Jean-Pierre Chevènement, l’ancien ministre français de la Défense en démissionnant pour protester contre la première guerre d’irak, disait: «Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne.» Comme son homologue français, Garga Haman Adji reste à ce jour, le seul ministre de Paul Biya à avoir volontairement claqué la porte du gouvernement. C’était en 1992 et il protestait contre la politique d’impunité en cours dans le pays. Ministre de la Fonction publique et du contrôle supérieur de l’Etat depuis 1988, cet administrateur civil principal de classe exceptionnelle se sera illustré en traquant et en sanctionnant les fossoyeurs de l’économie nationale. Il s’agissait pour lui de traduire dans les faits la politique de rigueur et de moralisation prônée depuis six ans par Paul Biya. C’est donc dans ce contexte particulier, où le Cameroun est en outre embarqué dans le tourbillon violent des vents d’Est que ce natif de Maroua décide de rendre son tablier. Acte d’autant plus surprenant que la fonction ministérielle reste encore considérée au Cameroun comme une position d’enrichissement facile mais pas toujours licite et ou on préfère le silence à la démission. Mais une fois hors du gouvernement, cette « grande gueule », ce «fort en thème » ne la ferme pas. Bien au contraire. Avec la verve et la truculence qu’on lui connaît, il ne se prive pas de dénoncer les dérives d’un régime qu’il a servi. En cette année où le pays connaît sa première élection présidentielle pluraliste à l’issue incertaine, les différentes formations politiques lui font une cour assidue afin de bénéficier de son rayonnement au sein d’une opinion avide de changement. Il s’engage aux côtés de John Fru Ndi et du Sdf dont il fut même un temps, directeur de campagne. Avant de mettre sur pied sa propre formation politique, l’Alliance pour la démocratie et le développement (Add).

Né le 27 janvier 1944 à Maroua, Garga Haman Adji est titulaire d’une licence en droit et sciences économiques obtenue à l’université de Yaoundé en 1972 et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées (Dess) obtenu à l’université de Poitiers en France en 1976. Parallèlement à ce cursus académique, il s’est doté d’une solide formation professionnelle. C’est ainsi qu’il est diplômé de l’institut international de l’administration publique de Paris (liap) en 1968 et de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) de Yaoundé en 1969. Son diplôme en poche, c’est avec surprise qu’on le retrouve dans un premier temps commissaire spécial à Ngaoundéré puis sous-directeur administratif et financier de la sûreté nationale de 1969 à 1971. A la suite d’un stage effectué au ministère des Finances en 1969, il est nommé directeur adjoint dans ce département ministériel de 1971 à 1972 avant de se voir confier le secrétariat général du ministère de la Fonction publique pendant un an, de 1972 à 1973 avant de s’envoler pour un stage à Electricité de France (Edf) en 1974, stage qui lui ouvre les portes de la Sonel, où, sept années durant, de 1974 à 1981, il en est l’inamovible directeur comptable et financier. Séjour interrompu par deux stages à la Caisse française de développement ancienne Caisse centrale de coopération économique (Ccce) en 1977 et 1979. Son bail achevé à la compagnie d’électricité, Garga Haman Adji est nommé inspecteur d’Etat. De 1981 à 1984, iI est chargé de l’inspection et des réformes, du contrôle des administrations et des entreprises publiques. De son passage au sein de cette administration, on retient qu’il est l’auteur des chèques de carburant avec valeur faciale en francs cfa émis par les sociétés pétrolières en lieu et place des bons de carburant en litre émis par le ministère des Finances. L’administrateur civil principal de classe exceptionnelle connaît une première consécration en 1984 lorsqu’il est porté à la tête de la Boston bank Cameroon comme administrateur directeur général. L’idylle dure deux ans. 1988 voit l’entrée au gouvernement de cet homme à poigne au moment où, frappé de plein fouet par une sévère crise économique, le gouvernement doit soumettre le pays à une rude cure d’austérité à commencer par lui-même. Il faut réduire le train de vie de l’Etat, compresser le trop plein des effectifs et assainir les finances en traquant où qu’ils se trouvent, ceux qui prennent, ou ont pris des libertés avec la fortune publique. Garga Haman Adji s’y engage résonement. Des têtes, et pas des moindres, commencent à tomber. L’opinion applaudit. Les réseaux se mettent en branle. Le contrôle supérieur de l’Etat est ramené à la présidence de a République. Puis, vint la démission…

Bienvenue a l’extrême-Nord

Radioscopie d’une province et de ses personnalités incontournables

Aimé Robert BIHINA

Eric Benjamin LAMERE