II – LA GESTION DU PRODUIT AUDIOVISUEL

Il s’agit de la gestion des films cinématographiques (a) et celle des enregistrements sonores (b).

A – La gestion des films cinématographiques

L’activité cinématographique s’exerce au Cameroun dans le cadre de la loi n° 88/017 du 16 décembre 1988 fixant l’orientation de l’activité cinématographique et d’obtention des autorisations d’exercice de l’activité cinématographique. Ce décret prévoit en son article 18 « qu’aucune œuvre cinématographique, quels qu’en soient le genre et le format, ne peut être mise en circulation au Cameroun en vue de sa représentation en séance publique à des fins commerciales, éducatives ou culturelles, si elle n’a pas obtenu le visa délivré par le Ministre de la Culture après avis obligatoire de la commission nationale de contrôle des films cinématographiques. »

La commission est composée comme suit :
– Président : le Ministre de la Culture ou son représentant,
– Membres : deux représentants, dont un titulaire et un suppléant, des ministères et organismes ci-après : Culture, Justice, Administration Territoriale, Education Nationale, Jeunesse Et Sport, Sécurité Intérieure, trois représentants de l’Organisation professionnelle des exploitants de salles de cinéma.

La compétence de la commission nationale de contrôle des films cinématographiques et des enregistrements sonores, s’étend aux films cinématographiques, aux vidéogrammes, aux bandes sonores, aux affiches publicitaires.

Le dossier de demande de visa d’exploitation d’un film cinématographique est déposé au Ministère de la Culture contre récépissé. Le Ministre de la Culture convoque aussitôt la commission nationale de contrôle des films qui doit, dans un délai de dix (10) jours, suivant la date de dépôt du dossier, donner son avis.

L’accord ou le refus motivé du Ministère de la Culture est notifié dans les cinq (05) jours suivant la réunion de la commission nationale de contrôle des films. Dans tous les cas, la décision de l’administration doit intervenir dans les vingt et un (21) jours suivant la date de dépôt du dossier. Passé ce délai, le visa d’exploitant est réputé accordé.

L’avis que la commission émet doit être conforme aux intérêts nationaux en jeu, à la morale, à la conservation des mœurs et traditions, de l’influence possible sur la jeunesse.

Le visa ministériel qui s’ensuit est :
a) un visa pour tous les publics ;
b) un visa comportant interdiction d’importation et d’exportation ;
c) un visa comportant interdiction aux mineurs de moins de 13 ans ou de moins de 18 ans ;
d) un visa prononçant l’interdiction totale du film, de l’enregistrement sonore, du vidéogramme, des bandes sonores ou des affiches publicitaires.

Le visa ministériel vaut autorisation de représentation du film en séance publique à des fins commerciales, éducatives ou culturelles. Les films d’amateurs sont exclus de la condition de visas sous réserve qu’ils soient strictement utilisés au cours des séances familiales.

La production, la distribution pour l’exploitation de films cinématographiques non revêtus du visa ministériel donne lieu au paiement d’amendes civiles et peut être passible des sanctions administratives suivantes :
– fermeture de la salle de spectacles cinématographiques pour une durée de cinq (05) à quinze (15) jours ;
– confiscation des films incriminés ;
– retrait temporaire de l’autorisation de un (01) à trois (03) mois en cas d’exploitation ambulante ou de vidéocassettes par le Délégué provincial de la culture avec possibilité de cumul des deux premières sanctions.

La question qui se pose est que l’intervention des autorités locales de police, une fois le visa ministériel accordé n’est ni formellement prévue, ni expressément écartée par le décret. Dans ces conditions, les autorités locales sont-elles dessaisies ? La jurisprudence apporte une réponse sans difficultés.

L’institution d’un contrôle confié au pouvoir central n’exclut par l’exercice des pouvoirs de police de préfets et maires. Comme l’a rappelé M. Mayras dans ses conclusions dans l’arrêt de la société : « des films Lutecia » et syndicat français des producteurs et exportateurs de films, 18 décembre 1959 « l’exercice d’un pouvoir de police par l’autorité supérieure ne fait pas obstacle à l’intervention de l’autorité locale, […], lorsque les circonstances locales justifient qu’une mesure plus restrictive que celle qui vaut sur le plan national soit prise ». Appliqué d’abord au concours entre deux polices générales (CE, 18 avril 1902, Commune de Neris-les bains ; CE, 8 août 1913, Labonne), ce principe l’est également au concours d’une police spéciale et de la police générale du maire ou du préfet (CE, 22 mars 1935, Société Narbonne Rec. 379) pour la police des établissements dangereux, incommodes ou insalubres, etc. Le juge dit que si l’ordonnance du 3 juillet 1945 a notamment pour objet de permettre que soit interdite la projection de films contraires aux bonnes mœurs, […]. Cette disposition législative n’a pas retiré aux maires l’exercice, en ce qui concerne les représentations cinématographiques, des pouvoirs de polices qu’ils tiennent de l’article 97 de la loi communale ».

L’intervention du Ministre de la Culture n’exclut pas celle du maire (autorité inférieure), car si la police du cinéma est une police spéciale pour le Ministre de la culture, elle est une police générale pour le maire au niveau local. Le maire garde la faculté d’interdire la représentation d’un film muni d’un visa ministériel, dont la projection pourrait être préjudiciable au bon ordre ou à la tranquillité publique. Des troubles qui peuvent ainsi être causés doivent être appréciés compte tenu des circonstances particulières à al commune et de la nature des scènes du film incriminés et non de l’interprétation personnelle du maire. Le juge administratif souligne que le caractère immoral d’un film ne peut pas à lui seul et uniquement, justifier une décision d’interdiction de diffusion du film, encore faut-il que des circonstances locales particulières s’ajoutent à ce caractère pour que la mesure puisse devenir légale. Ce sera le cas si le film, du fait de son sujet, des scènes qu’il comporte, est susceptible de produire des troubles dans la population ( CE 18 déc. 1959, Sté des films Lutecia Lebon, P.693, CE 17 oct. 1960, Sté des films Marceau », Lebon P.533.

Mais il est important de saisir que le Maire ne peut alléger ou assoupir les mesures prises ; il a seulement le droit d’aggraver les prescriptions arrêtées. Cela signifie que si le Maire peut interdire la projection d’un film autorisé par le Ministre, il ne saurait laisser projeter un film n’ayant pas obtenu le visa national .

B – La gestion des enregistrements sonores
Le principe posé à l’article 4 du décret n°90/1462 du 09 novembre 1990 est celui de l’ autorisation préalable pour la production des enregistrements sonores. La loi n°90/10 du 10 août 1990 relative au droit d’auteur considère entre autres comme œuvre d’esprit couverte par le droit d’auteur et donc juridiquement protégée, les compositions musicales avec ou sans paroles (article 2, alinéa 4). Ce texte confie la protection et la gestion des droits d’auteur à l’organisme professionnel de droit d’auteur, à savoir la CMC (Cameroon Music Corporation). Mais aucune disposition de cette loi n’oblige l’organisme professionnel de droit d’auteur à soumettre les enregistrements sonores au visa ministériel.

Il n’est pas compétent pour exercer la police ou la censure des enregistrements sonores, elle se préoccupe seulement de protection et de la promotion de l’œuvre qui lui est soumise. Le résultat est que les compositions musicales sont saisies après coup, c’est-à dire que la censure est à posteriori et non à priori.
Aux termes de la loi, ces enregistrements doivent, avant leur diffusion être soumis au visa ministériel après avis de la commission nationale de contrôle des films et des enregistrements sonores ; ce visa doit être en conformité avec les intérêts nationaux, la morale, la conservation des moeurs.

La loi n°90 doit être modifiée pour exiger à l’organisme du droit d’auteur avant la diffusion d’une cassette, de la soumettre au visa ministériel.

En tout état de cause, une cassette blessant la morale et non revêtue du visa ministériel peut être confisquée par le Délégué provincial de la culture compétent. Des quotités du PMUC par les autorités fiscales, administratives, douanières. Et un transfert de la gestion du PMUC aux nationaux .