Le Tribunal des conflits francais est une juridiction paritaire française composée de conseillers d’État et de conseillers à la Cour de cassation, chargée de trancher les conflits d’attribution et de décision entre les deux ordres de juridiction, judiciaire et administratif. Elle est présidée par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice (qui ne siège généralement qu’en cas de partage des voix).
{{Historique}}
Institué par l’article 89 de la Constitution de 1848 pour régler les conflits d’attribution entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire (l’article 90 lui attribuait également « les recours pour incompétence et excès de pouvoirs contre les arrêts de la Cour des comptes »), il est dans un premier temps organisé par le règlement du 28 octobre 1849 et la loi du 4 février 1850, mais connaît un succès éphémère : supprimé avec l’avènement du Second Empire, il sera recréé par la loi du 24 mai 1872. Ses attributions sont renforcées par la loi du 20 avril 1932 et le décret du 25 juillet 1960.
{{Composition}}
Le Tribunal est composé d’un président de droit en la personne du garde des sceaux, de huit juges nommés pour trois ans renouvelables, à savoir quatre membres du Conseil d’État et quatre magistrats de la Cour de cassation (trois conseillers d’État en service ordinaire élus par les conseillers en service ordinaire, trois conseillers à la Cour de cassation nommés par leurs collègues, ainsi que deux autres membres et deux suppléants élus par la majorité des autres juges déjà désignés).

En outre, le ministère public, pleinement indépendant, est composé paritairement de deux maîtres des requêtes au conseil d’État et de deux avocats généraux à la Cour de cassation, tous appelés « commissaires du gouvernement ». Lors du jugement d’une affaire, si le rapporteur en charge de celle-ci est issu de la Cour de cassation, le commissaire du gouvernement est issu du Conseil d’État, et vice-versa.
{{Compétences}}
Tribunal spécial au sens de la loi du 24 mai 1872, le Tribunal des conflits a une compétence d’attribution stricte.

Quatre types de « conflits » sont de sa compétence :

* le conflit positif,
* le conflit négatif,
* le conflit de décisions conduisant à un déni de justice,
* le conflit sur renvoi.

Le conflit positif suppose qu’un préfet conteste la compétence d’un tribunal de l’ordre judiciaire pour le jugement d’une question ou d’une affaire dont ce dernier est saisi[1].

Le conflit négatif suppose que les deux ordres se soient déclarés incompétents pour le même litige[2].

Le conflit de décisions est une hypothèse ouverte par la loi du 20 avril 1932[3], à la suite de l’affaire Rosay, où des tribunaux des deux ordres de juridiction, sans décliner leur compétence, avaient rendu des décisions contradictoires constituant un déni de justice. Dans cette hypothèse, le Tribunal des conflits traite l’affaire au fond, en dernier ressort.

Le conflit sur renvoi est ouvert par le décret du 25 juillet 1960[4].

* Il s’agit d’abord du conflit en prévention de conflit négatif, lorsqu’un tribunal de l’un des ordres de juridiction doute de sa compétence alors même qu’un tribunal de l’autre ordre de juridiction s’est déjà déclaré incompétent pour la même affaire[5].
* Il s’agit ensuite du conflit sur renvoi d’une juridiction statuant souverainement, qui permet au Conseil d’État et à la Cour de cassation de saisir préventivement le Tribunal des conflits en cas de difficulté sérieuse sur une question de compétence entre les deux ordres[6].

Il existe en droit une cinquième forme de saisine, celle de revendication, mais elle reste en fait inusitée : un ministre intéressé peut saisir le Tribunal des conflits pour dessaisir le Conseil d’État d’une affaire qui n’appartiendrait pas au contentieux administratif [7].
Procédure

La saisine dans le cadre d’un conflit positif est asymétrique et unilatérale. Elle appartient exclusivement à l’autorité administrative, en l’espèce au préfet, qui peut contester la compétence du juge judiciaire sur une affaire. Après une phase amiable (déclinatoire de compétence envoyé par le préfet à la juridiction), et à défaut de déclaration d’incompétence par l’autorité judiciaire, le préfet prend un arrêté de conflit qui oblige la juridiction judiciaire à surseoir dans l’attente de l’arrêt du Tribunal des conflits qui confirmera l’arrêté de conflit ou l’annulera.

La saisine dans le cadre d’un conflit négatif, dont l’initiative appartient aux parties et est formée par requête signée d’un avocat aux Conseils, tend à disparaître depuis la réforme de 1960.

La saisine en prévention des conflits négatifs permet en effet à la seconde juridiction, lorsque celle-ci s’apprête à se déclarer incompétente, de saisir elle-même le Tribunal des conflits.

La saisine dans le cadre d’un conflit de décisions (loi de 1932), dont l’initiative appartient aux parties et est formée par requête signée d’un avocat aux Conseils, reste rare.

La saisine dans le cadre d’un conflit sur renvoi d’une juridiction souveraine appartient au Conseil d’État et à la Cour de cassation, conformément au décret du 25 juillet 1960.

La juridiction ne peut statuer si la formation de jugement ne réunit au moins cinq juges. En cas d’égalité des voix parmi les huit membres issus du Conseil d’État et de la Cour de cassation, le Garde des sceaux vient présider la formation de jugement qui tranche le litige. Les décisions du Tribunal des conflits ne sont pas susceptibles de recours.

La présidence du garde des sceaux, qui est un membre du gouvernement et non un magistrat indépendant, prête à controverse en raison de son manque potentiel de compétence et d’impartialité.