C’est sûr. L’on sollicite presque toujours les services d’un huissier lorsqu’on est en rupture de ban avec son partenaire ou lorsqu’on veut s’extraire des magouilles de quelque mal intentionné. Mais il n’est pas sûr que les huissiers jouissent dans l’imagerie populaire du même prestige, de la même considération que les autres corps des professions judiciaires. Maître Joseph Ndongbou est de tous les huissiers installés dans l’Extrême-Nord, l’un de ceux qui veulent tordre le cou à ces clichés. Il affiche donc crânement une certaine aisance, roule carrosse et fait entendre sa voix dans le concert des plaintes et complaintes d’un corps qui traverse une crise d’identité et de débouché.

Sa voie de maître semble en tout cas bien tracée depuis sa naissance le 17 Septembre 1963 à Mbanga. Une scolarité ordinaire le conduit tour à tour dans les salles de classe de Mbanga, Nanga Eboko et Foumban où il décroche son baccA4. Les portes de l’université peuvent s’ouvrir à lui grandement. Nous sommes en 1985. Une licence en droit privé francophone l’attend trois années plus tard. Le licencié frais émoulu s’envole pour la France. Mais à peine a-t-il mis les pieds à la faculté des sciences juridiques de l’Université de Lille qu’il doit reprendre l’avion du retour à la rencontre de son destin.

Car le décret l’admettant en stage d’huissier vient de tomber. Il prête serment en 1989. Et sa vie s’emballe. il passe l’examen de fin de stage en 1992 et se retrouve en 1994 titulaire de la troisième charge d’huissier à Maroua. Depuis, Me Ndongbou a su tisser sa toile, Il s’est aussi découvert d’autres vocations avec un sens affiné des affaires même s’il devient presque muet lorsqu’on aborde son côté business-man. A l’inverse, il parle avec délectation de son épouse Angeline, de leurs deux enfants, de ses activités extra-professionnelles au sein de l’Amicale pour le développement de la Menoua. Avec lui ce n’est pas directement le dodo après le boulot.

Certes avant lui, l’Extrême-Nord a généré des footballeurs prodigieux comme l’insaisissable Oumarou ou le virtuose Adama Zico. C’est vrai qu’après lui, d’autres se sont illustrés à l’instar du « marathonien » Idrissou ou du gardien de but Souleyman « parade ». Mais Alioum Boukar est de toutes ces génération celui qui symbolise le mieux et le plus la réussite en football. Celui sur les traces duquel tous ces jeunes pousses qui essaiment les écoles de football de la province voudraient marcher pour emprunter le providentiel ascenseur social qu’est devenu le football et se retrouver en haut de l’échelle sociale. La seule vue de l’impressionnant complexe immobilier qu’Alioum Boukar a fait sortir de terre au quartier Douggoï à Maroua à de quoi doper les efforts de tous ces footballeurs, même les moins doués qui se prennent à rêver.

Seulement à l’exemple du parcours de l’ancien keeper des Lions indomptables le voyage vers la consécration, la gloire, l’argent peut être long et éprouvant. Ainsi sur des photos jaunies et vieillies datant du début des années 1980, on reconnaît aisément le visage poupin de celui qui était alors le dernier rempart de Kohi club de Maroua. C’est d’ailleurs en défendant hardiment les buts de cette équipe au tournoi inter-poules qu’il se fait remarquer et recruter par Prévoyance de Yaoundé. En championnat d’élite et en coupe du Cameroun, le jeune gardien fait étalage de sa classe ce qui lui vaut une titularisation au sein des Lions indomptables espoirs médaillés d’or aux jeux africains du Caire en 1991. Il mettra cependant une bonne décennie pour atteindre l’étage supérieur.

Parti monnayer son talent en Turquie, il est peu ou
pas médiatisé. Il va ronger son frein dans l’antichambre de l’équipe fanion. Il doit attendre les départs à la retraite de Thomas Nkono et Joseph Antoine Bel! Puis le désistement opportun de Jacques Songo’o pour rentrer dans les plans de Pierre Lechantre qui lui confie les filets de la “dream team” championne d’Afrique en 2000. Alioum Boukar et ses partenaires remettent ça au Mali en 2002, à la différence que le gardien termine la compétition sans encaisser le moindre but. Compte non tenu de la séance des tirs aux buts en finale. Un record. Comme en 2000, cette odyssée se termine sous les ors du palais présidentiel.

Et comme la vie fonctionne par cycle, après l’apogée le déclin. La désillusion du Cameroun en coupe du monde Corée-Japon 2002 marque le début de la fin de la belle histoire d’amour d’Alioum avec les Lions indomptables. Sa mise à l’écart n’est évidemment pas du goût de ses fans qui clament que le fils de Maroua a encore sa place dans la cage des Lions. Mais les supporters proposent, l’entraîneur dispose.


Bienvenue a l’extrême-Nord

Radioscopie d’une province et de ses personnalités incontournables

Aimé Robert BIHINA

Eric Benjamin LAMERE