« L’hygiénisme social » est un ensemble de pratiques sociales qui reposent sur la réhabilitation, la propreté de la forme urbaine, l’ordre, la normalisation et le contrôle d’une frange de la population, et est le fait des autorités administratives locales, notamment dans les grandes villes52(*). L’hygiénisme social est supposé oeuvrer dans le façonnement des espaces urbains. De fait, il s’agit, dans les politiques urbaines, de faire des villes « propres », c’est-à-dire sûres.

A ce titre, L’hygiénisme social glisse lentement vers un modèle sécuritaire et cherche à homogénéiser et à s’approprier l’espace public. Ainsi, on assiste à la naissance d’une police du « désoeuvrement social » touchant aussi bien les marginaux que la délinquance des mineurs (Section I) ; de même, la prostitution est soumise à cette conception de l’hygiène sociale, restreinte par une réglementation oscillant entre la protection de l’ordre public et la protection d’un certain ordre moral (Section II).
SECTION I : LA POLICE DU DESOEUVREMENT SOCIAL

Le désoeuvrement social caractérise la forme d’exclusion qui atteint tout particulièrement les marginaux (les aliénés, la divagation de fous et de furieux et en autre, les mendiants) ; mais aussi les mineurs livrés à eux-mêmes, et dont les parents n’arrivent plus à assumer leur rôle protecteur et éducatif. Ces deux catégories de personnes errent donc sur la voie publique, leur comportement pouvant être interprété comme une menace pour l’ordre public. C’est pourquoi les maires ont pris des arrêtés visant à restreindre la mendicité sur la voie publique (Paragraphe I), à garantir aux usagers de la voie publique des rues saines et propres (Paragraphe II) et à faire disparaître la présence des mineurs dans la rue à des heures indues, cela au moyen d’arrêtés imposant un couvre « couvre-feu » aux dits mineurs (Paragraphe III).
PARAGRAPHE I : LA PROTECTION CONTRE LES

MARGINAUX

Ces « marginaux » concernent principalement les aliénés (A) et les mendiants (B).

A- Aliénés, divagation de fous et de furieux

Les aliénés sont des malades dont le maire n’a à s’occuper que lorsqu’ils deviennent furieux et dangereux pour eux-mêmes ou pour la population par exemple, un fou armé d’une machette, d’un gourdin, d’une hache, etc. et attaquant les passants.

Lorsqu’ils ont pu être maitrisés, les aliénés doivent être dirigés sur l’Hôpital où ils seront internés par le biais des arrêtés d’hospitalisation d’office. En cas de difficultés, par exemple lorsque l’aliéné s’est refugié dans un puits ou barricadé dans une maison, le maire doit alerter le Commissaire de police. Celui-ci, selon le cas, avisera un médecin spécialisé, les sapeurs-pompiers, les employés de la voirie, un serrurier, un puisatier, etc., tout en faisant garder les lieux par un nombre suffisant de fonctionnaire de police.

B- Mendiants et vagabonds

La mendicité est le fait de demander l’aumône ; il s’agit d’un don charitable fait à un pauvre, dans l’intérêt de la personne mendiant, à la différence des quêtes qui sont effectuées dans un but philanthropique. Le terme de mendicité décrit soit l’action de mendier, soit la condition de celui qui y fait appel ; ses formes sont variées : à la porte des églises, dans les moyens de transport, avec utilisation d’enfants pour apitoyer le passant, à la suite d’une prestation de type artistique ou l’offre d’un service… un mendiant n’est pas nécessairement une personne « sans domicile fixe » où en abrégé « SDF », et à l’inverse, tous les SDF ne sont pas nécessairement des mendiants. Cependant, ces deux qualités peuvent se retrouver dans la même personne.

Quoique prévu à l’article 109 du Code pénal, la mendicité est plutôt « tolérée » ; cependant, la rue étant par définition le lieu où les populations de mendiants se retrouvent, on a pu assister à une vague d’arrêtés dits « anti-mendicité », pris par les maires de différentes communes sur le fondement de leurs pouvoirs de police administrative, afin d’interdire les occupations abusives et prolongées de certaines partie de la voie publique, accompagnées ou non de sollicitations à l’égard des passants, quand elles sont de nature à entraver la libre circulation des personnes ou porter atteinte à la tranquillité publique.

Ces mesures drastiques ont conduit le juge administratif à se prononcer sur la légalité de tels arrêtés et suscite notre stupéfaction devant l’interdiction général et absolue de la mendicité dans la commune du Plateau. En effet, dans l’arrêt de M. Laurent L. et Association AC Conflent du 9 juillet 200353(*), le Conseil d’Etat prenait en compte l’existence de circonstances locales et de risques de troubles à l’ordre public, ainsi que la durée et l’étendue de l’interdiction prononcée, pour admettre la légalité d’un arrêté « anti-mendicité ». Le juge administratif exerce donc un contrôle de proportionnalité sur les mesures prises par les maires pour réduire le phénomène de mendicité et de vagabondage dans leurs communes, et ne valide les interdictions que dans la mesure où elles sont limitées dans le temps et l’espace et adaptées à l’objectif poursuivi.

Il n’en demeure pas moins que tels arrêtés peuvent être considérés comme une forme de bannissement des exclus de la société ; ces populations se retrouvant exclus de certains lieux publics, on peut se demander si elles ne sont pas également privées de leurs droits, devenant, selon l’expression du doyen Carbonnier, des « non-sujets de droits ». En effet, la liberté d’aller et venir des mendiants semblent bénéficier de moins d’égards que la préservation de l’ordre public et de la liberté de circulation des personnes dans une situation « ordinaire ».
« L’hygiénisme social » est un ensemble de pratiques sociales qui reposent sur la réhabilitation, la propreté de la forme urbaine, l’ordre, la normalisation et le contrôle d’une frange de la population, et est le fait des autorités administratives locales, notamment dans les grandes villes52(*). L’hygiénisme social est supposé oeuvrer dans le façonnement des espaces urbains. De fait, il s’agit, dans les politiques urbaines, de faire des villes « propres », c’est-à-dire sûres.

A ce titre, L’hygiénisme social glisse lentement vers un modèle sécuritaire et cherche à homogénéiser et à s’approprier l’espace public. Ainsi, on assiste à la naissance d’une police du « désoeuvrement social » touchant aussi bien les marginaux que la délinquance des mineurs (Section I) ; de même, la prostitution est soumise à cette conception de l’hygiène sociale, restreinte par une réglementation oscillant entre la protection de l’ordre public et la protection d’un certain ordre moral (Section II).
SECTION I : LA POLICE DU DESOEUVREMENT SOCIAL

Le désoeuvrement social caractérise la forme d’exclusion qui atteint tout particulièrement les marginaux (les aliénés, la divagation de fous et de furieux et en autre, les mendiants) ; mais aussi les mineurs livrés à eux-mêmes, et dont les parents n’arrivent plus à assumer leur rôle protecteur et éducatif. Ces deux catégories de personnes errent donc sur la voie publique, leur comportement pouvant être interprété comme une menace pour l’ordre public. C’est pourquoi les maires ont pris des arrêtés visant à restreindre la mendicité sur la voie publique (Paragraphe I), à garantir aux usagers de la voie publique des rues saines et propres (Paragraphe II) et à faire disparaître la présence des mineurs dans la rue à des heures indues, cela au moyen d’arrêtés imposant un couvre « couvre-feu » aux dits mineurs (Paragraphe III).
PARAGRAPHE I : LA PROTECTION CONTRE LES

MARGINAUX

Ces « marginaux » concernent principalement les aliénés (A) et les mendiants (B).

A- Aliénés, divagation de fous et de furieux

Les aliénés sont des malades dont le maire n’a à s’occuper que lorsqu’ils deviennent furieux et dangereux pour eux-mêmes ou pour la population par exemple, un fou armé d’une machette, d’un gourdin, d’une hache, etc. et attaquant les passants.

Lorsqu’ils ont pu être maitrisés, les aliénés doivent être dirigés sur l’Hôpital où ils seront internés par le biais des arrêtés d’hospitalisation d’office. En cas de difficultés, par exemple lorsque l’aliéné s’est refugié dans un puits ou barricadé dans une maison, le maire doit alerter le Commissaire de police. Celui-ci, selon le cas, avisera un médecin spécialisé, les sapeurs-pompiers, les employés de la voirie, un serrurier, un puisatier, etc., tout en faisant garder les lieux par un nombre suffisant de fonctionnaire de police.

B- Mendiants et vagabonds

La mendicité est le fait de demander l’aumône ; il s’agit d’un don charitable fait à un pauvre, dans l’intérêt de la personne mendiant, à la différence des quêtes qui sont effectuées dans un but philanthropique. Le terme de mendicité décrit soit l’action de mendier, soit la condition de celui qui y fait appel ; ses formes sont variées : à la porte des églises, dans les moyens de transport, avec utilisation d’enfants pour apitoyer le passant, à la suite d’une prestation de type artistique ou l’offre d’un service… un mendiant n’est pas nécessairement une personne « sans domicile fixe » où en abrégé « SDF », et à l’inverse, tous les SDF ne sont pas nécessairement des mendiants. Cependant, ces deux qualités peuvent se retrouver dans la même personne.

Quoique prévu à l’article 109 du Code pénal, la mendicité est plutôt « tolérée » ; cependant, la rue étant par définition le lieu où les populations de mendiants se retrouvent, on a pu assister à une vague d’arrêtés dits « anti-mendicité », pris par les maires de différentes communes sur le fondement de leurs pouvoirs de police administrative, afin d’interdire les occupations abusives et prolongées de certaines partie de la voie publique, accompagnées ou non de sollicitations à l’égard des passants, quand elles sont de nature à entraver la libre circulation des personnes ou porter atteinte à la tranquillité publique.

Ces mesures drastiques ont conduit le juge administratif à se prononcer sur la légalité de tels arrêtés et suscite notre stupéfaction devant l’interdiction général et absolue de la mendicité dans la commune du Plateau. En effet, dans l’arrêt de M. Laurent L. et Association AC Conflent du 9 juillet 200353(*), le Conseil d’Etat prenait en compte l’existence de circonstances locales et de risques de troubles à l’ordre public, ainsi que la durée et l’étendue de l’interdiction prononcée, pour admettre la légalité d’un arrêté « anti-mendicité ». Le juge administratif exerce donc un contrôle de proportionnalité sur les mesures prises par les maires pour réduire le phénomène de mendicité et de vagabondage dans leurs communes, et ne valide les interdictions que dans la mesure où elles sont limitées dans le temps et l’espace et adaptées à l’objectif poursuivi.

Il n’en demeure pas moins que tels arrêtés peuvent être considérés comme une forme de bannissement des exclus de la société ; ces populations se retrouvant exclus de certains lieux publics, on peut se demander si elles ne sont pas également privées de leurs droits, devenant, selon l’expression du doyen Carbonnier, des « non-sujets de droits ». En effet, la liberté d’aller et venir des mendiants semblent bénéficier de moins d’égards que la préservation de l’ordre public et de la liberté de circulation des personnes dans une situation « ordinaire ».
PARAGRAPHE II : LA PROPRETE DE LA RUE
En vertu de l’article 72 de la Charte municipale, le maire est responsable de la salubrité dans sa commune. Il doit toujours garantir à ses administrés en général et aux usagers de la voie publique en particulier, un environnement sain et agréable à vivre. A ce titre, il arrive que les maires prennent des arrêtés ayant pour objet d’instituer des mesures de propreté, dont la méconnaissance sera sanctionnée par des contraventions par exemple :

· L’arrêté municipal du 2 janvier 2003 qui interdit le dépôt d’ordures, des gravats, et de déchets sur toute l’étendu de la commune du Plateau sous peine d’une contravention dont le montant est fixé par les services de la mairie ;

· L’article 1er de l’arrêté du 13 avril 1992 du maire de Mulhouse relatif à la propreté prévoit qu’il est « interdit de pousser ou projeter des balayures, et en particulier des feuilles mortes, sur la voie publique ».

S’agissant des animaux, et plus particulièrement de la circulation des chiens sur la voie publique, le maire d’Aix-en-Provence à travers l’article 4 de l’arrêté du 7 février 2003 fait obligation à « chaque personne ayant à la garde d’un chien de veiller à ce que les déjections de son animal se fassent dans les caniveaux des voies publiques où des emplacements prévus à cet effet ». Lorsque le propriétaire est autorisé à laisser son chien effectuer ses fonctions naturelles sur des parties du domaine public qui sont ouvertes à la circulation, de nombreuses municipalités font obligation au propriétaire de ramasser les déjections que cet animal abandonne, sous peine d’amende. Au cours des premiers mois de l’année 2005, 2500 procès-verbaux d’infraction à l’obligation de ramassage ont été dressés par les inspecteurs de la salubrité publique de la ville de Paris54(*).
PARAGRAPHE III : LA PREVENTION DE LA DELINQUANCE

En tant qu’il est un sujet de droit comme un autre, le mineur devrait avoir les mêmes prérogatives d’usage de la rue que quiconque. Mais en temps qu’il est mineur, il demande à être protégé contre certains risques dont la rue est le théâtre et qui peuvent mettre en cause son intégrité physique, son intégrité morale et son épanouissement socio-culturel. Ces préoccupations sont aujourd’hui au coeur d’une tension entre la police administrative de la rue et la politique de protection judiciaire de l’enfance.

Il semble donc concevable que les maires puissent interdire par arrêté la circulation des mineurs sur le territoire de leur commune afin de les protéger. La particularité de ces mesures tient au fait qu’elles sont fondées sur la protection de l’individu contre lui-même. Ces arrêtés ont donc pour but premier de garantir un intérêt individuel : la protection de mineurs ; le maintien de l’ordre public dans son sens traditionnel de sécurité et de tranquillité publiques n’est donc visé que de façon indirecte, lorsqu’il est question d’éviter que les mineurs ne soient mêlés, incités ou accoutumés à des actes de violence qui pourraient être exercés la nuit.

Les maires se voient également confier une mission de responsabilisation des parents, élément révélé par le fait que certains arrêtés permettant la reconduite du mineur au domicile parental prévoyant que cette reconduite puisse permettre d’attirer l’attention des parents sur les risques de toutes natures encourus par leurs enfants en circulant la nuit. Ce rôle éducatif reconnu aux maires a été considéré par le juge comme un titre légitime d’intervention du pouvoir de police et qui ne porte pas en lui-même atteinte au libre exercice de l’autorité parentale par les parents du mineur55(*). Ainsi, l’autorité municipale se substitue aux parents réputés « démissionnaires » ou ayant toute autorité sur leur enfants.

Le Conseil d’Etat a validé jusqu’à présent cinq arrêtés municipaux restreignant la circulation nocturne des mineurs. Tout d’abord, la jurisprudence administrative admet que le maire fasse usage des pouvoirs de police générale qu’il tient des articles L 221261 et suivant du CGCT pour limiter la circulation nocturne des mineurs, à condition que ces mesures soient édictées en fonction de circonstances locales particulières, dans le but de contribuer à la protection des mineurs (contre les risques d’être victimes, mais aussi agresseurs). Toutefois, seuls les mineurs de treize ans, non accompagnés d’une personne majeure, peuvent être concernés par ces restrictions.

Les mesures doivent ensuite être limitées dans le temps et l’espace. La période et les horaires de restriction doivent être limités à une période précise de l’année. Ils doivent viser les mois particulièrement sensibles (la période estivale notamment), afin que les mesures restreignant la liberté d’aller et venir soient nécessaires et proportionnées aux risques de troubles à l’ordre public.

Enfin, les dispositions, selon lesquelles les mineurs de 13 ans, non accompagnés d’une personne majeure, pourront être reconduits à leur domicile ou au commissariat, par les agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale ou de la police municipale, doivent être justifiées par un caractère d’urgence. Sans cette précision, elles sont considérées comme illégales.

* 54 Libération, 11-12 juin 2005, p. 16.

* 55 Conseil d’Etat, ord. Réf., 9 juillet 2001, Préfet du Loiret, n° 235638, AJDA, 2002, p. 351 note G. Armand.