DEIDO
Eyoum Ebele était, il y a bien k le roi des Deidos. Son petit i d’ailleurs Charley Deido. Il avait deux fils, bagarreurs comme savent l’être les Deido. Au cours d’une dispute, l’un d’eux trouva la mort. Le Ngondo, qui était alors l’instance traditionnelle la plus haute de l’époque, demanda au roi de lui livrer le fils meurtrier pour que lui soit administré le Dibombè, la loi du talion. Le King Deido Eyoum Ebele, surpris de cette injonction, s’exclama : «Na si ma tubea miso mabanèbunya bô !». Traduction : «je n’accepterai pas qu’on me crève les deux yeux le même jour.»
Ce refus du chef Eyoum Ebele fut considéré comme une déclaration de guerre. Le Ngondo, dans son ensemble, se sentit offusqué, et une guerre éclata entre les Bon’ébéla et les autres. Une rupture qui marqua la fin de l’allégresse au grand roi Akwa. Bon’ebela (Deido, d’appellation anglaise) est, depuis cette bataille historique, constitué de six villages: Bonantonè, Bonatenè, Bonamuti, Bonamuduru, Bonanjinjè, Bonatéki.
Bagarreur, comme ses cousins Bonatéki et ses oncles de Bonantonè, Charles Léa Eyoum l’est et aime à le rappeler. D’ailleurs, c’est la caractéristique principale des Deidos. Les Bonanjos sont connus pour leur noblesse, et les Akwas pour leur amour du commerce. Et malgré ce tempérament, Charles Léa Eyoum a gardé de bons rapports avec nombre de ses congénères: «J’ai de bonnes relations avec Milla, aucun problème avec jean Manga Onguéné, Paul Nlend, Emmanuel Mve, Jean Paul Akono. Essaka Ekwalla est le chef supérieur Deido. Il compte Charles Léa Eyoum parmi les fils du village dont il est si fier. Laurent Esso, l’actuel ministre des Relations extérieures, est lui aussi un illustre Bonantonè. Tobbo e Thomas Eyoum, ancien délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala arrive de Bonatenè, une des six familles Deido. Ben Decca est l’une des figures de proue de ce village, qui n’est village aujourd’hui que de nom. En effet, en dehors de quelques places mythiques telles que le mausolée Ekwalesak’ekwal’eassa, le grand fromager à Banajinjè Deido-plage, le grand baobab Wasabuma Bonamuti, le collège Alfred Saker, le marché du même nom et Deido-plage, sur les berges du Wouri où Saker débarqua en 1845, à Bonangando précisément ; en dehors de ces quelques lieux anciens, Deido s’est mué en un grand quartier de ville. L’époque de Douala et de ses deux principales agglomérations, Beil Town et Akwa Town, est depuis longtemps révolue.
Deido s’est installée, et s’est également imposée de manière progressive et spontanée comme troisième quartier de la ville. A ce jour, ce village est le symbole même de la joie de vivre. Ses rues sont célèbres et bruyantes: les fameuses «rues de la joie» où on trouve de j tout des filles de joie justement, du bon poisson braisé, des discothèques parmi les mieux animées de la ville, des Béninoises spécialistes de beignets et de haricot, un rond-point devenu célèbre à cause de ses inondations permanentes, des églises. Du bruit, beaucoup de bruit. Ce brouhaha quotidien, Charles Léa Eyoum a fini par en faire un compagnon, lui qui a bâti sa maison en plein carrefour de l’école publique. Il espère y vivre le plus longtemps possible et avoir de quoi finir ses vieux jours.