Tout est parti de la petite ville de Sidi Bouzid (centre ouest du pays), où Mohamed Bouazizi agé de 26 ans est un vendeur de fruits et légumes ambulant. Il a arrêté ses études à la mort de son père pour faire vivre sa famille, son activité de vendeur constituant leur seul revenu. Ne possédant pas d’autorisation officielle, il se fait confisquer sa marchandise à plusieurs reprises par les employés municipaux. Essayant de plaider sa cause et d’obtenir une autorisation et la restitution de son stock auprès de la municipalité et du gouvernorat, il s’y fait insulter et chasser.
Sa sœur Leïla explique : « Ce jour-là, les agents municipaux lui avaient confisqué son outil de travail et l’un d’eux l’avait giflé. Il s’est alors rendu à la municipalité, puis au gouvernorat pour se plaindre, mais ici, à Sidi Bouzid, il n’y a personne pour nous écouter. Ils marchent à la corruption et ne travaillent que pour leurs intérêts »
Le 17 décembre 2010, il s’asperge d’essence et s’immole par le feu devant le siège du gouvernorat. Il est hospitalisé.
Son dernier message adressé à sa maman est le suivant :« Je quitte, maman, pardonne-moi, les reproches sont inutiles, je suis perdu sur un chemin que je ne contrôle pas, pardonne-moi, si je t’ai désobéi, adresse tes reproches à notre époque, pas à moi».
Dès la survenance de l’accident, des dizaines de commerçants rejoints par des jeunes et des proches de Bouazizi se réunissent pour protester. Durant le week-end, les rassemblements s’amplifient ; la police tente de les disperser mais la situation dégénère : plusieurs agents et manifestants sont blessés, des interpellations ont aussi lieu Le 22 décembre, un autre jeune, Houcine Neji, âgé de 24 ans, escalade un poteau électrique de la ville et crie qu’il ne veut « plus de misère, plus de chômage ». Alors que plusieurs personnes le supplient de redescendre, il meurt électrocuté en touchant les câbles. Aussitôt, la révolte reprend plus violemment et s’étend aux villes voisines de Meknassy et Menzel Bouzaiane. Le 28 décembre 2010, le président Ben Ali se rend au chevet de Mohamed Bouazizi. Le même jour, il critique dans un discours les manifestants qui ne seraient qu’« une minorité d’extrémistes et d’agitateurs » et annonce que des sanctions sévères seront prises. Il accuse également « certaines chaînes de télévision étrangères qui diffusent des allégations mensongères sans vérification et se fondent sur la dramatisation, la fomentation et la diffamation médiatique hostile à la Tunisie » Mais ses remarques sont ignorées et les manifestations se poursuivent. Le 29 décembre, il remanie le gouvernement en limogeant le ministre de la Communication, et annonce aussi des changements à la tête des ministères du Commerce, des Affaires religieuses et de la Jeunesse. Le lendemain, il annonce la mutation des gouverneurs de Sidi Bouzid, Jendouba et Zaghouan.
Le 30 décembre, la police disperse dans le calme une manifestation à Monastir, tout en utilisant la force pour perturber d’autres manifestations à Sbikha et Chebba. Les mouvements sociaux se poursuivent le 31 décembre.
La situation ressemble à celle de la fin du régime de Nicolae Ceauşescu en Roumanie en 1989 Pour Al Jazeera, ce « soulèvement » est la conséquence « d’une combinaison mortelle de pauvreté, de chômage et de répression politique ».
Le président Ben Ali reprend la parole le 10 janvier pour dénoncer les « voyous cagoulés aux actes terroristes impardonnables […] à la solde de l’étranger, qui ont vendu leur âme à l’extrémisme et au terrorisme ». Il annonce la création de 300 000 emplois en deux ans et la fermeture temporaire de tous les établissements scolaires et universitaires. Le 12 janvier, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi annonce le limogeage du ministre de l’Intérieur Rafik Belhaj Kacem ainsi que la libération de toutes les personnes arrêtées depuis le début du conflit dans l’optique d’apaiser la révolte.
Ces annonces ne calmant pas le mouvement, Zine el-Abidine Ben Ali annonce, le 13 janvier au soir qu’il ne se représentera pas en 2014 au poste qu’il occupe ; il donne aussi l’ordre à la police de ne plus tirer sur les manifestants, promet la liberté pour la presse et Internet et annonce une baisse des prix de certains produits alimentaires de base
Le lendemain, l’armée est déployée à Tunis. En dépit de cela, de nouveaux affrontements qui éclatent au cœur de Tunis, sont réprimés par les forces de l’ordre par le biais de tirs de gaz lacrymogènes
Le 14 janvier 2011 à 17 heures, le président Ben Ali décrète l’état d’urgence dans le pays. Il annonce le limogeage du gouvernement et des élections législatives anticipées et deux heures plus tard, il quitte la Tunisie, laissant le pouvoir entre les mains du Premier Ministre, Mohamed Ghannouchi.
En effet, devant une contestation qui ne s’essouffle pas, bien au contraire, et avec une armée qui ne le soutient plus et qui protège les manifestants contre les policiers, le président tunisien est alors contraint de quitter le pays, et fuit vers l’Arabie saoudite
Le premier Ministre est déchu le lendemain par le Conseil constitutionnel qui désigne le président du Parlement tunisien, Fouad Mebazaâ, comme président de la République par intérim.
Que dire de cela?
Lorsque les citoyens, ne se sentent plus représentés par les partis politiques, ils expriment leur mauvaise humeur en s’abstenant de voter: « celui qui donne sa voix, la perd » Lorsque les quotidiens importants impriment ce que leurs annonceurs veulent voir imprimé, et que la radio et la télévision se taisent; quand le citoyen ne peut pas se payer des affiches ou des annonces dans les journaux, où le citoyen pourra t-il encore s’exprimer? Quel espace peut-il encore trouver pour dire son opinion? Il n’ya plus que la rue. Les manifestations de rue deviennent le dernier moyen d’expression.