Le respect des prescriptions légales en matière de construction, plantations…ne suffit pas toujours à votre tranquillité. Votre voisin qui écoule de la musique tous les soirs jusqu’à 3 h du matin, ou cet autre qui vient d’installer une pizzeria au rez-de-chaussée de l’immeuble…vous gênent, au-delà de ce que vous pouvez et devez supporter.
Face à la multiplication des nuisances, de bruit, d’odeur, de vue, les tribunaux ont été amenés à prendre en considération ces dommages. Ils ont ainsi élaboré la théorie des troubles anormaux de voisinage. Ainsi, il y a trouble anormal de voisinage engageant la responsabilité de son auteur, même sans faute de sa part, si la gêne occasionnée excède les inconvénients normaux de voisinage.
Une place à part est réservée au bruit, considéré aujourd’hui comme un problème de santé publique. Le Législateur est en effet intervenu avec la loi antibruit du 31 décembre 1992, suivie des textes d’application en 1995.
UN TROUBLE GRAVE ET ANORMAL
Cette théorie repose sur la recherche et l’application de l’intensité de la gêne subie par le voisin. Le trouble existe et ouvre droit à réparation dès lors qu’il remplit les conditions d’anormalité et de gravité dégagées par la jurisprudence, sans avoir à rechercher la faute ou l’absence de faute de l’auteur du trouble.
UNE RESPONSABILITE SANS FAUTE
Votre responsabilité peut être engagée pour trouble de voisinage alors même que vous usez normalement de votre droit.
RESPONSABILITE AVEC FAUTE ET ABUS DE DROIT
En dehors du trouble de voisinage, le voisin qui vous gêne peut être poursuivi sur la base de deux autres fondements juridiques :
– La responsabilité avec faute : le trouble de voisinage peut en effet provenir d’une faute de votre voisin. Vous pourrez ainsi obtenir réparation en vous fondant dur les articles 1382 et suivants du Code civil. Ainsi, en vertu de l’article 1385, sa responsabilité peut être engagée du fait des animaux dont il a la garde. Il vous devra réparation par exemple si son chien saute la clôture et vous mord ou détruit toutes vos plates-bandes. Il en est de même si votre voisin vous vous cause un préjudice car li a planté des peupliers à moins de 2 m de votre clôture. Il a commis une faute en ne respectant pas ses obligations, et notamment l’article 671 du Code civil. Dans ces hypothèses, dès lors qu’il ya une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux, vous pourrez obtenir réparation du dommage auprès de votre voisin.
– L’abus de droit : dans ce cas, votre voisin gênant ne viole aucune loi, ni règlement mais il exerce abusivement son droit de propriété dans la mesure où il manifeste son intention malveillante car ces agissements n’ont pour but que de vous nuire. L’exemple le plus classique est celui du voisin qui construit un mur très élevé sans aucune utilité pour lui mais uniquement pour vous gêner en vous privant d’ensoleillement.
Le trouble anormal de voisinage se distingue de ces deux cas de figure puisqu’il correspond à la situation où en l’absence de faute ou d’intention de nuire, votre voisin vous cause une gêne excessive de propriété. Elle ne peut être annulée ou même atténuée par le fait que vous avez utilisé normalement votre bien, sans intention de nuire et en prenant toutes les précautions nécessaires.
Ainsi, les arbres dont la chute des feuilles cause un trouble anormal doivent être abattus même s’ils sont plantés à la distance légale de la limite séparative (Cour de cassation, 4janvier 1990). La règle est la même pour les nuisances sonores provoquées par un restaurant (Cour de cassation, 15 janvier 1993).
Cela va même plus loin car le caractère irréprochable de l’activité génératrice du n’exonère pas la responsabilité. Par exemple, le fait d’avoir obtenu toutes les autorisations pour exploiter un établissement ne vous exonère pas de votre responsabilité si votre activité cause un préjudice excessif à vos voisins.
Il en est de même du respect des usages locaux ou du règlement de copropriété qui ne vous libère pas de votre responsabilité. Par exemple même si le règlement vous autorise à exercer une activité de boulangerie dans l’immeuble, vos voisins n’ont pas à supporter les troubles excessifs dus à votre exploitation.
Citons encore l’accord donné par le voisin à des travaux ou à la pose d’appareils. Cela ne vous autorise pas pour autant à les gêner anormalement. Ainsi en est-il par exemple de la pose d’un climatiseur (Cour d’Appel de Dijon, 8 octobre 1968).

LE TROUBLE NE DOIT PAS PREEXISTER
Si l’activité en cause existait avant la construction, l’acquisition ou la location du bien exposé aux nuisances, la victime ne pourra demander aucune réparation pour la gêne qu’elle subit. Ce principe résulte d’une loi de 1980 codifiée à l’article L.112-16 du Code de la construction et de l’habitation et concerne les activités agricoles, industrielles, artisanales et commerciales.
Toutefois, vous conservez un recours contre votre voisin gêneur dans les deux cas suivants :
– Soit l’activité incriminée est exercée en toute illégalité et ne respecte pas la règlementation en vigueur ;
– Soit elle ne s’est pas poursuivie dans les mêmes conditions. Ainsi, en cas d’augmentation du trouble, la victime est fondée à réclamer réparation. On considère en faite que l’activité ne préexistait pas dans ce cas.
Ce principe a été étendu par la jurisprudence à la préexistence d’un ouvrage public, tel qu’une ligne de chemin de fer ou une voie rapide.
En fait, l’exonération de l’auteur du trouble en cas de « préoccupation » repose sur l’idée que la victime a été soit négligente, soit imprudente, et a en quelque sorte commis une faute.
A savoir :
L’autorisation préalable donnée par la victime du trouble ne la prive pas de tout recours si l’activité pour laquelle elle a donné son accord lui cause un préjudice excessif. Par exemple, l’accord donné par un voisin à la pose d’un climatiseur ne vaut pas acceptation de la gêne causée par le bruit de fonctionnement de cet appareil.
L’APPRECIATION DU TROUBLE
Les tribunaux apprécient souverainement, au cas par cas, l’existence et l’intensité des troubles de voisinage. Ils vont rechercher si le trouble dépasse la limite des inconvénients du voisinage. Il faut en fait que le trouble soit à la fois anormal et suffisamment grave.
Dans cette appréciation, les juges prennent en compte les éléments suivants :
– La fréquence et la durée du trouble : la responsabilité d’un entrepreneur a ainsi été retenue pour des travaux ayant duré près d’un an et occasionné un bruit excessif ;
– Le moment du trouble : le jour ou la nuit par exemple ;
– Le caractère du quartier ou la localisation du trouble ;
– La personnalité de la victime : des travaux, même de courte durée, peuvent constituer un trouble de voisinage pour un commerce de cadeaux s’ils ont lieu au moment des fêtes de fin d’année ;
– La nature du trouble : bruit, odeurs, pertes d’ensoleillement, etc.
LES PRINCIPAUX TROUBLES DE VOISINAGE
Le trouble excessif étant apprécié au cas par cas, nous vous donnons ici un certain nombre d’exemples de jurisprudence ayant considéré la gêne comme anormale. Nous réservons toutefois une place à part au bruit qui fait l’objet d’une règlementation spéciale.
LES MAUVAISES ODEURS, LES FUMEES, LA POLLUTION
– Emanations excessives d’odeurs de peinture provenant d’un garage voisin (Cour de cassation, 24 octobre 1980) ;
– Odeurs irrespirables provenant d’une porcherie dues au grand nombre d’animaux (Cour de cassation, 7 novembre 1990).
A savoir :
Les élevages d’animaux, et notamment de porcs, peuvent être à l’origine de graves nuisances pour le voisinage, aussi, la création de nouveaux élevages n’est autorisée que s’ils sont situés à une certaine distance des habitations. C’est en principe le POS qui détermine ces règles. Mais le respect des distances prescrites ne vous empêche pas d’obtenir la cassation du trouble anormal et la réparation du préjudice si l’élevage vous gêne excessivement.
LA PERTUBATION DES EMISSIONS DE TELEVISION OU DE RADIODIFFUSION
Ce trouble de voisinage est un peu spécial puisque, tout comme le bruit, il fait l’objet d’une règlementation particulière résultant de l’article L.112-12 du Code de la construction et de l’habitation. Ainsi, lorsque la présence d’une construction est susceptible d’apporter une gêne à la réception de la radio ou de la télévision par les occupant des immeubles voisins, le constructeur est tenu d’installer à ses frais une installations permettant aux voisins de recevoir de façon satisfaisante les émissions de télévision ou de radio, et ce sous le contrôle de la commission nationale de la Communication et des libertés (CNCL). En cas de carence du constructeur, cette commission, après mise en demeure restée infructueuse pendant trois mois, saisit le tribunal de grande instance pour obtenir la réalisation de l’installation.
A savoir :
Les victimes de la perturbation conservent une action en réparation du trouble contre le constructeur, et ce même après achèvement de l’immeuble. Ceci paraît logique car ce n’est qu’une fois la construction achevée que le voisinage se rendra véritablement compté de la perturbation occasionnée par le nouvel immeuble.
LA PRIVATION DE VUE OU D’ENSOLEILLEMENT
Le problème se pose principalement lorsqu’un propriétaire édifie sur son terrain, le plus souvent en limite séparative, une construction qui prive son voisin de la vue ou de l’ensoleillement dont il disposait.
A savoir :
Si votre voisin n’a édifié la construction qui vous gêne que dans l’intention de vous nuire et alors qu’elle ne présente aucune utilité pour lui, ses agissements pourront être sanctionnés sur la base de l’abus de droit.
Il faut savoir que la loi ne protège ne la vue ni l’ensoleillement. Autrement dit, il n’existe pas de droit à la vue ni au soleil. Cependant, il est des cas où les tribunaux considèrent que la perte de vue ou d’ensoleillement est telle qu’elle constitue un trouble anormal du voisinage.
Cependant, la gêne sera appréciée différemment selon la situation de l’immeuble. Ainsi, dans un quartier pavillonnaire permettant d’espacer les constructions, la privation d’ensoleillement en raison d’un immeuble trop rapproché est un trouble anormal (Cour d’appel de Versailles, 7 novembre 1982) alors qu’en ville, les habitants doivent s’attendre à une diminution de vue et d’ensoleillement due au développement des constructions voisines. Autrement dit, la vue et l’ensoleillement ne constituent pas des droits acquis, et la responsabilité doit être recherchée en fonction de la nouvelle situation et de la gêne subie et non du privilège perdu (Cour d’appel de Toulouse, 17 septembre 1991). Selon la jurisprudence, un droit à la vue diminuerait considérablement le droit de propriété des voisins et rendrait impossible toute évolution du tissu urbain.

DE NOUVEAUX TROUBLES DE VOISINAGE
L’évolution des modes de vie et des besoins a fait « naître » de nouveaux troubles de voisinage.
La diminution de valeur
Dans un arrêt du 26 janvier 1993, la Cour de cassation a considéré que la construction de deux immeubles de dix étages et d’une cheminée de 30 m de hauteur ayant partiellement privé de vue la propriété de la plaignante a entraîné une diminution de la valeur de cette propriété et que ceci constitue un trouble anormal de voisinage. C’est reconnaître là un véritable droit à l’environnement et aux avantages que prodigue la nature. Selon certains, c’est aller un peu loin et le rouble anormal ne devrait être reconnu que dans la mesure où il s’agit d’atteinte aux conditions d’existence du voisin, et non, comme dans cet arrêt, d’une atteinte aux avantages d’agrément externe qui ne sont que des privilèges précaires.
L’atteinte à l’esthétique de l’environnement
Pourtant, le droit à l’environnement a été reconnu dans d’autres décisions et notamment dans un arrêt du 29 novembre 1995. En l’espèce, les époux V. se sont plaints de troubles dus à l’exploitation d’une carrière à proximité de leur résidence secondaire. La Cour a reconnu comme trouble anormal l’atteinte à l’esthétique de l’environnement car « le terrain a été bouleversé par le retournement du sol et la création d’un talus, cet environnement contraste avec l’harmonie de la ligne de crête et des champs, masqués en partie, et même après remblaiement, le sol ne retrouvera pas son niveau.(…) Cette transformation de l’environnement affecte les conditions d’habitabilité de la maison située en pleine campagne et constituant la résidence secondaire des époux V. ».
Dans cette affaire, la Cour va donc au-delà de la perte de vue et d’ensoleillement puisqu’elle considère comme trouble anormal l’altération de l’esthétique de l’environnement, dès lors qu’il s’agit de l’environnement immédiat qui participe en fait aux conditions d’habitabilité d’une maison. La Cour reconnaît donc bien les atteintes portées aux avantages d’agrément externes, à partir du moment où ils sont proches.

Les animaux
Question : Peut-on interdire la présence d’animaux dans un logement ?
Réponse : non. L’article 10 de la loi du 9 juillet 1970 ne permet pas à un propriétaire d’interdire à ses locataires la présence d’animaux familiers. Toutefois, cette détention est subordonnée au fait que ledit animal ne cause aucun dégât à l’immeuble, ni aucun trouble de jouissance aux occupants de celui-ci. Ainsi, si un chien est laissé seul toute la journée et gêne l’entourage par ses aboiements, son propriétaire peut se voir poursuivre en tapage diurne et devant le tribunal d’instance ou de grande instance pour »trouble anormal de voisinage » et aux fins d’obtenir la cessation du trouble (garde du chien, séparation, etc.).
A savoir : chiens dangereux
Depuis la loi u 06 janvier 1999 de nouvelles obligations sont imposées aux propriétaires de chiens jugés dangereux. C’est ainsi que désormais, ces chiens sont classés en deux catégories : les chiens d’attaque et les chiens de garde.
Parmi les mesures prises, voici les plus significatives : ces chiens doivent être déclarés en mairie par leur propriétaire à compter du 1er juillet 1999, les chiens d’attaque devront obligatoirement être stérilisés à partir du 07 janvier 2000, ils sont interdits dans les lieux publics sauf à être tenus en laisse et muselés, tout commerce de ce type de chien est désormais prohibé. La règlementation relative aux chiens de garde est quant à elle plus souple même s’ils doivent porter une muselière et être tenus en laisse dans tous les lieux publics et les transports en commun. En outre, le maire peut prescrire aux propriétaires de ces chiens dangereux toute mesure destinée à prévenir le danger : mise en fourrière, abattage dans les huit jours si le propriétaire ne les réclame pas.
Si à l’évidence, vous êtes victime d’un trouble de voisinage, il vous importe avant tout de savoir comment y mettre fin.
COMMENT REAGIR EN CAS DE TROUBLE ?
Toute victime de nuisance peut saisir les tribunaux pour « trouble anormal de voisinage ». Cette démarche permet, si l’anormalité des nuisances est reconnue, d’obtenir leur cessation (travaux d’insonorisation, aménagement des horaires d’utilisation, etc.) et/ou des dommages et intérêts pour le préjudice subi.
AGIR CONTRE QUI ?
Si par exemple, l’auteur du trouble est le charcutier qui a sa boutique aurez-de-chaussée de votre immeuble, à qui devez-vous vous adresser ? Au propriétaire du local ou à son locataire charcutier ? En fait, vous avez le choix. Vous pouvez agir contre le bailleur, et ce même si c’est son locataire qui vous gêne. Le bailleur condamné exercera à son tour un recours en garantie contre son locataire si ce dernier a manqué à ses obligations. La solution est la même si vous êtes gêné par une entreprise qui réalise des travaux pour le compte d’un propriétaire.
Cela étant, vous avez également la possibilité d’agir directement contre l’auteur du trouble, qu’il soit locataire, loueur d’ouvrage (entreprise de travaux par exemple) ou propriétaire. Enfin, vous pouvez assigner les deux. Ainsi, le propriétaire et le locataire d’Instance de tir ont été solidairement condamnés pour le préjudice causé aux voisins par le bruit (cour de cassation, 13 janvier 1972).
LA PROCEDURE
Devant le tribunal ?
Pour saisir le bon tribunal, vous devez préalablement estimer le montant du préjudice. Si celui-ci est inférieur à 50 000 F, vous devez vous adresser au tribunal d’instance du llieu où demeure le défenseur. S’il dépasse ce seuil, le tribunal de grande instance est le seul compétent et le recours à un avocat s’avère alors dispensable.
A savoir
Si votre demande ne dépasse pas 25 000 F, vous pouvez saisir le tribunal d’instance directement par voie de déclaration. Au-delà de ce montant (et jusqu’à 50 000 F), vous devez avoir recours à un huissier pour de saisir le tribunal d’instance par voie d’assignation.
POUR QUELLE REPARATION ?
C’est à vous d’apporter la preuve du trouble et son caractère anormal. Constituez-vous un dossier solide (témoignages, constats d’huissier, procès-verbaux…). Le juge examine avec intention les pièces mais il peut aussi désigner un expert judicaire. L’expert a bien souvent pour mission de proposer des solutions techniques. Une fois le rapport déposé, le juge rend sa décision. Il prononce la cessation du trouble et impose le cas échéant des mesures nécessaires à cette cessation (travaux d’isolation, séparation d’un animal, démolition d’un mur trop haut..). Vous pouvez également réclamer des dommages et intérêts pour compenser le préjudice subi. Notez que vous pouvez obtenir les deux condamnations ou bien l’une ou l’autre.
A savoir
Une jurisprudence récente a reconnu au syndicat des copropriétaires la possibilité, en cas de carence du bailleur, d’obtenir la résiliation du bail d’un locataire auteur du trouble. Les copropriétaires ont ainsi pu poursuivre l’annulation du contrat et l’expulsion du locataire qui exerçait dans les lieux loués une activité nuisant à la tranquillité des copropriétaires (cour de cassation, 20 décembre 1994).
Une solution amiable…dans la mesure du possible
Tout d’abord rendez-vous chez votre voisin. Il n’a pas forcément conscience de la gêne qu’il vous occasionne. Si malgré votre mise en garde, il ne change rien à ses habitudes ou ne fait rien pour que le trouble cesse, alors passez à la vitesse supérieure. Adressez-lui un courrier simple en le sommant de faire le nécessaire. Si la situation ne s’améliore pas, réitérez votre démarche mais en employant cette fois, la voie recommandée. Dans ce courrier, vous le mettrez en demeure de cesser ses agissements gênants ou de prendre toutes les mesures utiles. Si cela ne suffit pas, seul un recours judiciaire vous permettra d’obtenir réparation. Notez toutefois que, même si elle n’est pas obligatoire, il est préférable et vivement recommandé d’adresser une mise en demeure préalable avant d’intenter une action en judiciaire.
LE BRUIT : UN TROUBLE ANORMAL REGLEMENTE
Les bruits de voisinage sont de loin ceux qui affectent le plus gravement la vie quotidienne. Le bruit est en effet considéré comme une nuisance rédhibitoire par près de 90% des Français ! La proximité de vie, la mauvaise insonorisation a conduit des logements ou l’indélicatesse de certains sont ainsi les trois principales causes des dissensions de voisinage ? Cette situation a conduit les pouvoirs publics à prendre des mesures pour lutter contre cette nuisance : deux décrets du 18 avril 1995 et un arrêté du 10 mai 1995 ont ainsi vu le jour. Ces textes ont pour but de faciliter la constatation des bruits excessifs de la vie quotidienne et de les réprimer plus efficacement. Ils ont été codifiés dans le code de la santé publique (article R 48-1 à R 48-5)
Pour mieux comprendre les démarches à effectuer si vous êtes victime d’un bruit excessif, nous allons passer en revue différentes situations auxquelles vous pouvez être confronté. En effet, vos recours ne seront pas les mêmes selon l’origine du bruit. Certains bruits pourront ainsi être réprimés pénalement sous forme d’amende car il s’agit de bruit de comportement. Pour d’autres au contraire, l’amende sera inefficace et vous devrez vous tourner vers les tribunaux civils pour obtenir la cessation du trouble.
VOTRE VOISIN EST NOCTAMBULE
Votre voisin travaille la journée e vit la nuit (réception d’amis, musique, éclats de rire, portes qui claquent y compris celle de l’ascenseur). Vous avez du mal à trouver le sommeil. Si la tolérance est de mise quand on vit en communauté, il n’en demeure pas moins que lorsque le bruit dépasse les limites du supportable, vous n’avez qu’une seule idée en tête : le faire cesser. Si malgré toutes vos tentatives de rapprochement votre voisin fait la sourde oreille, vous pouvez alors porter plainte pour tapage nocturne.
PORTER PLAINTE POUR TAPAGE NOCTURNE
C’est l’article R 623-2 du nouveau code pénal qui réprime le tapage nocturne. Pour porter plainte, il suffit de vous adresser au commissariat ou à la gendarmerie de votre quartier et de demander à ce qu’un agent se déplace. Ce dernier constate l’infraction et dresse un procès-verbal, qui une fois établi est transmis au procureur de la République. Si ce dernier estime que (infraction est constituée, l’affaire est poursuivie et portée devant le tribunal de police. Votre voisin risque alors une peine d’amende pouvant aller jusqu’à 3 000 F et peut être condamné à des dommages et intérêts si vous vous portez partie civile.
Intérêts de la procédure : rapidité et gratuité (le recours à un avocat n’est pas obligatoires). Si votre vosin est condamné à une peine d’amende et à des dommages et intérêts, il évitera à l’avenir de troubler votre sommeil ! S’il réitère, vous pouvez à nouveau porter plainte. En cas de récidive, la peine d’amende peut passer de 3 000 à 5 000 F maximum.
Conseil
Pensez à prévenir le syndic si l’appartement est en copropriété. Ce dernier doit s’assurer du respect du règlement de copropriété. Il pourra intervenir auprès du fauteur de trouble et lui enjoindre de cesser les nuisances.
VOTRE VOISIN EST BRICOLEUR
Le bruit de la perceuse, de la tondeuse, du marteau, vous connaissez ! Votre voisin passe son temps à restaurer, rénover, jardiner, en utilisant tour à tour des instruments plus ou moins bruyants. Que faire ? Sachez que désormais, vous pouvez également porter plainte et que le tapage diurne peut être constatés sans mesure sonométrique préalable.
PORTER PLAINTE POUR TAPAGE DIURNE
L’article R 48-2 du code de la santé publique précise que : « Tout bruit de voisinage lié au comportement d’une personne ou d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité pourra être sanctionné, sans qu’il soit besoin de procéder à des mesures acoustiques dès lors que le bruit engendré est de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage par l’une des caractéristiques suivantes : la durée, la répétition ou l’intensité. »
La sanction encourue est une peine d’amende de troisième classe, c’est-à-dire une amende pouvant atteindre 3 000 F (5 000 F en cas de récidive). Pour faire constater cette infraction, la loi donne aux agents collectives locales nommés par le maire et agréés par le procureur de la République, le pouvoir de constater par procès-verbaux les infractions sur simple constations auditive. Des commissariats de sécurité publique sont ouverts sur Paris, 24H/24. Il en existe un par arrondissement. En province, renseignez-vous auprès de votre mairie. Une fois le procès-verbal dressé, il est transmis au procureur de la République. Ensuite, le cheminement de la plainte est le même que pour le « tapage nocturne ».
A savoir
Si vous êtes victime d’un bruit répétitif déplacez-vous jusqu’au commissariat. Ainsi, quand vous appellerez les agents pour faire constater votre nuisance, ils se déplaceront plus facilement.
Notez que l’article R 48-2 s’applique à tous les autres bruits du voisinage résultant de la vie quotidienne c’est-à-dire aux bruits domestiques. Il en st ainsi des cris d’animaux, du bruit des appareils de diffusion de son et de musique des appareils électroménagers, etc.
Des arrêtés préfectoraux ou municipaux peuvent également réglementer l’utilisation des matériels bruyants et les horaires d’utilisation. Il peut être ainsi prévu que l’utilisation des tondeuses est interdite les dimanches et jours fériés. Si vous vivez en copropriété, le règlement de copropriété peut également imposer le respect de certains horaires.
Attention
Rester sourd aux idées reçues
– « jusqu’à 22 heures, faire du bruit n’est pas condamnable. » Et le tapage diurne ?
– « On peut une fois par mois faire la fête en toute tranquillité. » Et le tapage nocturne ?
Enfin, sachez que le recours à la procédure pénale ne vous interdit pas de poursuivre le fauteur de troubles devant les juridictions civiles pour « trouble anormal de voisinage ». Vous pourrez par exemple demander au voisin d’osciller la machine à laver du sol, de faire vérifier les appareils électroménagers, etc.
VOTRE VOISIN EST UNE ENTREPRISE
Vous êtes victime de bruits liés à une activité professionnelle (restaurant, imprimeur, etc. ), Culturelle (théâtre), sportive (stade) ou de loisirs (discothèque), définis par l’article R 48-3 du code de la santé publique. Que faire ? Ce texte prévoit des sanctions si le son perçu est supérieur aux limites admissibles. Si vous êtes victime d’une telle nuisance, faites appel à l’un des agents chargés d’effectuer les mesures acoustiques. La mesure du bruit nécessite l’utilisation d’un sonomètre. Une fois les mesures prises et s’il s’avère que le niveau du bruit conteste, est supérieur à 30 décibels, vous pourrez poursuivre le fauteur de troubles devant le tribunal de police. La sanction maximale encourue est une peine d’amende de 3 000 F et des dommages et intérêts si vous constituez partie civile.
A savoir
Les juridictions pénales ne sont pas compétentes pour ordonner la cessation du trouble. Elles constatent l’infraction et condamnent son auteur. Mais elles ne donnent pas de solution pour mettre un terme aux nuisances. Si vous voulez aller plus loin, vous serez contraint de saisir les juridictions civiles.
VOTRE VOSIN ESTBRUYANT MALGRE LUI
Vous n’ignorez rien de la vie de votre voisin. Vous entendez les conversations, le téléphone sonner, la télévision, le chien, le crayon qui tombe, etc. Nombreuses sont les personnes qui souffrent au quotidien de cet inconfort lié au manque d’isolation phonique. Dans ce cas, la condamnation de votre voisin à une serait inefficace car le problème provient du défaut d’isolation phonique. En d’autres termes, il ne s’agit pas ici d’un bruit de comportement et la solution réside dans la réalisation de travaux d’isolation phoniques que vous pourrez obtenir en saisissant les juridictions civiles.
Ces décisions qui font réfléchir…
Un propriétaire a été jugé responsable des roubles causés à un voisin par les bruits de son locataire dus à un défaut d’insonorisation de l’appartement (cour de cassation, 18 mars 1981).
A savoir
Les adresses utiles
Préfecture de police : 6e bureau chargé de la lutte contre les nuisances, 12, quai de Gesvres – 75195 paris RP. Tel : 01 53 71 40 06 ;
Centre d’information et de documentation sur le bruit : 12-14, rue Jules-Bourdais – 75017 Paris. Tel : 01 47 64 64 64.
Comité national d’action contre le bruit : 19, rue de liège – 75009 Paris. Tél : 01 44 63 02 30 .
Exemples :
Les propriétaires d’un coq ont été condamnés à déplacer l’animal dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 F par jour de retard et à payer à leur voisin la somme de 3 000 F à titre de dommages et intérêts (cour d’appel de Dijon, 02 avril 1987).
Des locataires avaient décidé de changer la moquette d’origine contre un parquet posé sur le sol. Ils ont été condamnés à remettre les lieux en leur état initial et à des dommages et intérêts (cour d’appel de Paris, 02 mai 1983). Dans le même sens (cour d’appel de Paris, 09 mai 1990).
Les parents d’un garçon de 11 ans, qui apprenait à jouer du cornet à piston, ont été condamnés à verser 3 000 F de dommages et intérêts à leur voisin du dessous. Par ailleurs, la cour a ordonné, soit l’insonorisation de l’appartement, soit l’utilisation d’un garage comme salle de répétitions (cour d’appel de Lyon, 23 décembre 1980).

Auteur : Jean-Michel GUERIN. Editions d’organisation