Cette affaire se rapporte aux élections municipales du 26 avril 1953 dans la commune du Moule en Guadeloupe. A la suite de divers incidents pendant le scrutin et lors du dépouillement, le Préfet fit saisir l’urne d’un des quatre bureaux de vote et il ordonna au Docteur Rosan-Girard, député communiste et maire sortant, qui présidait le bureau centralisateur, de faire porter à la Préfecture les procès-verbaux des trois autres bureaux de vote, ce qui ne fut pas fait. Alors le Préfet, au lieu de saisir le Conseil de Préfecture, juge de l’élection, prit un arrêté constatant l’inexistence des opérations électorales. Et de nouvelles élections, organisées en juillet 1953, donnèrent une majorité non communiste.
Quatre ans plus tard, dans l’arrêt Rosan-Girard, c’est l’arrêté préfectoral constatant l’inexistence des opérations électorales d’avril 1953 que le Conseil d’Etat considéra comme un acte nul et non avenu » eu égard à la gravité de l’atteinte … portée par l’autorité administrative (c’est à dire le Préfet) aux attributions du juge de l’élection.
L’acte nul et non avenu n’est pas simplement illégal, il est juridiquement inexistant. Sa nullité peut être constatée à tout moment, même après l’expiration du délai de recours. En conséquence le Conseil d’Etat annula les élections de juillet 1953 et de nouvelles élections, organisées en septembre 1957, donnèrent 20 sièges sur 27 aux amis du Docteur Rosan-Girard qui voyait récompensée sa confiance en la justice de la République.
Outre ses conséquences politiques, l’arrêt Rosan-Girard donnait aux juristes une illustration remarquable de la théorie de l’acte administratif inexistant qu’il enrichissait en précisant que l’inexistence peut être invoquée à tout moment, même au-delà des délais normaux de recours.