Avec la généralisation et la démocratisation de l’automobile, les pouvoirs publics se sont attachés organiser et à réglementer le stationnement32(*). La réglementation du stationnement peut obéir à un régime répressif : le stationnement, libre, n’est alors réprimé que lorsqu’il contrevient aux dispositions du Code de la route ou aux mesures prises par l’autorité compétente (A) ; le stationnement peut également être soumis à un régime préventif, le stationnement n’étant autorisé qu’après paiement d’une redevance (B).

A- Le stationnement sous la forme d’un régime répressif

L’aménagement du stationnement sous la forme d’un régime répressif sera analysé d’une part en se référant aux dispositions prévues par le Code de la route et d’autre part, en s’appuyant sur la réglementation du stationnement par l’autorité de police administrative.

1- La réglementation prévue par le Code de la route

Tout véhicule a la possibilité de stationner sur la voie publique ; ce principe connaît toutefois des exceptions, régies par le présent Code. En effet, ce dernier prévoit que le stationnement des véhicules ne doit être ni abusif (article 39), ni dangereux (article 40 al. 2), ni gênant pour la circulation (article 40 al. 1).

Tout stationnement irrégulier33(*) est susceptible de provoquer la mise en fourrière du véhicule stationné selon l’article 236 et suivant du Code de la route. Il s’agit d’une opération de police qui consiste à transférer un véhicule en un lieu désigné par l’autorité administrative en vue d’y être retenu. Selon les cas, cette mise en fourrière est décidée par l’officier de police judiciaire territorialement compétent ou par le maire. Le procureur de la République en est immédiatement avisé et peut en ordonner la mainlevée. Le propriétaire du véhicule reçoit notification de la mesure ; si son véhicule est en bon état, mise en demeure lui est faite de le retirer dans un délai de 45 jours, sinon le véhicule peut être détruit ou vendu ; dans le cas où le véhicule n’est pas en bon état, la restitution ne pourra avoir lieu qu’après vérification de l’exécution des travaux de remise en état.

La mise en fourrière est donc une opération « compromettante » pour le droit de propriété, mais également pour la liberté d’aller et venir. La décision de mettre le véhicule en fourrière et son transport jusqu’au lieu désigné sont des opérations de police judicaire ; en revanche, la garde du véhicule en fourrière et son éventuelle destruction sont assimilées à des mesures de police administrative.

2- La réglementation du stationnement par l’autorité de police administrative

Le maire se voit confier des prérogatives en matière de stationnement au titre de ses pouvoirs de police de la circulation. En effet, le stationnement sur la voie publique n’étant pas considéré comme une utilisation anormale de la rue, la jurisprudence admet que le maire puisse le réglementer en agglomération, comme le suggère l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 février 1969, Fédération nationale des clubs automobiles de France34(*) , le maire peut, par exemple totalement interdire ce stationnement dès que l’étroitesse de la rue et l’intensité du trafic qu’elle connait créent de graves difficultés de circulation35(*) ; il peut instituer un stationnement alterné, autorisé d’un côté ou l’autre de la rue selon des périodes définies dans le mois.

Des emplacements peuvent également être réservés à des véhicules de livraisons ; les maires prennent alors des arrêtés prévoyant que seuls les véhicules approvisionnant les commerces pourront stationner sur ces aires de livraison pendant le temps nécessaire au déchargement. La Cour de Cassation a considéré que « l’autorité de police peut instituer des zones dites de livraison réservées aux usagers ayant à accomplir des opérations de déchargement et notamment de livraison de marchandises de manière à éviter les difficultés que ne manquent pas d’entrainer ces opérations lorsqu’elles sont effectuées au milieu de la chaussée »36(*).

B- L’aménagement préventif du stationnement

Le stationnement payant renvoie principalement à deux enjeux : celui des conditions dans lesquels sa légalité a été admise ; celui des abonnements possibles en la matière.

1- La légalité du stationnement payant

L’instauration d’un système de stationnement payant est une mesure de police de la circulation portant une certaine affectation à la liberté d’aller et venir, du moins si l’on considère que l’exercice de cette liberté implique la gratuité du domaine public et de son utilisation. Cependant, il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que le principe de gratuité du domaine public n’a pas de valeur constitutionnelle37(*) et de nombreuses dérogations sont admises à la gratuité.

La gratuité ne s’impose en réalité à l’administration que là où elle formellement consacrée par un texte constitutionnel ou législatif, ou encore lorsqu’elle apparait comme l’expression nécessaire et indispensable d’un principe fondamental du droit positif ayant cette même autorité juridique. Il est donc loisible à l’autorité de police administrative d’instaurer le stationnement payant sans contrevenir au principe de gratuité du domaine public et de la circulation sur ce domaine.

La jurisprudence a depuis longtemps reconnu la légalité d’une telle mesure : le Conseil d’Etat l’a en effet affirmée dans un arrêt Laurens du 18 mai 192838(*). Il faut toutefois que cette mesure réponde à un but de police ; si le stationnement payant peut également procurer des ressources à la commune, l’intérêt financier ne doit cependant pas être le but principal de la mesure de police. Le stationnement payant doit être une mesure subsidiaire, c’est-à-dire que les autres mesures de police régulant le stationnement ne doivent pas avoir été « efficaces ». L’objectif du stationnement payant est donc normalement de garantir une rotation rapide des véhicules sur les aires de stationnement ; dans l’intérêt de la circulation ; accessoirement, il favorise aussi l’accès aux commerces des villes et permet de relancer parfois l’économie de la commune.

Le maire est seul compétent pour déterminer les rues soumises au stationnement payant. Il prend alors un arrêté relatif à la définition des zones de stationnement payant dans diverses voies de la commune. En revanche, le conseil municipal est seul compétent pour fixer le montant du tarif horaire des redevances de stationnement39(*) ; par délibération, il peut également prévoir la gratuité pour certains véhicules, tels ceux appartenant à des personnes en possession de la carte GIG-GIC40(*). Enfin, il peut instituer des abonnements, dont la légalité a pu également poser des difficultés.

2- Les abonnements en matière de stationnement payant

Le conseil municipal est donc compétent pour instituer des abonnements, des « forfaits résident », dont l’acquittement donne droit en général à l’occupation d’une place de stationnement sur tout ou partie des aires de stationnement payant de surface, sans avoir à acquitter les droits afférents, et le plus souvent pour une durée supérieure à celle admise pour les autres usagers de la voie publique. Cette technique, apparue dans les années 1970, s’est ensuite généralisée, mais pas sans poser quelques difficultés.

La difficulté posée par de tels abonnements tient à ce qu’ils semblent remettre en cause l’objectif premier du stationnement payant, à savoir l’accélération de la rotation des véhicules sur les emplacements de stationnement et l’amélioration de la circulation. Ils n’ont donc jusqu’à présent été jugés légaux par le Conseil d’Etat que dans les zones où les nécessités de la circulation sont minimes, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être institués dans les zones rouges41(*). De plus, les abonnés ne devraient pas pouvoir disposer d’une durée de stationnement de stationnement supérieure à celle des autres usagers.

Afin de respecter le principe d’égalité, ces abonnements doivent répondre à un besoin de la population se trouvant dans une situation différente de celle des autres usagers de la voie publique. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a pu reconnaitre la légalité d’abonnements institués dans la ville de Toulon car il existait une différence de situation entre les riverains notamment et les autres usagers de nature à justifier que des tarifs de stationnement réduits leur soient consentis42(*).

* 32 Il convient de ne pas confondre le stationnement des véhicules avec l’arrêt des véhicules. Aux termes du Code la route, l’arrêt désigne l’immobilisation momentanée d’un véhicule sur la route durant le temps nécessaire pour permettre la montée ou la descente des personnes, le chargement ou le déchargement du véhicule, le conducteur restant aux commandes de celui-ci ou à proximité pour pouvoir, le cas échéant, le déplacer. L’arrêt se rattache au droit d’accès aux propriétés riveraines de la voie publique, et à ce titre, son exercice ne peut être limité ou rendu payant. Au contraire, le stationnement consiste en l’immobilisation d’un véhicule sur la route hors des circonstances caractérisant l’arrêt. Il s’agit donc d’une immobilisation prolongée du véhicule, supérieure à celle nécessaire à la desserte des immeubles riverains de la rue ; le conducteur dans ce cas n’a pas l’obligation de rester à proximité de son véhicule pour être en mesure de le déplacer à tout moment.

* 33 Par stationnement irrégulier nous faisons allusion aux emplacements sur lesquels l’arrêt ou le stationnement des véhicules est considéré comme gênant pour la circulation publique : trottoirs, passages piétons, emplacements réservés aux véhicules de transport en commun.

* 34 Conseil d’Etat, 26 février 1969, Fédération nationale des clubs automobiles de France, Rec., p. 121.

* 35 Conseil d’Etat, 14 mars 1973, Almela, Rec., p. 213

* 36 Cour de Cassation, Crim., 27 novembre 1991, Bull. crim., n°442.

* 37 Conseil constitutionnel, 12 juillet 1979, DC 79-107, Ponts à péages, AJDA 1979, p .46.

* 38 Conseil d’Etat, 18 mai 1928, Laurens, Rec., p. 65.

* 39 Cour administrative d’appel de Douai, 10 février 2000, Villes d’Amiens.

* 40 Grand Invalide de Guerre (GIG) – Grand Invalide Civil (GIC)

* 41 Conseil d’Etat, 28 février 1996, Association Le Vésinet sans parcmètre, req. n°150682

* 42 Conseil d’Etat, 4 mai 1994, Ville de Toulon, rec., p.222.