LOI N° 2000/010 DU 19 DECEMBRE 2000 REGISSANT LES ARCHIVES

 

L’Assemblée Nationale a délibéré, le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

 

CHAPITRE I :

 

DISPOSITIONS GENERALES

 

Article 1er. – La présente loi régit les Archives au Cameroun. A ce titre, elle :

 

  • Fixe le cadre juridique des Archives ;
  • Etablit la distinction entre Archives Publiques et Archives Privées ;
  • Vise à encourager la constitution et la préservation de la mémoire collective que constituent les Archives.

 

Article 2. – (1). – Au sens de la présente loi et des textes réglementaires pris pour son application, les Archives sont l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale, et par tout service ou organisme public ou privé, dans l’exercice de leurs activités.

 

(2). – Les Archives sont publiques ou privées.

 

(3). – Les Archives publiques sont constituées par :

 

1°. Les documents qui procèdent de l’activité de l’Etat, des Collectivités Territoriales Décentralisées, des Etablissements Publics et des Entreprises du secteur public et parapublic ;

 

2°. Les documents qui procèdent de l’activité des organismes privés, chargés de la gestion des services publics ou d’une mission de service public ;

 

3°. Les minutes et répertoire des Officiers Publics ou Ministériels.

 

(4). – Les Archives privées sont l’ensemble des documents qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’alinéa (3) ci-dessus.

 

Article 3. – (1). – La conservation des Archives est organisée dans l’intérêt public, tant pour la documentation historique et la recherche, que pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées.

 

(2). – La valeur probante des Archives sur support électronique est régie par des textes particuliers.

Article 4. – (1). – Les fonctionnaires et agents chargés de la collecte, du traitement et de la conservation des Archives, sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne tout document ne pouvant être légalement mis à la disposition du public.

 

(2). – Ils prêtent serment devant le Tribunal d’Instance du ressort d’exercice de leurs fonctions.

 

(3). – La formule du serment est la suivante : « Je jure devant Dieu et les hommes d’œuvrer jalousement à la conservation des Archives, et de garder secret leur contenu, si aucun texte ne m’autorise à les communiquer ».

 

CHAPITRE II :

 

DU REGIME DES ARCHIVES PUBLIQUES

 

Article 5. – (1). – Les Archives publiques font partie du patrimoine culturel national.

 

(2). – Elles sont imprescriptibles, inaliénables et insaisissables.

 

Article 6. – Les Administrations Publiques sont tenues de créer en leur sein, des structures de gestion des Archives.

 

Article 7. – Les Archives publiques sont classées suivant les trois (03) catégories ci-après :

 

  • Les Archives courantes ;
  • Les Archives intermédiaires ;
  • Les Archives historiques.

 

Article 8. – Les Archives courantes sont constituées par les documents d’utilisation fréquente, pour l’activité des Administrations, des Services, Etablissements ou Organismes qui les ont produits ou reçus.

 

Article 9. – Les Archives intermédiaires sont constituées par les documents qui, n’étant plus considérés comme Archives courantes, ne peuvent encore faire, en raison de leur intérêt administratif ou de leur utilité épisodique, l’objet d’élimination.

 

Article 10. – Les Archives historiques ou définitives sont constituées par les documents qui, au terme d’une utilisation courante ou épisodique, sont conservés en raison de leur intérêt historique.

 

Article 11. – (1). – Aucun document d’Archives publiques ne peut être éliminé avant un délai de dix (10) ans à compter de la date de sa publication ou de sa réception.

 

(2). – A l’expiration du délai visé à l’alinéa (1) ci-dessus, les documents d’Archives publiques peuvent faire l’objet, suivant le cas, d’un tri pour séparer les documents à conserver de ceux dépourvus d’intérêt administratif ou historique, destinés à l’élimination.

 

(3). – La liste des documents destinés à l’élimination  ainsi que les conditions de leur élimination, sont fixées en accord entre l’Administration qui les a produits ou reçus, et l’Administration chargée des Archives.

 

(4). – Les documents d’Archives historiques sont de plein droit reversés à l’Organisme chargé des Archives Nationales, qui en assure la conservation.


 

(5). – Nonobstant les dispositions de l’alinéa (4) ci-dessus, la conservation des Archives produites ou reçues par certaines Administrations, peut être assurée par leurs services compétents, suivant les conditions et modalités déterminées par voie règlementaire.

 

Article 12. – Lorsqu’il est mis fin à l’existence d’une Administration, d’un Service, Etablissement ou Organisme détenteur d’Archives publiques, celles-ci doivent être, à défaut d’une affectation différente précisée par l’acte de suppression, versées à l’Organisme chargé des Archives Nationales.

 

Article 13. – Sauf disposition législative ou règlementaire contraire, l’accès aux documents d’Archives est libre.

 

Article 14. – Les délais au-delà desquels, certains documents d’Archives publiques peuvent être librement consultés, sont les suivants :

 

  • Cent vingt (120) ans, à compter de la date de naissance, pour les documents comportant des renseignements individuels de caractère médical ;
  • Cent dix (110) ans, à compter de la date de naissance, pour les dossiers personnels ;
  • Cent (100) ans, à compter de la date de l’acte ou de la clôture du dossier, pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, y compris les décisions de grâce, pour les minutes et répertoires des Notaires, ainsi que pour les registres de l’Etat Civil et de l’Enregistrement ;
  • Quatre-vingt (80) ans, à compter de la date de recensement ou de l’enquête, pour les documents contenant des renseignements individuels, ayant trait à la vie personnelle et familiale, et d’une manière générale, aux faits et comportements d’ordre privé collectés dans le cadre des enquêtes statistiques des Services Publics ;
  • Soixante (60) ans, à compter de la date de l’acte, pour les dossier qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ou qui intéressent la sûreté de l’Etat ou la défense nationale, et dont la liste est fixée par décret.

 

Article 15. – (1). – L’Administration chargée des Archives peut, après avis de l’Administration dont sont issues les Archives en cause, autoriser la consultation des documents d’Archives publiques, avant l’expiration des délais prévus à l’article 14 ci-dessus.

 

(2). – La consultation des documents d’Archives publiques visée à l’alinéa (1) ci-dessus, n’est assortie d’aucune restriction, sauf disposition expresse de l’acte portant autorisation.

 

CHAPITRE III :

 

DU REGIME DES ARCHIVES PRIVEES

 

Article 16. – (1). – Les Archives privées qui présentent un intérêt public, peuvent être classées comme Archives historiques, par arrêté du Ministre chargé des Archives.

 

(2). – Le classement peut donner lieu au paiement d’une indemnité représentative du préjudice pouvant résulter, pour le propriétaire, de la servitude de classement.

 

(3). – Le déclassement peut être prononcé dans les mêmes formes visées à l’alinéa (1) ci-dessus, soit à l’initiative de l’Administration chargée des Archives, soit à la demande du propriétaire.

 

Article 17. – Le classement de documents comme Archives historiques n’emporte pas transfert à l’Etat de la propriété des documents classés.

 

Article 18. – (1). – Les Archives classées comme Archives historiques sont imprescriptibles.

 

(2). – Tout propriétaire d’Archives classées qui précède à leur aliénation, est tenu de faire connaître l’existence du classement à l’acquéreur.

 

Article 19. – Toutes destruction d’Archives classées est interdite. Toutefois, lorsqu’il apparaît lors de l’inventaire initial d’un fonds d’Archives, que certains documents sont dépourvus d’intérêt historique, il peut être procédé à leur élimination suivant des conditions fixées en accord entre le propriétaire dudit fonds et l’Administration chargée des Archives.

 

Article 20. – Le propriétaire d’Archives classées qui projette de les aliéner ou de les exporter, est tenu de notifier son intention à l’Administration chargée des Archives.

 

Article 21. – (1). – Les Archives privées ne peuvent faire l’objet d’une vente de gré à gré.

 

(2). – L’Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées disposent d’un droit de préemption sur tout document d’Archives privées mis en vente publique.

 

(3). – L’Officier Public ou Ministériel chargé de procéder à la vente publique d’Archives privées, doit en informer l’Administration des Archives au moins six (06) mois à l’avance. La lettre d’information doit être assortie de toutes les indications utiles sur les documents concernés.

 

Article 22. – L’exportation des Archives privées présentant un intérêt public et qui n’ont pas fait l’objet d’un classement, est subordonnée, à l’autorisation du Ministre chargé des Archives.

 

CHAPITRE IV :

 

DES DISPOSITIONS COMMUNES AUX ARCHIVES PUBLIQUES ET PRIVEES

 

Article 23. – L’accès aux documents d’Archives s’effectue :

 

  • Par la consultation sur place ou à distance ;
  • Par la délivrance de copies, d’extraits et autres reproductions de documents, aux frais de la personne qui en fait la demande.

 

Article 24. – (1). – Les conditions dans lesquelles sont délivrées les expéditions et les extraits authentiques des Archives sont fixées par voie règlementaire.

 

(2). – Le montant des droits d’expédition, d’extraits authentiques, ou de toute autre reproduction des documents d’Archives publiques, est fixé par arrêté conjoint du Ministre chargé des Finances et du Ministre chargé des Archives.

 

Article 25. – (1). – Le refus opposé à une demande de communication de documents doit être motivé par l’Administration détentrice d’Archives publiques ou privées.

 

(2). – Le refus peut notamment être opposé, à une demande de communication ou de consultation si ladite communication ou consultation est de nature à porter atteinte, d’une manière générale, à un secret protégé par la loi.

 

Article 26. – (1). – La communication des documents d’Archives se fait sous réserve du droit d’auteur et des droits voisins.

 

(2). – Elle exclut, pour le bénéficiaire et les tiers, la reproduction, la diffusion ou l’utilisation à des fins commerciales des documents communiqués.

 

Article 27.–(1). – Les Archives sont intangibles.

 

(2). – Toutefois, en cas d’erreur, les documents contenant des renseignements relatifs à la vie personnelle et familiale peuvent être rectifiés par voie judiciaire.

 

CHAPITRE V :

DES DISPOSITIONS PENALES

Article 28. – Toute personne qui soustrait ou détourne des documents d’Archives auxquels elle a accès, en raison de ses fonctions, est punie des peines prévues à l’article 188 du Code Pénal.

 

Article 29. – Les peines visées à l’article 28 ci-dessus s’appliquent également à toute personne qui détruit, aliène ou exporte illicitement des documents d’Archives.

 

CHAPITRE VI :

 

DES DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

 

Article 30. – Les modalités du contrôle technique et scientifique de la gestion et de la conservation des Archives, sont fixées par voie règlementaire.

 

Article 31. – La reconstitution du patrimoine archivistique national, à travers notamment le reversement à l’Organisme chargée des Archives Nationales de certains fonds d’Archives constitués, avant la promulgation de la présente loi, fera l’objet d’un texte particulier.

 

Article 32. – Les modalités d’application de la présente loi sont fixées, en tant que de besoin, par voie règlementaire.

 

Article 33. – La présente loi qui abroge toutes les dispositions antérieures contraires, sera enregistrée, publiée suivant la procédure d’urgence, puis insérée au Journal Officiel en français et en anglais./-

 

Yaoundé, le 19 Décembre 2000

Le Président de la République,

(é) Paul BIYA