l’affaire Benjamin a permis au Conseil d’Etat de définir dans un arrêt du 19 mai 1933 les limites du pouvoir de police du maire, compétent pour assurer le maintien de l’ordre dans la commune, et les obligations du maire face à une liberté publique comme la liberté de réunion. Le sieur Benjamin avait été invité par le Syndicat d’initiative de Nevers à donner dans cette ville une conférence sur un sujet littéraire: « Deux auteurs comiques: Courteline et Sacha Guitry ». Pas de quoi déchaîner les passions politiques a priori. Mais René Benjamin s’était permis d’afficher des sentiments peu favorables aux enseignants publics et les instituteurs syndiqués firent savoir au maire qu’ils s’opposeraient par tous les moyens à ce qu’ait lieu la conférence d’un homme « qui avait sali dans ses écrits le personnel de l’enseignement laïc ». Prétextant du risque d’incidents graves, le maire interdit la conférence et René Benjamin attaqua cette interdiction devant le Conseil d’Etat, invoquant la violation des lois du 30 juin 1881 et du 28 mars 1907 consacrant la liberté de réunion.
Le Conseil d’Etat a fait droit à cette requête et a annulé l’interdiction de la conférence considérant que « l’éventualité de troubles, alléguée par le maire de Nevers, ne présentait pas un degré de gravité tel qu’il n’ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l’ordre en édictant les mesures de police qu’il lui appartenait de prendre ».
Il résulte de l’arrêt Benjamin que les mesures de police restrictives d’une liberté publique doivent toujours être proportionnées aux menaces pesant sur l’ordre public et adaptées aux conditions locales. Or le maire de Nevers disposait de forces de l’ordre suffisantes pour permettre à la conférence de René Benjamin de se dérouler sans incident.