Ordonnance n° 74-1 du 6 juillet 1974 Fixant le régime foncier.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE.
Vu la Constitution du 2 juin 1972 ;
Vu la loi n°73-3 du juillet 1973 autorisant le Président de la République à fixer par ordonnance le régime foncier et domanial, Ordonne :
TITRE PREMIER DISPOSITIONS GENERALES
Article premier. L’Etat garantit à toutes les personnes physiques ou morales possédant des terrains en propriétés, le droit d’en jouir et d’en disposer librement. L’Etat est le gardien de toutes les terres. Il peut, à ce titre, intervenir en vue d’en assurer un usage rationnel ou pour tenir compte des impératifs de la défense ou des options économiques de la nation. Les conditions de cette intervention seront fixées par décret.
TITRE II DE LA PROPRIETE PRIVEE
Art. 2. Font l’objet du droit de propriété privée, les terres énumérées ci-après : a- les terres immatriculées ; b- les freehold lands ; c- les terres acquises sous le régime de la transcription ; d- les concessions domaniales définitives ; e- les terres consignées au « Grundbuch ».

Art. 3. Dès l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, les titulaires des droits découlant des actes énumérés en b, c, d et e du précédent article doivent les déposer au service provincial ou départemental des domaines en vue de leur publication dans les livres fonciers. A défaut de cette publication, aucun acte constitutif, modificatif ou translatif de droit réel sur les immeubles en cause ne peut être transcrit ni opposé aux tiers.

Art.4. (Ordonnance 77-1) du 10 janvier 1977). Les titulaires de livrets fonciers ou de «certificates of occupancy » sur des terrains en milieu urbain sont tenus sous peine de déchéance, de les faire transformer en titres fonciers dans un délai de six ans à compter du 5 août 1974 ; date de publication de l’ordonnance N° 1 du 6 juillet 1974 ; ledit délai est porté à 15 ans pour les terrains en milieu rural. Toutefois, la transformation des « certificates of occupancy » délivrés aux personnes physiques de nationalité étrangère et aux personnes morales ne pourra être opérée qu’après examen cas par cas.

Art.5. (Ordonnance 77-1 du 10 janvier 1977). Les titulaires de jugements définitifs constitutifs ou translatifs des droits sur terrains en milieu urbain doivent également sous peine de déchéance, en saisir le service des domaines compétent dans un délai de dix ans à compter du 15 août 1974, date de publication de l’ordonnance n°1 du 6 juillet 1974, en vue d’obtenir leur transformation en titres fonciers ; ledit délai est porté à 15 ans pour les terrains en milieu rural. Toutefois, lorsque ces jugements portent sur des immeubles habités par des occupants de bonne foi, ceux-ci jouissent en cas de vente desdits immeubles d’un droit de préférence qui n’exerce dans le cadre de l’aménagement de la zone concernée. Tous les litiges fonciers pendants devant les juridictions et introduits en dehors de la procédure de l’immatriculation sont de la compétence des commissions prévues à l’article 16 ci-dessous. Les dossiers y relatifs sont transférés à ces commissions dès l’entrée en vigueur de la présente ordonnance.

Art.6. Les procédures d’obtention de titre foncier ou de « certificate of occupancy » en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance seront poursuivies jusqu’à leur terme, conformément à la réglementation en vigueur. Les « certificates of occupancy » délivrés en application du présent article seront transformés en titres fonciers dans les conditions fixées à l’article 4 ci-dessus.

Art.7. Les conditions d’obtention du titre foncier ainsi que les règles relatives à son annulation sont fixées par décret. La constitution des privilèges et hypothèques, le régime des inscriptions des prénotations et de la saisie immobilière sont fixées par la loi.

Art.8. Les actes constitutifs, translatifs ou extinctifs de droits réels immobiliers doivent à peine de nullité, être établis en la forme notariée. Sont également nulles de plein droit les cessions et locations de terrains urbains ou ruraux non immatriculés au nom du vendeur ou du bailleur. En outre, les vendeurs, les bailleurs ainsi que les notaires et greffiers-notaires auteurs desdites actes sont passibles d’une amende de 25.000 à 100.000 francs et d’un emprisonnement de 15 jours à 3 ans ou d’une de ces deux peines seulement. 3 Sont passibles de mêmes peines :

1. Ceux qui vendent ou louent un même terrain à plus d’une personne ;

2. Ceux qui, n’ayant pas qualité, procèdent à des ventes ou location d’immeuble appartenant à autrui ;

3. Les notaires ou greffiers-notaires qui prêtent leur concours aux personnes visées ci-dessus ou qui passent des actes sur les immeubles situés en dehors du ressort territorial de leur étude ;

4. Ceux qui font immatriculer un immeuble en omettant sciemment de faire inscrire des hypothèques, droit réels ou charges dont ledit immeuble est grevé ;

5. Ceux qui, sans autorisation de la personne qualifiée, exploitent ou se maintiennent sur un terrain dont ils ne sont pas propriétaires. Dans ce cas, la juridiction ordonne le déguerpissement de l’occupant à ses propres frais.

 

Art.9. Sous réserve des lois et règlements relatifs à l’urbanisme, à l’hygiène et à la police, les propriétaires peuvent exploiter sur leurs terrains, les carrières telles qu’elles sont définies par la réglementation minière.

Art.10. (Loi N° 80-21 du 14 juillet 1980)

1) Les personnes physiques ou morales de nationalité étrangère désirant investir au Cameroun ainsi que les missions diplomatiques ou consulaires et les organisations internationales peuvent conclure des baux ou acquérir des propriétés immobilières, sauf dans les zones frontalières. Les actes établis à cet effet doivent, à peine de nullité, être revêtus : – du visa du ministre chargé des domaines en ce qui concerne les particuliers ; – du visa du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé des domaines en ce qui concerne les missions diplomatiques et consulaires et les organisations internationales.

2) Toutefois, l’acquisition des propriétés immobilières par les missions diplomatiques et consulaires accréditées au Cameroun ne peut être autorisée que sous condition de réciprocité. La superficie totale cessible ne peut dépasser 10.000 m2 pour chaque mission, sauf dérogation spéciale accordée par le gouvernement.

3) En cas de revente, l’Etat jouit d’un droit de préemption sur le rachat de l’immeuble compte tenu du prix initial, de la mise en valeur réalisée et de l’amortissement. Les actes établis à cet effet doivent, à peine de nullité, être soumis au visa préalable du ministre chargé des domaines.

4) Les acquisitions visées ci-dessus n’entrainent pas l’aliénation des ressources du sous-sol.

Art.11. Dans le cadre des opérations d’aménagement ou de rénovation des centres urbains, il pourra être procédé au remembrement du parcellaire existant. La procédure du remembrement sera fixée par décret.

Art.12. Pour la réalisation des objectifs d’intérêt général, l’Etat peut recourir à la procédure d’expropriation. Cette procédure est engagée soit directement lorsqu’elle vise à réaliser des opérations d’intérêt public, économique ou social, soit indirectement à la demande des communes, des établissements publics ou des concessionnaires de service public, lorsque les tentatives de règlement à l’amiable entre ces organismes et les propriétaires se sont révélées infructueuses. La procédure d’expropriation et les modalités d’indemnisation sont fixées par un texte particulier.

Art.13. Les organismes bénéficiaires de l’expropriation sont tenus d’indemniser les victimes sur leur budget. Il n’est dû aucune indemnité pour destruction vétustes ou menaçant ruines ou de celles réalisées en infraction aux règles d’urbanisme. Sont éteintes en matière immobilière, toutes actions intentées contre l’Etat en vue de la réparation des dommages causés aux collectivités ou aux individus par application de la législation antérieure au 1er janvier 1960. Ne donnent lieu à aucune révision les indemnités d’expropriation ou de déguerpissement allouées antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance.

TITRE lll DU DOMAINE NATIONAL

Art.14. Constituent de plein droit le domaine national, les terres qui, à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, ne sont classées dans le domaine public ou privé de l’Etat ou des autres personnes morales de droit public. Ne sont pas incluses dans le domaine national les terres faisant l’objet d’un droit de propriété telle que définie à l’article 2 ci-dessus. En cas de déchéance prévue aux articles 4 et 5 de la présence ordonnance ou de non aboutissement de la procédure visée à l’article 6 les terrains sont d’office incorporés au domaine national.

Art 15. Les dépendances du domaine national sont classées en deux catégories : 1. Les terrains d’habitation, les terres de culture, de plantation, de pâturage et de parcours dont l’occupation se traduit par une emprise évidente de l’homme sur la terre et une mise en valeur probante. 2. Les terres libres de toute occupation effective.

Art 16. Le domaine national est administré par l’Etat en vue d’en assurer une utilisation et une mise en valeurs rationnelles. A cet effet, sont crées des commissions consultatives présidées par les autorités administratives et comprenant obligatoirement les représentants des autorités traditionnelles.

Art.17. Les dépendances du domaine national sont attribuées par voie de concession, bail ou affection dans des conditions déterminées par décret. Toutefois, les collectivités coutumières, leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise qui, à la date d’entrée en vigueur de la présence ordonnance, occupent ou exploitent paisiblement des dépendances de la première catégorie prévue à l’article 15, continueront à les occuper ou à les exploiter. Ils pourront, sur leur demande y obtenir des titres de propriété conformément aux dispositions du décret prévues à l’article 7. Dans le respect de la réglementation en vigueur, un droit de chasse et de cueillette leur est également reconnu sur les dépendances de deuxième catégorie prévue à l’article 15, tant que l’Etat n’aura pas donné à ces terres une affection précise.

Art. 18. (Ordonnance77-1 du 10 janvier 1977) En vue de la réalisation des opérations d’intérêt public, économique ou social, l’Etat peut classer au domaine public ou incorporer dans son domaine privé ou dans celui des autres personnes morales de droit public, des portions du domaine national.

TITRE IV DE LA FISCALITE FONCIERE

Art. 19. Les opérations foncières donnant lieu à perception de droit sont les suivantes : – Etablissement du titre foncier ; – Inscriptions diverses dans le livre foncier ; – Délivrance de relevé des inscriptions du livre foncier ou de divers certificats à la demande des personnes morales ; – Travaux topographiques, topométriques ou cadastraux. Les tarifs de ces droits sont fixés, le cas échéant, par la loi de finances.

Art. 20. La perception des recettes visées à l’article précédent est effectuée par les receveurs des domaines sur ordre de versement établi par les services compétents des domaines et du cadastre.


Art. 21. Les agents habilités à constater les infractions à la présente ordonnance sont désignés par le ministre chargé des domaines. Art. 22. La présente ordonnance qui abroge les dispositions contraires en la matière ainsi que le décret – loi du 9 janvier 1963 et la « Land and Native Rights Ordinance » du 1er janvier 1948 sera enregistrée, publiée au journal officiel en français et en anglais et exécutée comme loi de la République unie du Cameroun.

Yaoundé, le 6 juillet 1974.
(é) EL HADJ AHMADOU AHIDJO.