La contestation ne faiblit pas. Ni la nomination d’un nouveau Premier ministre le 29 janvier, ni celle d’un vice-président n’ont suffi à calmer la colère des manifestants. Des dizaines de milliers d’Egyptiens sont redescendus dans la rue, bravant le couvre-feu imposé par les autorités, pour demander toujours le départ du président Moubarak. Les gens ont peur du chaos, mais ils appellent à de nouvelles manifestations ce dimanche. Le bilan des affrontements est de plus de 100 morts et 2 000 blessés en cinq jours de soulèvement populaire dans le pays.
Le mot d’ordre est toujours le même depuis vendredi, c’est tout le pouvoir qui doit changer de mains. Samedi, les slogans étaient même encore plus explicites : Moubarak dehors, certains arboraient des affiches avec un portrait du président égyptien barré d’une croix. L’annonce d’un nouveau gouvernement n’a pas réussi à calmer les manifestants.

Mona brave déjà le couvre-feu depuis quatre heures de l’après-midi, elle continue à réclamer le départ du président : «Je veux que Hosni Moubarak s’en aille, On ne veut ni Omar Souleimane, ni personne d’autre du système. Il faut faire des élections et que le peuple choisisse son président ». « On a besoin d’une personnalité indépendante, comme par exemple Amr Moussa qui peut diriger un gouvernement transitoire et on pourrait avoir des élections indépendantes et transparentes. Quel est le problème ? On a vécu trente ans avec ce régime, moi j’ai 36 ans, j’ai vécu l’injustice, la discrimination, la corruption, pourquoi, pourquoi il reste aussi longtemps au pouvoir ? Ca suffit, ça suffit Moubarak ! », ajoute-elle .

Omar travaille dans le tourisme, malgré la chute de ses affaires ces derniers jours, il veut continuer à manifester : « Mon argent, il vient de l’extérieur, des touristes, pas du gouvernement. Je vends des souvenirs aux touristes. Donc mon argent, mon salaire, ma survie, je la dois aux étrangers, Français, Anglais, Américains, Allemands, Tunisiens, Australiens, peu importe. Tout cela pour dire que le gouvernement ne me donne aucune aide. Ce qu’on veut dire aux gens de l’extérieur, c’est qu’on peut attendre un an s’il le faut, et pas seulement un mois, dans la rue, mais après au moins il y aura le changement ».

Nadia n’a pas été payée depuis deux mois : « Ma mère est femme au foyer. Moi je travaille dans une administration, et j’ai toujours des retards de salaire. Je souffre beaucoup, mon frère aussi, tout le monde, toute la société, et c’est ça le problème en ce moment, c’est que tout le monde souffre. Je suis professeur dans l’éducation nationale, mais cela fait deux mois que je n’ai pas été payée, c’est un poids supplémentaire pour ma mère qui elle-même touche une toute petite retraite. Je ne vois pas d’issue. Je n’accepterai pas ce changement de gouvernement qu’on nous propose. Je n’accepterai qu’une seule chose, c’est que Moubarak dégage. On ne veut plus qu’il soit au pouvoir ».

Non loin d’elle, Omar crie « Moubarak, dégage ! on n’a pas besoin de lui, on ne l’aime pas, on le hait. Plus de 40% des Egyptiens vivent sous le seuil de pauvreté. On vit dans la misère (…) à cause de Hosni Moubarak . Nous voulons, dit-il, que vous soyez avec les Egyptiens, c’est ce que nous attendons de vous : les Français, les Anglais, les Américains, que vous soyez aux côtés du peuple égyptien et non pas du côté du gouvernement. L’armée est avec les Egyptiens (…). Elle est là pour protéger les gens, pas pour les tuer. Le gouvernement et Moubarak ont exercé des pressions sur l’armée pour qu’elle réprime le peuple, mais l’armée n’a pas accepté (…).

Le soir du 29 janvier, des bâtiments étaient en feu, la capitale était livrée aux casseurs et aux pillards. L’armée a appelé la population au respect du couvre-feu, notamment, pour lui permettre de faire face au phénomène de pillage. Des comités de quartier se sont formés pour résister aux pillards.

Dans la capitale, la police a tiré à balles réelles sur des manifestants qui tentaient hier d’investir le ministère de l’Intérieur faisant trois morts. Pour la seule journée du 29 janvier, 68 personnes ont été tuées au Caire, à Suez et à Alexandrie dont 17 personnes abattues par la police à Béni Youssef, au sud de la capitale.