Séminaire de Droit ADMINISTRATIF
Monsieur le Professeur Bertrand Seiller
Exposé
la distinction
entre
Recours pour Excès de Pouvoir (REP)
et
Recours de Pleine Juridiction(RPJ)
Alice Minet, étudiante
Introduction
On a pu s’indigner, au lendemain de l’arrêt Tropic du 16 juillet 2007, de voir le Conseil d’Etat frôler l’arrêt de
règlement, en créant, de son propre chef, un nouveau recours au profit de candidats évincés de la conclusion d’un
contrat. C’est pourtant oublier que presque deux siècles plutôt, c’est le Conseil d’Etat qui, avec l’arrêt Landrin de 1828,
a inventé le recours pour excès de pouvoir. Il élabore ainsi, à côté du recours ordinaire, dit de plein contentieux ou de
pleine juridiction, tourné vers la défense des droits personnels, un recours permettant de contrôler la légalité de
l’action de l’Administration.
Conçu initialement comme une voie de droit marginale et subsidiaire, le recours pour excès de pouvoir « prend son
envol », selon les termes de Fabrice Melleray, à partir de 1860, à tel point d’ailleurs que le législateur décide de
reconnaître l’existence du REP à coté du RPC, par la loi du 24 mai 1872, loi plus connue pour sa consécration de la
justice déléguée.
Compte tenu de cette diversité de recours possibles devant le juge administratif, la doctrine tente de dégager des
critères de distinction afin d’aboutir à une classification cohérente.
Les premières oeuvres datent du XIXé siècle, mais la question, loin d’être résolue, fait encore l’objet de nouvelles
théories aujourd’hui. Ainsi, par exemple, Fabrice Melleray, propose-t-il, en 2001, dans sa thèse, intitulée Essai sur la
structure du contentieux administratif, de distinguer les recours holistes qui visent à satisfaire les intérêts de la
collectivité et des recours individualistes qui permettent la défense des intérêts propres au requérant.
De manière plus traditionnelle, c’est d’abord à la classification d’Edouard Laferrière qu’il est souvent fait référence.
Dans son Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux de 1896, Laferrière opte pour une
classification formelle, dont les différentes branches dépendent de la nature et de l’étendue des pouvoirs du juge :
contentieux de pleine juridiction : pouvoirs les plus larges (annulation, réformation, condamnation pécuniaire)
contentieux de l’annulation : le juge n’a que le pouvoir d’annuler
contentieux de la déclaration  le juge interprète ou apprécie la validité de l’acte sans le remettre en cause.
contentieux de la répression  débouchant sur une sanction
Quelques années plus tard, Léon Duguit, rejoint par Marcel Waline, propose une classification alternative, dite
matérielle, en ce qu’elle se fonde sur la nature de la question posée au juge. Ainsi, on distingue :
le contentieux objectif : qui pose une question de droit objectif, c’est-à-dire une question de légalité d’un acte
administratif
le contentieux subjectif : qui vise à la reconnaissance d’un droit subjectif
Malgré ses mérites, cette classification ne semble pas recevoir les faveurs du juge. C’est davantage la classification
formelle qui a connu un écho en jurisprudence et qui permet d’opposer le recours pour excès de pouvoir et le recours
de plein contentieux.
Certes, le REP est un recours objectif, puisqu’il consiste à soumettre un acte administratif au juge afin que celui-ci en
contrôle la légalité. Mais ce qui le différencie du RPJ, c’est que le juge n’a que le pouvoir d’annuler la décision attaquée
si celle-ci se révèle être illégale.
A l’inverse, dans le cadre du RPJ, le juge dispose d’une plénitude de pouvoirs puisque sa décision se substitue à celle de
l’administration. Mais derrière cette unité quant à l’office du juge en matière de RPJ, se cache une importante
hétérogénéité du RPJ quant à la nature de la question posée au juge.
En effet, le RPJ regroupe des recours incontestablement subjectifs tels que les recours pécuniaires intentés en matière
de responsabilité contractuelle et extra -contractuelle. Il regroupe aussi des recours objectifs de plein contentieux dans
lesquels la légalité d’un acte est mise en cause.
Cette distinction du RPJ et du REP est en apparence solide. Pourtant la question de sa survie semble être née en même
temps que la distinction elle-même. Les plus grands auteurs ont attaché leur nom à cette question. Je ne citerai qu’un
exemple, tant la littérature a été abondante sur ce point.
Ainsi, déjà, le Doyen Hauriou s’inquiétait pour l’avenir du REP à la suite de trois arrêts Blanc, Argaing, Bezie, du 31
mars 1911, dans lesquels le CE permet au requérant de joindre dans la même requête des conclusions en annulation et
des conclusions en indemnités.
Hauriou renouvelle ses craintes de voir le RPJ absorber le REP dans sa note sous l’arrêt Boussuge de 1912, qui admet la
tierce opposition contre une annulation pour excès de pouvoir.
En dépit de ces nombreux écrits, la dualité des recours a survécu jusqu’à ce la question de son avenir resurgisse au
début des années 90. L’idée paraît avoir peu évolué par rapport à l’époque du Doyen Hauriou, c’est toujours le REP qui
semble menacé, mais cette fois en raison de l’insuffisance des pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir. Les titres
d’articles sont à cet égard très explicites. On trouve : « Le recours pour excès de pouvoir est-il frappé à mort ? », ou
encore « Vers la fin du recours pour excès de pouvoir ? ». (articles de 1995 et 1996).
Mais après une décennie d’adaptation du REP, la question du maintien de l’opposition entre REP et RPJ reste plus que
jamais posée. Et c’est davantage son abandon qui semble se profiler à l’horizon, tant la distinction apparaît aujourd’hui
obscure (I) et largement ébranlée quant à son fondement (II).
I -Une distinction opaque
L’illisibilité de la distinction entre REP et RPJ se manifeste d’une part au niveau des régimes procéduraux applicables à
chaque recours (A), d’autre part, au niveau de leurs champs matériels (B).
A. L’amalgame des régimes procéduraux
La question de la classification des recours est importante pour l’administré, elle est même « décisive » selon Bernard
Pacteau. La qualification de son recours entraîne en effet une série de conséquences concernant le régime de
recevabilité et de jugement. À chaque recours contentieux correspond un régime juridique particulier. Ou plutôt, à
chaque recours contentieux correspondait un régime juridique particulier.
On a en effet perdu en lisibilité, au détriment notamment des requérants. Des règles procédurales normalement
applicables au REP contaminent en effet une partie du RPJ (1). De la même façon, celles du RPJ sont parfois étendues
au REP (2).
1 Des règles procédurales du REP applicables au RPJ
Le RPJ est un contentieux hétérogène qui regroupe le recours subjectif de plein contentieux (RSPC) et le recours
objectif de plein contentieux (ROPC)
Or, le ROPC est très proche du REP dans la mesure où il pose, comme lui, une question de légalité. Dès lors, le ROPJ
est soumis au régime procédural du contentieux de pleine juridiction. Ainsi, le juge doit se situer à la date à laquelle il
se prononce pour tenir compte des différents éléments en cause, par exemple. Mais ce régime est aménagé, le caractère
objectif du recours l’emporte sur certains points.
En effet, la plupart des traits réputés spécifiques au recours pour excès de pouvoir vont trouver à s’appliquer au ROPC.
Ainsi, suivant le point de procédure évoqué, tel ou tel recours de plein contentieux se rapproche ou s’oppose à l’excès
de pouvoir. Autrement dit, le RPJ n’est pas soumis à un régime unique, mais à différents régimes, qui empruntent plus
ou moins à celui du REP.
Quelques exemples :
Intérêt à agir : L’intérêt pour agir est largement entendu en matière d’excès de pouvoir et strictement apprécié en plein
contentieux (le requérant doit se prévaloir d’un droit en matière de plein contentieux)? Le ROPC s’aligne sur le REP,
Ainsi, en matière électorale, l’intervention est recevable si son auteur justifie seulement d’un intérêt et il n’est pas tenu
de justifier d’un droit lésé (CE, sect., 7 janv. 1972, Élect. UER Lettres et Sciences humaines Université
Limoges)
Les conclusions reconventionnelles sont interdites en matière de ROPC comme en matière d’excès de pouvoir alors
qu’elles sont admises en RSPJ.
L’autorité de chose jugée des annulations est absolue en matière d’excès de pouvoir et de ROPC. Elles sont relatives en
plein contentieux.
2-Dès règles procédurales du RPJ applicables au REP
Question d’abord du ministère d’avocat.
qui a longtemps été un élément procédural important de distinction entre RPJ et REP.
De manière traditionnelle, et ceci, malgré quelques exceptions (litiges en matière de TP, CGV, aides sociales), le RPJ est
un contentieux pour lequel la représentation du requérant par le ministère d’avocat est obligatoire.
A l’inverse, le REP, compte tenu de son caractère d’utilité publique, est dispensé, depuis 1864 du ministère
d’avocat. Mais le décret du 24 juin 2003 est venu remettre en cause différence en imposant le ministère d’avocat pour
le REP devant les CAA.
En matière de délai de recours
Concernant les décisions implicites de rejet, Le REP contre ces décisions est enfermé dans un délai de deux mois.
Or, l’article R 421-3 du code de justice administrative prévoit que le RPJ est, lui, ouvert sans condition de délai. Cette
dispense de délai a été étendue au REP, mais uniquement lorsque la mesure sollicitée ne pouvait être prise que par
décision ou sur avis d’une autorité collégiale.
Enfin, dans le cadre du REP, le juge statue au regard des circonstances de fait et de droit qui existaient à la date à
laquelle la décision contestée a été prise. A l’inverse, dans le RPJ, le juge prend en compte la situation de droit et de fait
qui vaut au moment où il statue. Or, dans l’exercice de ce pouvoir d’injonction, le juge de l’excès de pouvoir est tenu
d’examiner le problème en se situant à la date à laquelle il statue.
En effet, à partir de juillet 1997, le Conseil d’État accepte de s’interroger sur la survenance de circonstances nouvelles.
Sa position est synthétisée par son avis de section Berrad de 1998 : « Lorsque l’exécution d’un jugement ou d’un
arrêt implique normalement, eu égard aux motifs de ce jugement ou de cet arrêt, une mesure dans un sens déterminé,
il appartient au juge, saisi de conclusions [en ce sens] de statuer sur ces conclusions, en tenant compte, le cas échéant
après une mesure d’instruction, de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ».
On a donc un aspect spécifique du plein contentieux qui s’applique au REP.
Ainsi, on a un « va-et-vient » des règles de procédure entre les deux types de recours. La qualification du recours ne
déclenche plus l’application d’un régime particulier, propre à chaque recours. Et cette difficulté est d’autant plus
grande que la qualification du recours est loin d’être facile à déterminer, tant les champs matériels des deux recours
sont confus.
B. La confusion des champs matériels
L’existence de deux recours implique normalement que chacun intervienne dans une sphère déterminée. Il devrait être
possible de tracer une frontière entre les cas où le REP doit être utilisé et ceux où c’est le RPJ qui s’impose. L’exception
de recours parallèle conforte cette idée.
Or, en réalité, le champ des deux recours n’est pas strictement circonscrit, les problèmes de frontières sont nombreux.
Sous l’influence du juge et du législateur, les deux se superposent et se recoupent. Cet enchevêtrement, qui nuit à la
clarté de la distinction entre REP et RPJ se fait dans les deux sens.
C’est d’une part le RPJ qui empiète sur le champ du REP (1), mais celui-ci à son tour s’étend sur le champ du premier
(2).
1- L’empiètement du RPJ sur le REP
Cet empiètement se fait par le développement important de ce qu’on appelle le recours objectif de plein contentieux. Le
RPJ devient un contentieux des actes.
La question posée au juge dans ces contentieux de pleine juridiction concerne essentiellement une situation objective.
Il s’agit, selon la formule du président Odent, « des matières qui, par leur nature, n’auraient pu donner lieu
qu’à un contentieux objectif d’annulation…, des matières où la seule question susceptible de se poser
est une question de droit objectif, d’application de la règle de droit » (op. cit. : 1978 Fasc. IV, p. 1326).
Cette catégorie de RPJ et son importante extension se fait sur le champ du REP, au détriment de celui-ci. Il s’agit de
recours qui, normalement relève du REP, car ils posent une question de légalité au juge, mais dans la mesure où il s’agit
d’un RPJ, le juge dispose de la plénitude de pouvoirs.
Quand y a-t-il ROPC ?
contentieux inclus au RPJ par textes ou par CE pour que le juge ait le pouvoir de prendre des décisions positives
solutions anciennes tel que fiscal, électoral, pensions civiles et militaires, immeuble menaçant ruine, IC,
solutions récentes qui prouvent la faveur accordée au RPJ tel que contentieux de la tarification sanitaire et
sociale (décret de 1990), de la qualité de réfugié( Arrêt de 1992), de la qualité de travailleur handicapé (Arrêt de
1994), des autorisations de plaider (arrêt de 2005),
en matière de sanction, (normalement aurait du relever du REP) infligé par le CSA (loi de 1986), AMF (décret de
2003), CRE (lois de 2000 et 2003), CNIL….
 L’important développement de ce ROPC amène René Chapus à se demander si on ne s’oriente pas vers l’éclipse du
REP ?
Pourquoi ce développement ?
Car le ROPC apparaît comme un recours plus performant que le REP ; il permet le même contrôle que le REP (cad
contrôle de légalité), mais le juge a le pouvoir de réformer la décision, et non seulement l’annuler. Le ROPC permet
donc d’aller au-delà de l’annulation.
En outre, le contexte européen joue un rôle : CEDH privilégie la voie de pleine juridiction, Dans une affaire où était en
cause des sanctions administratives, la Cour a décidé que l’exigence du procès équitable impose que ces mesures
puissent faire l’objet d’un recours devant un organe judiciaire de pleine juridiction, ayant le pouvoir de réformer en
tous points, en fait comme en droit, la décision contestée. (CEDH, 23 octobre 1995, Gradinger c/ Autriche)
Certes, cette exigence ne concerne que le champ de l’article 6 § 1 ( cad contestations sur des droits et obligations à
caractère civil ou accusation en matière pénale.), tout le contentieux administratif n’est donc pas concerné. Mais en
tout cas, cette jurisprudence de la CEDH explique sans aucun doute le classement du contentieux des sanctions des
AAI dans le ROPC.
2-L’empiètement du REP sur le RPJ
L’empiètement se fait à différents niveaux
La substitution du REP au RPJ
Il s’agit là d’une jurisprudence ancienne CE 8 mars 1912, Lafage
Selon une jurisprudence traditionnelle, les recours ayant un objet pécuniaire sont des RPJ.
Or, avec l’arrêt Lafage, le REP devient possible en lieu et place du RPJ pour une décision à objet pécuniaire (décision
qui refuse le versement de certaines sommes, décision qui met une somme à la charge du destinataire, exemple : en
matière de traitements et indemnités des fonctionnaires, de sanctions pécuniaires), et ceci par dérogation à l’exception
de recours parallèle.
Une option est alors ouverte au requérant, la nature du recours dépendra des conclusions de la requête. Si le requérant
ne demande que l’annulation, le recours est un REP, s’il réclame le paiement de la somme, le recours est un RPJ.
Ainsi, la confusion des champs matériels entre REP et RPJ est ici totale.
Quelles limites ? contentieux financiers qui sont par nature du RPJ,
Exemple : arrêtés de débets, ordres de recettes, commandements, décisions opposant la prescription quadriennale,
décisions pécuniaires que la loi attribue au RPJ (exemple : sanction des AAI)
!!!! On peut croire que cette confusion des champs matériels des deux recours profite au requérant puisqu’il disposerait
de deux recours. Mais en réalité la jurisprudence Lafage a des effets pervers. Le CE est venu encadré la faculté de choix
entre les deux recours, lorsqu’il s’agit d’une décision explicite exclusivement pécuniaire (CE, 2 mai 1959, Lafon). Si
la décision est devenue définitive par l’expiration du délai du REP, le RPJ ne sera pas recevable, si la demande tend au
même résultat que le REP ( c’est-à-dire que le requérant se borne à demander le remboursement des sommes et
n’invoque que des moyens de légalité)
L’empiétement sur certains recours objectifs de plein contentieux.
On l’a vu, le contentieux électoral et le contentieux fiscal relève du juge du plein contentieux. Ils peuvent être vus
comme un empiètement du RPJ sur le REP.
Or, le juge de l’excès de pouvoir utilise, ici aussi, depuis longue date, la théorie de l’acte détachable pour permettre la
recevabilité du REP en ces matières, comme si le juge de l’excès de pouvoir cherchait à retrouver une compétence dans
des matières qui lui ont été enlevées.
Possibilité ouverte par l’arrêt Chabot 7 août 1903 pour les actes détachables aux opérations électorales :
Qualité d’actes détachables est reconnue à des actes permanents (qui persiste au-delà de la réalisation des élections) tel
que le décret organisant les élections à l’assemblée des communautés européennes,
mais aussi reconnue à des actes qui s’épuisent avec la réalisation des élections ( décision portant convocation des
électeurs)
Possibilité ouverte par l’Arrêt Breil 28 février 1913, pour le contentieux fiscal ( exemple : décret fixant le régime
d’un impôt)
Le contrat
Compte tenu de ce qu’est le REP ( un recours objectif tendant à veiller à la légalité des actes administratifs), le contrat
est traditionnellement exclu du champ du REP. Selon les termes du CE, 16 avril 1986, Cie Luxembourgeoise de
télévision, « Le contrat de concession ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un REP ».
Le contrat, qui fait naître des questions d’ordre subjectif relève donc du juge du plein contentieux, qui jusqu’à peu, ne
pouvait être saisi que par les parties au contrat.
Mais différentes solutions, certaines anciennes, d’autres plus récentes, ont permis une immixtion du REP en matière
contractuelle.
Cette immixtion prend plusieurs formes.
Elle se fait d’abord à la marge. Le REP est admis à la périphérie du contrat.
Le juge a dès le début du XXé siècle développé la théorie de l’acte détachable, (CE, 4 août 1905, Martin). Selon la
formule du Doyen Colliard, par le jeu de la théorie de l’acte détachable « le juge de l’excès de pouvoir a pu pénétrer dans
des régions interdites ou réservées à d’autres contrôles juridictionnels » (CA Colliard, La notion d’acte détachable et
son rôle dans la jurisprudence du Conseil d’État : Mél. Mestre, 1956, p. 115)
La conclusion d’un contrat n’apparaît plus comme un tout indivisible. Certaines décisions doivent être considérées
pour elle-même, elles peuvent être détachées de l’opération contractuelle, et peuvent dès lors faire l’objet d’un REP.
C’est le cas par exemple :
de l’autorisation de conclure un contrat,
de la décision d’approbation du contrat par l’autorité de tutelle,
de la décision même de conclure le contrat,
mais aussi de décisions relatives à l’exécution du contrat.
L’intérêt de cette jurisprudence se manifeste à l’égard des tiers, qui jusqu’à récemment n’avait pas la possibilité de
saisir le juge du contrat. Cette technique permet de manière détournée d’attaquer le contrat.
En effet, eu égard au motif d’annulation de l’acte détachable, le contrat pourra être frappé de nullité (CE, 1er octobre
1993, Soc Le Yacht Club International de Bormes les Mimosas) et le tiers pourra obtenir du juge qu’il
prononce une astreinte en vue d’obliger l’administration à saisir le juge du contrat pour qu’il constate la nullité du
contrat. (CE, 7 octobre 1994, Lopez).
Mais récemment, l’immixtion du REP en matière contractuelle s’est accentuée puisque désormais, le contrat lui-même
ou certaines de ses clauses peuvent faire l’objet d’un REP. L’illisibilité de la distinction REP / RPJ est alors totale.
D’abord, le déféré préfectoral constitue un REP, alors même qu’il est dirigé contre un contrat. (CE, 26 juillet 1991,
Commune de Sainte Marie).
Ensuite, l’arrêt CE, Assemblée, 10 juillet 1996, Cayzeele a admis le REP contre les clauses réglementaires d’un
contrat.
Enfin, l’arrêt CE 30 octobre 1998 Ville de Lisieux ouvre la voie du REP aux tiers contre les contrats de
recrutement des agents publics. (justification ? ces contrats sont largement déterminés par des textes réglementaires,
c’est un contrat-type).
Enfin, pour terminer sur ce point, on ne peut passer sous silence l’Arrêt Tropic 16 juillet 2007 qui ne fait qu’ajouter
à la confusion en matière contractuelle.
Comme on l’a dit, traditionnellement, le contrat ne relève que du juge de plein contentieux, mais seule les parties au
contrat peuvent le saisir. Dès lors, une série de techniques ont permis au tiers d’accéder au contentieux contractuel,
mais devant le juge de l’excès de pouvoir. Cette évolution en matière contractuelle est telle qu’on aurait pu largement
penser que le nouveau recours ouvert au concurrent évincé contre le contrat par l’arrêt tropic soit attribué au juge de
l’excès de pouvoir. Mais ce n’est pas cette solution qui a été retenue. Le CE a fait de ce recours un RPJ.
Ainsi, la frontière entre la compétence du juge de l’excès de pouvoir et celle du juge de plein contentieux, en matière
contractuelle est difficile à tracer, et surtout il semble difficile d’y trouver une cohérence.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, on peut, sans hésitation, reprendre le terme de Jean-François Brisson pour
qualifier la distinction entre REP et RPJ : elle est tout simplement devenue insaisissable.
Et, son avenir est d’autant plus incertain que c’est désormais le fondement même de la distinction, à savoir les pouvoirs
du juge, qui apparaît fuyant.
II Une distinction ébranlée
Cette remise en cause du fondement de la distinction est le résultat des transformations qu’a connu le REP au cours de
ces dernières années (A). C’est dès lors l’avenir de la structure du contentieux qui est en jeu (B).
A. Les transformations du REP à l’image du RPJ
Depuis une dizaine d’année, le REP se transforme et prend progressivement une nouvelle figure qui le fait se
rapprocher du RPJ. Cette évolution fait suite au procès qui a été intenté au REP(1). La faiblesse des pouvoirs du juge de
l’excès de pouvoir a été pointée du doigt. Le législateur et le juge administratif ont réagi. De nouveaux pouvoirs ont été
reconnus au juge de l’excès de pouvoir, mais le paradoxe de la situation est que la distinction des contentieux s’en
trouve fragilisée. (2).
1- Le procès fait au REP
Plusieurs auteurs ont, au milieu des années 90, mis en avant les imperfections du REP et se sont interrogés sur le fait
de savoir si ce recours ne devait pas disparaître. Bernard Pacteau précise le contenu du procès fait au REP. Ce ne sont
pas les contrôles exercés sur l’acte administratif qui sont contestés, mais les moyens insuffisants sur l’administration.
En réalité, ces critiques adressées au REP ne sont pas nouvelles. Déjà en 1962, dans son célèbre article « Le Huron au
Palais Royal ou réflexions naïves sur le REP », Jean Rivero s’indignait face à l’insuffisance du REP quant aux pouvoirs
du juge.
Ces critiques ont pris de l’ampleur à partir du moment où on a admis que le REP n’était pas toujours un recours
purement objectif.
Comme le souligne René Chapus, « dire qu’un recours pose exclusivement une question de légalité ne signifie pas que
de la réponse du juge, des droits subjectifs ne puissent résulter ». Ainsi, dans des cas de plus en plus nombreux, la
défense d’un droit subjectif apparaît en filigrane dans le REP. C’est le cas notamment dans le contentieux de la fonction
publique lorsqu’un fonctionnaire attaque l’acte qui a décidé de sa révocation par exemple, ou encore le contentieux de
l’urbanisme, lorsqu’un administré conteste le refus d’un permis de construire.
Ainsi, le REP a incontestablement une dimension subjective.
Or, un principe interdit au juge de l’excès de pouvoir de se comporter en administrateur. Le juge de l’excès de pouvoir
ne peut aller au-delà de l’annulation, ce qui n’est pas du tout adapter à un litige mettant en jeu des droits subjectifs. En
effet, si un moyen est fondé, l’acte est annulé sans que les autres moyens soient examinés. L’annulation ne signifie pas
que la position de l’administration est erronée, celle-ci pourra reprendre dans certains cas, la même décision.
Autrement dit, l’annulation par le juge ne renseigne que partiellement les requérants sur leurs droits. Elle ne constitue
qu’une réponse partielle au litige.
Or, les requérants expriment de plus en plus clairement leur souhait que le juge « vide » le litige et les fixe sur leurs
droits respectifs.
2 -L’évolution des pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir
C’est la loi du 8 février 1995 qui constitue le point de départ de cette évolution. Elle reconnaît un pouvoir d’injonction
au profit du juge administratif afin qu’il puisse assurer l’exécution de ses décisions.
Cette seule reconnaissance permet de rapprocher le REP du RPJ, mais la pratique de l’injonction va nettement
accentuer ce rapprochement.
2 possibilités pour utiliser le pouvoir d’injonction :
Il y a d’abord le cas dans lequel la décision rendue par le juge implique nécessairement que l’Administration prenne
une nouvelle décision après une nouvelle instruction. Le juge de l’excès de pouvoir prescrit par le même jugement ou le
même arrêt que cette nouvelle décision intervienne dans un délai déterminé.  pas intéressant ici
Il y a tout ensuite le cas dans lequel la décision rendue implique nécessairement que l’Administration prenne une
mesure d’exécution dans un sens déterminé. Le juge de l’excès de pouvoir prescrit cette mesure, assortie, le cas
échéant, d’un délai d’exécution, dans le même jugement ou le même arrêt.
Le pouvoir du juge n’est plus restreint qu’à la simple annulation. Il ne peut pas comme dans le recours de plein
contentieux réformer les actes litigieux mais il peut enjoindre à l’administration de le faire. !! On ne dit pas qu’il y a
assimilation, Les effets de la réformation ou l’injonction du juge sont proches.
Cette possibilité de prononcer à l’encontre de l’Administration des mesures d’injonction conduit le juge de l’excès de
pouvoir à adopter une attitude qui évoque la pleine juridiction. La stricte séparation entre les deux recours tend à se
dissoudre, et cette idée est renforcée par la pratique.
En effet, à partir de juillet 1997, le Conseil d’État accepte de s’interroger sur la survenance de circonstances nouvelles.
Sa position est synthétisée par son avis de section Berrad de 1998 : « Lorsque l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt
implique normalement, eu égard aux motifs de ce jugement ou de cet arrêt, une mesure dans un sens déterminé, il
appartient au juge, saisi de conclusions [en ce sens] de statuer sur ces conclusions, en tenant compte, le cas échéant
après une mesure d’instruction, de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ». L’injonction est
ainsi assimilée par la jurisprudence à la pleine juridiction.
Grâce à cette porte ouverte par la loi, le juge de l’excès de pouvoir semble de plus en plus enclin à dicter à
l’administration ce que doivent être les suites de l’annulation qu’il prononce, et ceci, même en l’absence de conclusions
en ce sens.
On ne citera qu’un seul exemple, mais il en existe de nombreux autres : arrêt Titran du 27 juillet 2001.
Dans cette affaire le juge est saisi du refus du ministre de la Justice d’abroger deux arrêtés que le requérant jugent
illégaux. Après avoir constaté l’illégalité de ces deux arrêtés, le juge annule le refus d’abrogation et guide
l’administration sur la voie de la légalité en lui indiquant expressément les différentes solutions possibles. Il lui impose
même de rétablir la légalité des décrets selon les voies proposées, dans un délai de deux mois.
L’évolution amorcée par le législateur va être largement relayée par la jurisprudence. Le juge va à son tour développer
ses propres mécanismes, il va étendre ses pouvoirs et se rapprocher du juge de pleine juridiction. Il prend désormais en
compte, au moment où il statue, les conséquences de ses interventions.
Cela le conduit en premier lieu à éviter de rendre des décisions inutiles
IL s’agit plus précisément des techniques qu’on a déjà étudiées et qui conduisent le juge de l’excès de pouvoir à corriger
l’acte administratif qui lui est soumis. Le juge constate l’illégalité mais va éviter l’annulation en corrigeant l’acte.
Pour rappel, il y a :
La technique de la substitution de base légale(CE, 3 déc 2003, El bahi),
La technique de substitution de motifs (CE, 6 février 2004, Mme Hallal)
Neutralisation de motifs illégaux
L’annulation partielle, en tant que ne pas (CE, 16 déc 2005, Groupement forestier des ventes de Nonant),
Or qu’est ce que corriger sinon réformer ? Le juge se livre à « un travail de réécriture » selon B. Seiller, dans les cas où
l’annulation serait inutile, l’Administration disposant du pouvoir de reprendre dès le lendemain la même décision.
Ainsi, le juge de l’excès de pouvoir vide le litige comme dans le cadre du RPJ.
Il cherche également à éviter de rendre des décisions créant des difficultés d’exécution insurmontables
Arrêt CE 11 mai 2004 AC,  modulation des effets dans le temps de l’annulation du REP,
Le juge de l’excès de pouvoir peut ne pas donner un plein effet rétroactif à l’annulation, si les intérêts publics et privés
en présence le justifient.
Comme le souligne les commentateurs de cet arrêt, « La décision AC ! concourt en effet, avec d’autres décisions
récentes, à l’effacement de la distinction entre le juge de l’excès de pouvoir et le juge de plein contentieux. (….)il est
clair que la décision AC ! consacre une forme de pouvoir de réformation du juge de l’excès de pouvoir. Maintenir
certains des effets d’un acte revient en effet à le réformer, dans sa dimension temporelle. »
La décision d’Assemblée du 11 mai 2004 enrichit donc l’office du juge de l’excès de pouvoir.
Le pouvoir du juge de l’excès de pouvoir ne se limite plus à une alternative entre l’annulation rétroactive ou le maintien
de l’acte. Le panel des pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir a été élargi, faisant progressivement du juge de l’excès de
pouvoir un juge administrateur, si bien que le fossé qui le sépare du juge de pleine juridiction s’est nettement réduit.
B. Vers un recours unique ou un ménage à trois ?
Mais si on admet la fin de l’opposition classique entre REP et RPJ, comment structurer désormais le contentieux
administratif ? une alternative s’offre à nous. S’oriente-t-on vers un recours unique (1) ou au contraire, faut-il
reconsidérer la distinction, en y ajoutant un troisième type de recours ? (2)
1- L’improbable recours unique
On se trouve actuellement dans une situation particulière. Le critère de distinction n’existe plus entre REP et RPJ,
puisque le juge de l’excès de pouvoir peut aller au-delà de la seule annulation. Ainsi, il se rapproche du RPJ, sans pour
autant se fondre avec lui. puisque leurs pouvoirs, tout aussi semblable soit-il, ne sont pas parfaitement identiques. 
on a une nuance
N’est ce pas alors une démarche hypocrite ? on accepte de donner plus de pouvoirs au juge du REP, mais pas trop, ou
en tous cas, pas les mêmes que le juge du plein contentieux pour laisser en apparence, un semblant de distinction qui
en réalité n’existe plus. Fabrice Melleray en arrive même à la conclusion, qu’il reconnaît provocatrice, que le recours
pour excès de pouvoir est devenu un recours de pleine juridiction presque comme les autres.
Pourquoi alors ne pas simplifier les choses et donner au juge de l’excès de pouvoir les mêmes pouvoirs qu’au RPJ.
Ainsi, le REP est voué à disparaître par son absorption par le RPJ
 unification des recours
C’est en tout cas ce que prône Jean-Marie Woehrling, en 2007, suite à l’arrêt Tropic, « un recours contentieux
administratif unique ».
Néanmoins, la disparition du REP au profit d’un unique recours ne semble pas à l’ordre du jour. Comme le souligne
Bernard Pacteau, « on a naturellement quelque scrupule à brûler ce qui a été tant adoré ». D’un point de vue plus
juridique, le REP a semble-t-il encore un avenir pour des actes administratifs du type réglementaire. Il faut donc plutôt
privilégier la voie d’une nouvelle distinction, qui ne constituerait plus un dualisme mais un triptyque.
2 – La création d’un troisième recours
L’idée est de conserver d’abord le REP pour les situations purement objectives. Il aurait dès lors un champ beaucoup
plus limité qu’aujourd’hui. Ensuite, il faudrait recentrer le RPJ sur les recours purement subjectifs, tels que les actions
en responsabilité. Enfin, il faudrait créer un recours intermédiaire, placé entre les deux premiers.
Ce type de recours regrouperait les actuels recours objectifs de plein contentieux et les actuels REP formés contre des
actes relatifs à une situation juridique, c’est à dire des actes individuels (Exemple : la révocation d’un fonctionnaire / le
refus d’un permis de construire / refus d’autorisation).
.  C’est ce que Jean-Marie Woehrling appelle l’action en déclaration de droit.
Par cette action, le juge contrôle la légalité objective de l’acte pris par l’administration au sujet d’une situation juridique
mais il statue également sur la situation juridique elle-même. Après avoir constaté l’illégalité, il statue lui-même sur
l’existence ou non d’un droit subjectif.
Quel est l’intérêt ? D’une part, les deux parties sont ainsi fixées à l’issue du procès, le litige est vidé. On surmonte ainsi
la difficulté majeure que présente le REP. D’autre part, ce recours permet de constater des droits en dehors d’une
demande en indemnité, il n’est donc plus utile de se placer sur le terrain du RPJ.
Des difficultés apparaissent cependant. Si cette action en déclaration de droit semble parfaitement adaptée en cas de
compétence liée de l’Administration, elle semble l’être moins lorsque l’Administration dispose d’un pouvoir
d’appréciation. Dans une telle hypothèse, comment le juge peut-il vider le litige, comment peut-il prendre position sur
l’existence d’un droit sans empiéter sur la compétence de l’administration ?
Il n’est pas alors possible de faire constater par le juge que l’Administration doit prendre tel acte, puisque celle-ci a le
choix entre plusieurs actes légaux.
Selon J-M Woehrling, face à une telle situation, le juge aurait alors pour mission de déterminer « les limites de la
marge de manoeuvre ouverte à l’Administration ».
De plus, ce nouveau recours n’est pas sans conséquence sur le travail du juge administratif, et ne fera qu’accentuer le
problème de l’encombrement des juridictions. Il implique en effet un alourdissement de l’instruction, puisque le juge
ne doit pas seulement rechercher si la décision repose sur motif erroné, il doit également rechercher s’il n’existe pas
d’autres motifs susceptibles de fonder la décision de l’administration.
Néanmoins, il s’agirait là d’une réelle avancée pour les justiciables, et compte tenu de l’arrêt Hallal de 2004 permettant
la substitution de motifs, la reconnaissance de cette action en déclaration de droits, à coté du REP et du RPJ, n’est pas
du tout inconcevable.