Le collectif des avocats stagiaires indignés entend saisir la justice si le Président de la
République ne répond pas favorablement à leur mémorandum

En signant, le 02 avril 2018, l’arrêté 020/DPJ/SG/MJ/ portant publication de la liste des admis à l’examen de fn de stage d’avocats,session 2018, Laurent Esso, Ministre d’Etat, en charge de la Justice, Garde des Sceaux ne savait pas qu’il créait par ce énième acte, depuis qu’il est à la tête du ministère de la justice, la condition sine qua non pour un casus belli grandeur nature dans les milieux judiciaires. Une crise autre secoue l’Ordre des avocats du Cameroun. Elle n’est peut être pas de grande ampleur, mais d’une ampleur telle qu’ellepeut perturber le vivre-ensemble au sein de ce « corps d’Elites ». Et le pays est quand même secoué depuis plusieurs semaines déjà par cette affaire. En effet, au terme de la décision ministérielle, 474 jeunes étaient ainsi admis au Grand tableau de l’Ordre des
avocats. Et plus de 867 autres furent disqualifés et admis à revenir la prochaine fois recomposer. Un taux d’échec de 66% selon «le collectif des avocats stagiaires indignés».Et justement, il n’y aura pas de
prochaine fois pour ces 867 avocats stagiaires qui ont en quelques jours et par un mécanisme que personne ne sait,crée ce qu’ils appellent justement «le collectif des avocats stagiaires indignés» pour défendre leurs droits qu’ils estiment violés lors du processus
d’organisation de ce dernier examen d’entrée à la profession d’Avocat

IRRÉGULARITÉS ET MANQUEMENTS
Pour ces « indignés », un catalogue « d’irrégularités et de manquements en plus de multiples violations de la Loi ont entâché l’organisation et le déroulement de cette session d’examen ». Première irrégularité selon eux. Le dimanche 18 février 2018, on signale la présence d’un candidat inconnu au bataillon des postulants, Moise Zé Messomo. Personne ne sait d’où il vient ni qui est son parrain ; on ignore totalement dans quelle étude il a fait son stage. Il est interpellé et déféré à la Police judiciaire.

Où est passé Zé Messomo Moise ? Au moins son nom ne fgure pas parmi ceux qui entrent au grand tableau. «Mais sa seule présence constitue un problème ». La deuxième irrégularité est, selon les
avocats stagiaires, l’épreuve de consultation juridique, qui n’est composée que du sujet 02 et il n’y a pas de sujet 01. Ce n’est pas normal et ça manque de sérieux. Troisième irrégularité. Depuis 1991 les
usages veulent que les résultats soient toujours publiés par ordre de mérite. Cette fois, ils
l’ont été par ordre alphabétique. Les raisons sont inconnues. Les organisateurs ne se justifent pas. Sans oublier que la durée du stage est aussi source d’incompréhension entre les parties.

ACTIONS COLLECTIVES
Le mémorandum adressé au Président de la République ce 09 avril 2018 est l’une des actions qu’ont engagées les jeunes candidats avocats. Il est signé par exactement 400 stagiaires recalés au dernier concours. Et c’est une missive de 4 pages qui récapitule ce qu’ils considèrent « comme des irrégularités ayant entâché l’ensemble du processus qui a organisé cet examen pour admission au grand tableau » qui s’est pourtant luimême tenu les 17 et 18 février 2018 pour 1361 candidats ayant terminé leur stage depuis 2014. Dépôt d’un recours gracieux auprès du Garde des sceaux après la publication des résultats, saisine du tribunal administratif aux fns d’annulation des résultats de cet examen, pour, entre autres, vice de forme, sont les actions entreprisent. Ils ajoutent : « Nous demandons la publication des corrigés types, vérifcation soit faite dans les Procès verbaux de cet examen, la publication des copies corrigées de l’ensemble des candidats. Nous pensons que c’est un droit fondamental. » Pour l’un des porte-paroles du collectif des avocats stagiaires indignés, le stage a duré 3 ans au lieu de 2 comme le prévoit
la réglementation en vigueur. Ce qui, selon lui, « peut encore déjà constituer un premier problème ». La prestation de serment ayant quand même eu lieu en janvier 2015.Insiste-t-il encore. « La voix judiciaire n’est pas exclue » si les indignés n’ont pas de suite à toutes ces démarches

JURIDICITÉS ET FONDEMENTS
Pour Maître Magloire Nlate, le porte-parole des « indignés », tout part de la Constitution de la République du Cameroun et surtout sur le Règlement Intérieur de l’Ordre des Avocat. Même si on observe que chaque partie campe sur ses positions. Et à travers son représentant dans la Région du Centre, Maître Sylvain Souop, joint au téléphone, l’ordre des Avocats dit « qu’il n’y a eu aucun problème dans le processus d’organisation de l’examen. Les résultats sont publiés. Les admis au grand tableau ont participé à la rentrée solennelle. » Il poursuit « qu’on n’entre pas dans la profession d’avocat par décret présidentiel ». Il faut quand même dire que cette affaire semble bien diviser l’Ordre des avocats, même si elle ne le touche pas dans ses fondements. « Il faut y voir claire tout au moins pour que chaque partie revienne à de meilleurs sentiments » propose un ancien membre du conseil de l’ordre. La Chancellerie reste muette. Du moins, le Garde des Sceaux n’a pas pris offciellement position sur cette affaire. Mais Laurent Esso, dans son adresse lors de la rentrée solennelle, s’est quand même posé la
question « si le Barreaau pourrait indéfniment absorber des promotions des 500 avocats auxquels s’ajouterait un nombre équivalent formés en dehors de nos frontières ?» et le Bâtonnier, pendant la même circonstance poursuit que « La profession d’Avocat a évolué, et la Loi de 1990 qui la régit se trouve dépassée à bien des égards. Les modalités d’accès à la profession ne permettent pas à l’Avocature de maintenir son statut de corps d’élite. C’est pourquoi, dans le projet de réforme qui vous
sera soumis, Il est envisagé de relever le niveau du diplôme permettant l’accès au stage,
de la licence à la maîtrise ; de même, il est envisagé de transformer l’examen d’aptitude au stage en concours, toujours en ce qui concerne l’accès à la profession, il est envisagé de soumettre tous les
avocats camerounais formés à l’étranger à un test d’évaluation de connaissances en droit camerounais ; enfn, il est envisagé de ne plus faire du Barreau, une maison de retraite. Relativement à la formation des Avocats, la nécessité de la création d’une Ecole de formation du Barreau devient urgente. L’actualité vient de le démontrer. » Ce discours sonne comme une réponse conjointe ministère de la Justice-Barreau du Cameroun à des « indignés » qui entendent actionner la voie judiciaire en attendant que Paul Biya réponde à leur mémorandum. Seulement, l’issue de cette procédure judiciaire envisagée est incertaine dans la mesure où le collectif des indignés, ne semble pas constituer une association dotée d’une personnalité juridique capable d’ester en justice, mais un collectif informel. Or au terme de l’article 33 de la Loi N° 2006/022 du 29/12/2006 fxant l’organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs, toute requête collective est irrecevable.

Nkonda Essama