Conseil d’État, 30 juin 2004 – l’utilisation du domaine public maritime

Sommaire

1. Le principe d’intervention de l’action publique dans le domaine économique
1. Le rappel des principes de la liberté du commerce et de l’industrie et des règles de la concurrence
2. Une application limitée des règles de la concurrence aux entreprises chargées d’une mission de service public
2. Les limites à l’intervention de l’action publique dans le domaine économique
1. La légalité des restrictions prises par l’autorité réglementaire
2. L’encadrement de l’action publique dans l’économie

Résumé du commentaire d’arrêt
Le Conseil d’État était saisi d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’un arrêté du président du Conseil Général de la Vendée réglementant l’utilisation des installations du port de Fromentine à partir duquel est assurée la desserte de l’île d’Yeu. Un opérateur privé se plaignait du fait que cet arrêté lui imposait des restrictions d’accès non justifiées par rapport aux vedettes rapides de la régie départementale.

Les vedettes privées, d’une part, ne pouvaient accoster au ponton de débarquement et d’embarquement en même temps que les unités rapides de la régie et d’autre part, se voyaient interdire l’accès aux installations pendant l’escale d’un paquebot de la régie alors que les unités rapides de la régie n’étaient pas soumises à cette restriction d’accès. Du point de vue du Conseil Général, ces restrictions étaient justifiées à la fois par des motivations de sécurité et par le fait que la régie départementale assure, au moins en ce qui concerne la desserte de l’île d’Yeu, une mission de service public.

Dès lors, le Conseil d’État devait se prononcer sur trois questions. Tout d’abord, il devait déterminer la compétence de l’autorité réglementaire de prendre des arrêtés fixant des facilités particulières d’utilisation du domaine portuaire. Ensuite, il devait vérifier que la régie départementale assurait une mission de service public qui justifiait l’octroi de facilités d’utilisation du domaine public. Enfin, le Conseil d’État devait évaluer une possible atteinte au droit de la concurrence et au principe de liberté du commerce et de l’industrie du fait de ces facilités d’utilisation du domaine portuaire.

[…] La liberté du commerce et de l’industrie a toujours connu des limites (l’ouverture des grandes surfaces est par exemple soumise à un régime spécifique d’autorisation) et même certaines interdictions (un fonctionnaire n’a pas le droit d’exercer une activité commerciale) Même en l’absence de texte limitant l’exercice de la liberté du commerce et de l’industrie, une atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie peut être tolérée par le juge si elle obéit à un objectif d’ordre public (par exemple, l’interdiction faite aux poids lourds de circuler le lundi de Pentecôte qui n’est pourtant plus un jour férié, CE 16 mai 2007, Syndicat des transporteurs de marchandises de la région nord). […]

[…] Aujourd’hui, le droit de la concurrence complète ces principes Pourtant, bien que certains aspects de la gestion du domaine public soient soumis au droit de la concurrence, toutes les particularités du régime juridique de cette domanialité ne sont pas pour autant effacées. La décision Département de la Vendée peut même faire douter de la totale réception du droit de la concurrence en matière de gestion domaniale puisque le Conseil d’Etat réaffirme la possibilité d’accorder des facilités aux entreprises chargées d’une mission de service public Le rappel des principes de la liberté du commerce et de l’industrie et des règles de la concurrence Le Conseil d’Etat maintient son attachement au principe de la liberté du commerce et de l’industrie et des règles de la concurrence. […]

[…] La légalité des restrictions prises par l’autorité réglementaire La décision rappelle le principe applicable en la matière : si ces mêmes collectivités et personnes morales ne sont autorisées par aucune disposition législative à consentir aux entreprises chargées d’un service public de transport maritime le monopole de l’utilisation des ouvrages portuaires [ il leur appartient [ ] d’apporter aux armements chargés d’un tel service public l’appui nécessaire à l’exploitation du service et le cas échéant de leur accorder des facilités particulières pour l’utilisation du domaine public Le juge administratif admet traditionnellement que le gestionnaire du service public puisse limiter la concurrence des opérateurs économiques privés en soumettant leur activité à autorisation préalable (CE janvier 1932, Société des autobus antibois), et même puisse l’interdire de manière générale en instituant un monopole au profit de l’activité économique publique (CE novembre 1956, Société Désaveines). […]

[…] Le Conseil d’État estime, sous couvert notamment du respect des règles de concurrence, que l’accès privilégié aux installations portuaires à l’entreprise chargée d’un service public au détriment d’opérateurs privés non tenus à un tel service par l’octroi de facilités particulières pour l’utilisation du domaine public ne porte pas atteinte au principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Le Conseil d’Etat a tranché sur le difficile équilibre des contraintes imposées par le département pour la gestion de ses installations portuaires, et autorise par conséquent l’encadrement de l’accès à ces installations au transporteur privé dans des conditions compatibles avec ses obligations de desserte de son service public de transport maritime et les exigences de sécurité. […]

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