Conseil d’État, 29 janvier 1932 – les pouvoirs du maire en matière d’organisation du service public
1. Les pouvoirs du maire en matière d’organisation du domaine public
1. La possibilité de délivrer des autorisations en vue de l’exploitation d’un service public
2. La faculté de protéger l’entreprise concessionnaire de la commune contre la concurrence des autres entreprises
2. Les conséquences de cette protection
1. Une impossible exploitation d’un service public par la concurrence
2. Une situation monopolistique

Résumé du commentaire d’arrêt
Le maire dispose de pouvoirs importants en matière d’organisation du domaine public. En effet, celui-ci peut organiser la circulation et le stationnement des transports en commun, soit en prenant des arrêtés, soit en délivrant à des entreprises des autorisations leur permettant d’exploiter un service public.

L’arrêt soumis à notre commentaire est un arrêt du Conseil d’État rendu en date du 29 janvier 1932.
Par un arrêté du 14 février 1927, le maire de la commune de Cannes a interdit à tout véhicule de transports en commun le stationnement, l’arrêt ou bien encore le ralentissement sur les voies publiques de l’agglomération de Cannes, excepté si une autorisation expresse du maire le permettait. La société des autobus antibois, qui exploitait régulièrement un service d’embarquement et de débarquement entre Antibes et Cannes, s’est vue dans l’impossibilité de continuer cette exploitation et demanda au Conseil d’État d’annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté municipal.

Un maire, en interdisant le stationnement sur la voie publique des transports en commun, et ce, dans le but de protéger le concessionnaire de sa commune, n’outrepasse-t-il pas ses pouvoirs en matière d’organisation du domaine public ?

[…] Mais en l’espèce, le maire outrepasse ses pou
7 février 1936 – Jamart
Tout chef de service dispose d’un pouvoir réglementaire pour organiser ses services
Analyse

Par l’arrêt Jamart, le Conseil d’État consacre l’existence d’un pouvoir réglementaire permettant aux ministres de prendre les mesures nécessaires à l’organisation de leurs services.

Le ministre des pensions, mécontent de l’attitude de M. Jamart, avait pris une mesure lui interdisant l’accès aux centres de réforme, où l’appelait l’exercice de ses fonctions. Sur le recours de l’intéressé, le Conseil d’État annula la mesure prise mais l’intérêt de l’arrêt réside dans le considérant de principe par lequel il jugea que “même dans le cas où les ministres ne tiennent d’aucune disposition législative un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous leur autorité”.

Sous l’empire des lois constitutionnelles de 1875 comme sous l’empire de la Constitution de 1946 ou celle de 1958, les ministres ne sont pas investis du pouvoir réglementaire. Celui-ci est en effet attribué soit au chef de l’État (IIIe République), soit au chef du gouvernement (IVe République), soit, enfin, au chef du gouvernement sous réserve des prérogatives reconnues au chef de l’État (Vème République), les ministres n’étant appelés qu’à contre-signer les décrets pris par l’autorité titulaire du pouvoir réglementaire. Ils ne disposent d’un pouvoir réglementaire que de façon exceptionnelle et en vertu d’une habilitation expresse soit de la loi soit d’un décret. Toutefois, l’arrêt Jamart leur attribue, en qualité de chef de service, un pouvoir réglementaire minimal dont ils disposent en l’absence de toute habilitation par une loi ou un décret, celui de prendre les mesures nécessaires à l’organisation de leurs services.

Ce pouvoir réglementaire est enfermé dans des limites strictes, comme l’illustre l’arrêt Jamart lui-même. Il ne peut s’exercer, comme le rappelait dans ses conclusions M. Bernard “que dans la mesure où les nécessités du service l’exigent et envers les seules personnes qui se trouvent en relation avec le service, soit qu’elles y collaborent, soit qu’elles l’utilisent” (6 octobre 1961, UNAPEL , RDP 1961, p. 1279). Ainsi, le ministre ne peut notamment, par exemple, fixer des règles à caractère statutaire (Sect., 4 novembre 1977, Dame S… M…,n°97977, p. 417). En revanche, il peut fixer les modalités d’organisation et de fonctionnement de ses services (voir, par ex., Sect., 29 décembre 1995, Synd. national des personnels de préfectures C.G.T. et F.O., p. 459), réglementer, sans porter atteinte aux dispositions à caractère statutaire, la situation de ses agents (voir, par ex., 10 janvier 1986, Fédération nationale des travailleurs de l’État C.G.T., p. 5), enfin, prendre des mesures réglementaires applicables aux usagers de ses services dès lors qu’elles sont nécessitées par le bon fonctionnement du service (voir, par ex., 8 février 1967, Synd. national de l’enseignement secondaire et Synd. national de l’enseignement technique, p. 880).

Tout chef de service dispose, dans les mêmes conditions, du pouvoir d’organiser son service. C’est le cas, par exemple, pour un maire (25 juin 1975, R… et R…, n°90273 p. 898), pour un directeur d’établissements public (4 février 1976, Section syndicale C.F.D.T. du centre psychothérapeutique de Thuir, p. 970), d’un directeur des services de l’État (13 novembre 1992, Synd. national des ingénieurs des études et de l’exploitation de l’aviation civile et Union syndicale de l’aviation civile C.G.T., p. 966).

7 février 1936 – Jamart – Rec. Lebon p. 172