L’éclairage d’un spécialiste de la décentralisation sur le
régime juridique des parkings payants.
Le stationnement est une conséquence de la circulation.
Ceux qui circulent ne peuvent s’empêcher de s’arrêter de
temps à autre. Mais ce stationnement gêne ou peut gêner la
circulation. Il faut concilier le droit de stationnement et celui
de circuler.
Le Maire peut à cet effet interdire le stationnement dans les
rues de la commune des véhicules ayant un poids. Il peut en
outre interdire le stationnement sur une portion de route nationale qui traverse la ville en
raison de l’étroitesse de la chaussée et de l’intensité de la circulation automobile. Il peut
soumettre le stationnement des automobiles au paiement d’une taxe. C’est cette modalité de
régulation de la circulation automobile qui nous intéresse ici.
La notion de stationnement payant désigne différents dispositifs qui se scindent en deux
catégories :
Il comprend, d’une part, le stationnement en bordure de la voie publique et, d’autre part, les
parcs publics de stationnement payants, communément dénommés parkings. Ces deux modes
de stationnement connaissent des régimes juridiques différents dont les contours ne se
révèlent pas toujours des plus précis, mais qu’il convient d’appréhender successivement.
I – Le régime juridique du stationnement payant sur la voie publique
La légalité du stationnement payant en bordure des voies publiques est admise par la
jurisprudence depuis 1969 (CE, 26 février 1969. Fédération nationale des clubs automobiles
de France). Toutefois, l’institution d’un tel stationnement est subordonnée au respect de
certaines conditions et son fonctionnement obéit à des règles qui lui sont propres.
A- Les conditions d’institution du stationnement payant sur la voie publique
Deux conditions procédurales gouvernent l’institution du stationnement payant sur la voie
publique. Tout d’abord, le conseil municipal doit approuver le principe même de la taxe de
stationnement et fixer le taux de celle-ci, sur la base des maxima et minima déterminés par les
pouvoirs publics. En effet, aux termes de l’article 98 de la loi communale, le conseil
Municipal peut voter au profit du budget communal les droits d’occupation des parcs de
stationnement et une taxe de stationnement dont les taux maxima sont fixés par décret.
Ensuite, le stationnement payant sur la voie publique doit être motivé par l’amélioration des
conditions de circulation. Il ne peut donc être institué que lorsque les arrêtés réglementant la
circulation n’ont pas suffi à eux seuls à pallier ces difficultés de circulation.
Outre qu’il doit être rendu nécessaire par les conditions de la circulation, le stationnement
payant sur la voie publique n’est légal que lorsqu’il ne porte pas atteinte à la liberté d’accès aux
immeubles riverains et à leur desserte (CE, 26 février 1969, Fédération nationale des clubs
automobiles de France) et qu’il n’affecte pas le principe d’égalité entre les usagers de la voie
Publique (CE, 28 février 1996, Association « Le Vésinet sans parcmètre’’).
Aux termes du décret n° 2002 /21 75/PM du 20 Décembre 2002 fixant les taux maxima et les
modalités de recouvrement de certaines taxes communales indirectes, les taux de taxe de
stationnement sont fixés à 10000 frs par trimestre et par taxi, 15000 frs par trimestre et par
autobus. Ces droits sont payés trimestriellement et d’avance dans la commune où le
transporteur est domicilié. La formulation de cet article indique bien que les voitures
personnelles sont exemptées du payement de la taxe de stationnement. La compatibilité avec
les dispositions de nature législative et réglementaire de la taxe de stationnement telle que
pratiquée par certaines collectivités territoriales décentralisés apparaît discutable. Cette taxe
de 100 frs par tranche horaire a le mérite, comme toute taxe de stationnement d’inciter les
automobilistes à stationner le moins longtemps possible sur les accotements des rues, mais
elle n’est assise sur aucun texte de droit qui la fonde.
B- La nature de la gestion du stationnement payant sur la voirie publique
Etroitement lié à l’exercice du Pouvoir de police administrative du maire, le
stationnement payant sur la voie publique revêt le caractère d’un service public administratif
(Cf Service de stationnement payant et délégation de service public par Michel DREIFUSS,
AJDA, 20 février 1 00 1. p. 129).
Il s’agit à titre principal d’une mesure de police administrative. Ce sont d’ailleurs les liens
étroits qui unissent le stationnement payant sur voirie à l’exercice du pouvoir de police qui ont
conduit la doctrine à réserver une réponse prudente quant à la possibilité de déléguer la
gestion de ce service, laissant au juge le soin de décider de la légalité d’une éventuelle
délégation de ce service à une entreprise privée.
La jurisprudence administrative admet la possibilité d’une délégation du service public du
stationnement payant sur la voie publique. En effet, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 1er
avril 1994, Commune de Menton, a réaffirmé la possibilité pour une commune de déléguer la
gestion du stationnement payant sur voirie à une personne privée. Toutefois, cette dernière ne
pourra se voir confier par le contrat de délégation, l’exercice d’une mission qui relève de
l’exercice du pouvoir de police. Ainsi, dans l’arrêt précité, le Conseil d’Etat a précisé que le
service de la police du stationnement, par sa nature, ne saurait être confié qu’à des agents
placés sous l’autorité directe du maire et que ceux-ci ne pouvaient être mis à disposition du
délégataire par la commune (CE, 1 » avril 1994, Commune de Menton C/Société Scetauparc,
Rec. Lebon, p. 176).
En revanche, il est loisible à la collectivité de déléguer au cocontractant privé l’installation des
parcmètres, c’est-à-dire, les compteurs de stationnement payant, sur la voie publique, leur
entretien, la mise en place de la signalisation, voire la collecte des droits de stationnement
versés par les usagers dans les parcmètres, qui devront être remis dans leur intégralité au
receveur municipal. Mais l’usage de la force publique telle que l’immobilisation d’une
automobile ne peut être délégué à un privé.
C- La sanction du stationnement payant sur la voie publique
La jurisprudence a assimilé les droits de stationnement à des taxes. Dès lors que l’usager
ne s’acquitte pas du montant de la taxe, il viole les règles posées par l’arrêté municipal
régissant le stationnement et peut donc se voir dresser un procès verbal par un agent de police
municipale.
Il convient toutefois de souligner que la jurisprudence administrative prohibe les arrêtés
municipaux instituant des amendes pénales, en cas de dépassement de la durée horaire pour
laquelle l’automobiliste a payé. Seule une amende correspondant à la classe de contravention
peut être dressée à l’encontre des contrevenants (CAA de Bordeaux, 16 novembre 1998,
Commune de Marmande).
Le décret n° 79/341 du 3 Septembre 1979 portant réglementation de la circulation routière,
modifié et complété par le décret n° 86/818 du 30 Juin 1986 fait du stationnement interdit ou
du mauvais stationnement, une contravention de troisième classe, punissable d’une amende de
3600 frs CFA, en application de l’article R 369 du code pénal ainsi que de l’article 606 du
code de procédure pénale. L’amende forfaitaire est une peine pécuniaire applicable aux
contraventions et dont le montant est fixé d’avance par la loi (article 606 du code de
procédure pénale). C’est dire que le maire n’a aucune compétence matérielle pour fixer des
taux d’amende dans sa commune. Cette compétence incombe au législateur et au législateur
seul. Le maire se contente, en tant qu’ Officier de police judiciaire, de remplir le formulaire
d’amende forfaitaire, si celle-ci est de troisième classe (lorsque c’est une amende de
quatrième classe, évaluée à 25000 frs par la loi, seule les juridictions peuvent se prononcer) et
renvoyer le contrevenant aller payer librement à la caisse.
Il n’ya pas lieu à amende forfaitaire, si une disposition légale impose à l’agent verbalisateur
(ici, le maire) de prendre une mesure administrative, notamment la mise en fourrière ou le
retrait du permis de conduire (article 606 al2 du code de procédure pénale).
Il est important de savoir que le payement de l’amende forfaitaire est facultatif et l’agent
verbalisateur doit en informer le contrevenant et doit éviter des mesures vexatoires ou
d’intimidations telles que la saisie du bien du contrevenant, la mise en fourrière du véhicule
pour refus de payer immédiatement la contravention ou l’injonction de se présenter au bureau
de l’agent verbalisateur(article 613 du code de procédure pénale). Lorsque la contravention
est constatée en l’absence de son auteur, il lui est dressé procès verbal et éventuellement
invitation à payer l’amende forfaitaire au bureau de l’agent verbalisateur (article 614 al 2 du
code de procédure pénale).
S’il incombe au Maire de prendre des mesures qu’exige la circulation automobile, il doit
concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté individuelle, dont celle d’aller
et de venir, garantie par la constitution.
Le législateur camerounais a donc expressément exclu toute mesure vexatoire ou intimidatrice
sur le véhicule du contrevenant, qui peut être de nature à entraver la liberté d’aller et de venir.
Le véhicule est un instrument assurant la mobilité individuelle, la liberté d’aller et de venir.
Toute immobilisation par une autorité publique, d’un véhicule, sans que cette mesure soit
prévue par la loi, est une atteinte à la liberté d’aller et de venir de l’automobiliste. Ces
mesures sont de véritables voies de fait, des actes de force attaquables en justice, surtout que
ces actes d’immobilisation d’automobile ne sont pas précédées par un arrêté ou une décision
du Maire.
L’article 18 de la loi n° 2006/015 du 29 Décembre 2006 portant organisation judiciaire,
prévoit à son article 18 alinéa 1c «que le Tribunal de Grande Instance est compétent pour
connaître de toute requête tendant à obtenir l’interdiction à toute personne ou autorité,
d’accomplir un acte pour lequel elle est légalement incompétente »
Seules les circonstances anormalement graves peuvent permettre de porter atteinte aux
libertés fondamentales et qui ont abouti au libéralisme résumé par la formule « La liberté et la
règle, la restriction de police l’exception ».
Mais dans la réalité, les actes de cette nature bénéficient d’une immunité juridictionnelle de
fait, puisque la loi a réservé les voies de recours contre eux au seul représentant de l’Etat qui «
défère à la juridiction compétente les actes du Maire qu’il estime entachées d’illégalité, dans
les deux mois à compter de leur réception »
La loi réserve au représentant de l’Etat, «l’annulation des actes des collectivités territoriales,
manifestement illégaux, notamment les emprises et voies de fait » (article 72 alinéa 2 de la loi
n° 2004/18 fixant les règles applicables aux communes).
Le représentant de l’Etat se trouve ainsi placé dans la position délicate de conseil de la
victime, alors que par essence et de par ses fonctions il est chargé de la défense des intérêts
nationaux et de la conservation publique auprès des autorités locales ; ce qui ne fait pas
prospérer le prétoire et renforce l’impunité des maires, faisant le lit aux voies de fait.
Certes, la même loi prévoit que toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt pour
agir peut contester devant le juge administratif compétent, un tel acte suivant les modalités
prévues par la législation contentieuse à compter de la date à laquelle l’acte incriminé est
devenu exécutoire.
Cela signifie que dans la gouvernance locale, le juge judiciaire est subrepticement écarté de la
connaissance de la voie de fait et que le recours individuel est assorti d’un recours gracieux
préalable, condition de saisine de la juridiction administrative. Comme on peut le remarquer,
la décision ultérieure du juge perd une grande partie de sa valeur, puisque dans ces conditions,
non seulement elle interviendra plusieurs mois après la mesure administrative faisant grief à
l’administré, mais aussi le préjudice financier et matériel subi par le citoyen n’est guère
atténué par l’annulation ou par l’octroi d’une indemnité ultérieure. Seule une décision du juge
ordonnant qu’il soit sursis à l’exécution de la mesure attaquée, est à même de renforcer
efficacement le contrôle de la légalité locale.
II – Le régime juridique du stationnement payant hors voirie (parcs de stationnement)
Le stationnement payant hors voirie désigne les emplacements de stationnement situés hors de
la voie publique soit par aménagement de surface soit par construction en souterrain ou en
élévation. Le Maire doit aménager pour des besoins de stationnement, des endroits appropriés
notamment au point de rassemblement des personnes, tels que les gares, bureaux, usines ou
marchés et prélever en contrepartie la taxe de stationnement aux exploitants des véhicules
destinés aux transports publics urbains. (Art. 107 de la loi communale). Les taux maxima de
cette taxe sont fixés à 1000 F par jour et par véhicule pour camions, camionnettes et cars (Art
17 du décret n°2002/2175/PM du 20 décembre 2002 fixant les taux maxima et les modalités
de recouvrement de certaines taxes communales indirectes).
A- Les conditions d’institution d’un stationnement payant hors voirie
C’est au conseil municipal qu’il revient de décider de la création d’un service public du
stationnement payant hors voirie. Ce service peut donc être exploité en régie ou selon un
mode de gestion déléguée (concession, affermage). Et si les parcs publics de stationnement
hors voirie constituent un service public industriel et commercial, il n’en demeure pas moins
que leur existence doit être justifiée par les nécessités de circulation dans l’agglomération.
B- Nature de la gestion du stationnement payant hors voirie
La nature du stationnement payant hors voirie a été appréhendée en 1975 par le Tribunal
des Conflits qui a précisé qu’il s’agissait là d’un service public industriel et commercial
(Tribunal des conflits, 17 novembre 1975, Sieur Gamba, Rec. Lebon, p 801). Si cette
catégorie de services peut être exploitée en régie, ces derniers font le plus souvent l’objet
d’une délégation de service public à l’instar de la gestion du stationnement payant sur la voie
publique. Toutefois, l’analogie entre les deux modalités du stationnement payant ne peut être
poursuivie plus loin s’agissant du paiement du droit de stationnement.
C- Mode de règlement des droits de stationnement hors voirie
Dans le cas du stationnement à paiement hors voirie, il ne s’agit pas d’une taxe dont
l’existence et le taux n’ont d’autre fonction que d’inciter les automobilistes à stationner le
moins longtemps possible mais plutôt d’un prix ou d’une redevance pour service rendu dont
le montant ne saurait excéder le prix de revient du service (CE, 2 avril 1997, commune de
Montgeron, CJEG, 1998, P 433).
Le prix perçu sur les usagers étant la contrepartie du stationnement et de la garde de leur
véhicule, il ne saurait être différent selon que l’usager du service réside ou ne réside pas dans
la commune (CE, 12 juillet 1995, Commune de Maintenon, Rec. Lebon, P 305).
Les montants tarifaires que doivent verser les usagers sont fixés, ou du moins encadrés, par le
conseil municipal et ce, que le service public du stationnement payant soit géré en régie ou
par le biais d’une délégation. Dans ce dernier cas, les conditions de fixation des montants
tarifaires sont, le plus souvent, déterminées au sein du contrat de délégation.
Les parcs de stationnement ne sont pas assimilés à la voirie publique et ne peuvent donc se
voir appliquer les dispositions liées à la taxe de stationnement. Le paiement acquitté par les
usagers de ces parcs souterrains correspond à des redevances dont les difficultés de
recouvrement ne peuvent être réglées par l’adoption d’un arrêté municipal dont la violation
pourrait donner lieu à la rédaction d’un procès verbal d’infraction par des agents de police.
Le recouvrement des sommes impayées doit être poursuivi selon les règles de droit privé dont
l’application incombe en dernier ressort aux juridictions judiciaires compétentes pour les
difficultés qui surgissent entre le gestionnaire d’un service public industriel et commercial,
qu’il s’agisse d’une personne publique ou privée, et ses usagers (TC, 22 janvier 1921, Société
commerciale de l’Ouest africaine).