisagés, sous réserve de la durée prévue pour leur réalisation dans la convention de coopération décentralisée.

Article 18.-(1) Le ministre chargé des collectivités territoriales peut, sur proposition motivée du représentant de l’Etat compétent et, après avis de la commission prévue à l’article 34 ci-dessous, décider de la suspension d’une convention de coopération décentralisée en cours.

(2) il peut, suivant la même procédure, mettre fin à toute convention de coopération décentralisée dont l’objet et le but ont été détournés en cours d’exécution, ou en cas de violation des dispositions légales et règlementaires en vigueur.

Article 19.- Une convention de coopération décentralisée peut être amendée d’accord parties.

Article 20.-(1) Les différends relatifs à l’interprétation et à l’exécution des conventions de coopération décentralisées sont réglés suivant les modalités fixées d’accord partie.

(2) Lorsque ces différends n’ont pas pu être réglés d’accord parties, ils sont soumis à une commission d’arbitrage mise en place par les collectivités territoriales concernées.

Article 21.-(1) La commission d’arbitrage visée à l’article 20 ci-dessus rend à l’issue des travaux, une décision qui s’impose aux parties et qui doit être exécutée de bonne foi.

(2) ladite décision doit être transmise dans les quinze (15) jours pour information au Ministre chargé des collectivités territoriales par l’intermédiaire du représentant de l’Etat compétent.

Chapitre III : De la coopération entre les collectivités territoriales camerounaises

Article 22.-Les collectivités territoriales camerounaises peuvent librement entretenir entre elles des relations de coopération en vue de la poursuite des objectifs visés à l’article 4 ci-dessus.

Article 23.- Les collectivités territoriales camerounaises peuvent former des regroupements dans la limite de leurs compétences en raison des caractéristiques qui leur sont reconnues, notamment :

– Les caractéristiques géographiques ;

– Le partage d’une même thématique ;

– Les intérêts économiques convergents ;

– Les questions environnementales, minières, touristiques, agropastorales et culturelles entre autres.

Article 24.-Les conventions de coopération décentralisée entre les collectivités territoriales camerounaises ou leurs regroupements doivent être notifiées au Ministre chargé des collectivités territoriales par l’intermédiaire du représentant de l’Etat compétent.

Article 25.- Le Ministre chargé des collectivités territoriales dispose d’un délai de trente (30) jours, à compter de la date de réception du dossier pour examiner lesdites conventions. Passé ce délai, ces conventions sont exécutoires de plein droit.

Chapitre IV : De la coopération entre les collectivités territoriales camerounaises et étrangères

Article 26.-(1) Les collectivités territoriales camerounaises ou leurs regroupements peuvent conclure des conventions de coopération décentralisée avec les collectivités territoriales des pays étranger.

(2) Elles peuvent aussi adhérer, par convention, à des organisations internationales de villes jumelées ou à d’autres organisations internationales de villes, en vue de mener des actions de coopération dans ce domaine.

Article 27.- Aucune convention ne peut être passée entre les collectivités territoriales ou leurs regroupements et un Etat étranger.

Article 28.-Toute convention de coopération décentralisée conclue par les collectivités territoriales camerounaises ou leurs regroupements avec des collectivités territoriales étrangères dont l’objet et le but sont de nature à porter atteinte à la sûreté de l’état et à l’intégrité territoriale de l’Etat est nulle.

Article 29 : Les conventions de coopération décentralisée conclues par les collectivités camerounaises ou leurs regroupements avec des collectivités territoriales étrangères, ne doivent pas comporter des dispositions qui pourraient lier une autre entité juridique existante, sans l’accord expressément formulé de celle-ci.

Article 30 : (1) Tout projet de convention de coopération décentralisée entre les collectivités territoriales camerounaises ou leurs regroupements et des collectivités territoriales étrangères, est soumis à l’approbation préalable du Ministre chargé des collectivités territoriales après avis de la commission prévue à l’article 34 ci-dessus.

(2) Ledit projet de convention doit être accompagné d’un dossier constitué de :

– la délibération autorisant la négociation ;

– la délibération validant le projet de convention ;

– le rapport relevant les résultats des négociations de l’identité du partenaire ;

– L’ensemble du dossier technique des projets envisagés ;

– Le plan de financement indiquant les différentes ressources.

Article 31 : Le Ministre chargé des collectivités territoriales dispose d’un délai de trente (30) jours, à compter de la date de réception du dossier, pour approuver le projet de convention de coopération décentralisée qui lui est soumis en dernière analyse.

Article 32 : (1) Tout refus d’approbation doit être dûment notifié aux collectivités ou à leurs regroupements concernés, assorti des motifs qui sous-tendent.

(2) Les collectivités territoriales ou leurs regroupements concernés doivent procéder aux ajustements nécessaires au regard des irrégularités relevées dans le dossier et le transmettre à nouveau, suivant les formes prévues à l’article 30 ci-dessus, au Ministre chargé des collectivités territoriales pour approbation du projet de convention.

Article 33 : (1) Après approbation, les parties expriment leur consentement définitif à être liées par la signature et l’échange de l’instrument constituant la convention.

(2) Une copie de la convention signée doit être transmise au Ministre chargé des collectivités territoriales décentralisées dans un délai de dix (10) jours par le représentant de l’Etat compétent.

Chapitre V : Du suivi et d’évaluation de la coopération décentralisée.

Article 34 : (1) Le gouvernement assure le suivi et l’évaluation de la coopération décentralisée en abrégé « CICOD », et ci-après dénommé « la Commission. »

(2) A ce titre, elle est notamment chargée :

– d’assurer la synergie d’actions entre les administrations impliquées dans la mise en œuvre de la coopération décentralisée ;

– d’établir et de tenir à jour un fichier national des collectivités territoriales décentralisées ou de leurs regroupements ayant conclu des conventions de coopération décentralisée ;

– de favoriser la concertation entre les différents acteurs de la coopération décentralisée ;

– de s’assurer de la cohérence dans les interventions de la collectivité territoriale ou du groupement en relation de partenariat ;

– de diligenter des études en vue de la mise en œuvre de la coopération décentralisée ;

– d’émettre des avis sur les projets de convention de coopération décentralisée entre les collectivités territoriales camerounaises ou leurs regroupements et les collectivités territoriales étrangères, soumises à l’approbation préalable du Ministre chargé de collectivités territoriales décentralisées ;

– de s’assurer de la conformité des conventions de coopération décentralisée avec la Constitution, ainsi que les dispositions légales et réglementaires en vigueur ;

-de suivre la mise en œuvre des programmes et des projets envisagés dans la convention de coopération décentralisée ;

– de s’assurer que la convention de coopération décentralisée a préalablement été autorisée par une délibération du conseil de la collectivité territoriale ou le regroupement camerounais signataire ;

– de formuler toute proposition tendant à renforcer la coopération décentralisée et en améliorer les modalités de mise en œuvre.

(3) Elle dresse un rapport annuel sur l’état de la coopération décentralisée, adressé au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, assorti de suggestions.

Article 35 : (1) Placée sous l’autorité du Ministre chargé des collectivités territoriales, la Commission est composée ainsi qu’il suit :

Président : le Ministre chargé des collectivités territoriales ;

Membres :

– Un (01) représentant des Services du Premier Ministre ;

– Le secrétaire permanent du Conseil National de la décentralisation ;

– Deux (02) représentants du ministère chargé des collectivités territoriales ;

– Un (01) représentant du ministère chargé des relations extérieures ;

– Un (01) représentant du ministère chargé des finances ;

– Un (01) représentant du ministère chargé de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire ;

– Un (01) représentant du ministère en charge du développement urbain ;

– Le directeur général du Fonds Spécial d’Equipement et d’Intervention intercommunale (FEICOM) ou son représentant ;

– Deux (02) représentants des Communes ;

– Deux (02) représentants des régions.

(2) Le président peut faire, à titre consultatif, à toute autre personne physique ou morale en raison de son expertise ou de ses compétences pour l’examen des points inscrits à l’ordre du jour.

(3) Les membres de la Commission sont désignés par les administrations et organismes auxquels ils appartiennent.

(4) La composition de la Commission est constatée par arrêté du Ministre chargé des collectivités territoriales.

Article 36 : Le secrétariat de la Commission est assuré par la Direction des Collectivités Territoriales Décentralisées au Ministère chargé des collectivités territoriales.

Article 37 : (1) La Commission se réunit en tant que de besoin et au moins une (01) fois par trimestre sur convocation de son président.

(2) Les convocations doivent parvenir aux membres de la Commission, accompagnés du projet d’ordre du jour et des documents de travail, au moins sept (07) jours avant la date de la réunion, sauf en cas d’urgence.

Article 38 : (1) Les fonctions de président, de membres et du secrétariat de la Commission, ainsi que les personnes invitées à titre consultatif, sont gratuites.

(2) Toutefois, ceux-ci peuvent prétendre au bénéfice de certaines facilités suivant les modalités fixées par décision du Ministre chargé des collectivités territoriales.

Article 39 : Les frais nécessaires au fonctionnement de la Commission sont supportés par le budget du Ministère chargé des collectivités territoriales décentralisées et par toutes autres contributions consenties par les partenaires au développement s’intéressant à la coopération décentralisée.

Chapitre VI : Des dispositions transitoires, diverses et finales

Article 40 : Les collectivités territoriales ayant conclu des conventions de coopération décentralisée avant l’entrée en vigueur du présent décret disposent d’un délai de six (06) mois pour faire tenir au Ministre chargé des collectivités territoriales, copies desdites conventions.

Article 41 : Les fonds destinés au financement des projets de la coopération décentralisée proviennent essentiellement :

– Des ressources propres des collectivités territoriales concernées ;

– Des ressources de l’état ;

– Des ressources directement issues de la coopération décentralisée ;

– Des appuis financiers des partenaires au développement ;

– De toute autre ressource prévue par la loi ;

– Des ressources provenant du FEICOM.

Article 42 : (1) Les fonds visés à l’article 41 ci-dessus sont des deniers publics.

(2) Leur gestion obéit aux règles de la comptabilité publique, conformément au régime financier des collectivités territoriales décentralisées, sous réserve des règles spécifiques et particulières prévues à cet effet.

Article 43 : Lorsqu’une collectivité territoriale doit apporter une contrepartie financière pour la réalisation d’un projet envisagé dans le cadre de la coopération décentralisée, celle-ci doit être inscrite dans la rubrique des dépenses obligatoires de son budget.

Article 44 : Le présent décret sera enregistré, publié suivant la procédure d’urgence, puis inséré au Journal officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 26 Avril 2011

Le Premier Ministre,

Chef du Gouvernement,

Philémon YANG.