C.E., 18 décembre 1959, Société « les films Lutetia »
(Rec., p. 693)
(Section – Req. nos 36.385 et 36.428. – MM. Juvigny, rapp. ; Mayras, c. du g. ; MMes Vidart, de Ségogne et Célice, av.)
1° Requête de la Société à responsabilité limité Les films Lutetia , agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice ;
2° Requête du Syndicat français des producteurs et exportateurs de films, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, tendant à l’annulation d’un jugement, en date du 11 juillet 1955, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la Société Les films Lutetia , tendant à l’annulation, pour excès de pouvoir, de l’arrêté en date du 3 décembre 1954 par lequel le maire de Nice a interdit la projection du film « Le feu dans la peau », ensemble annuler l’arrêté municipal susmentionné ;
Vu la loi du 5 avril 1884 ; l’ordonnance du 3 juillet 1945 et le décret du 3 juillet 1945 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
*1* Considérant que les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête du Syndicat français des producteurs et exportateurs de films :
*2* Cons. qu’en vertu de l’article 1er de l’ordonnance du 3 juillet 1945, la représentation d’un film cinématographique est subordonnée à l’obtention d’un visa délivré par le ministre chargé de l’information ; qu’aux termes de l’article 6 du décret du 3 juillet 1945, portant règlement d’administration publique pour l’application de cette ordonnance, le visa d’exploitation vaut autorisation de représenter le film sur tout le territoire pour lequel il est délivré ;
*3* Cons. que, si l’ordonnance du 3 juillet 1945, en maintenant le contrôle préventif institué par des textes antérieurs, a, notamment, pour objet de permettre que soit interdite la projection des films contraires aux bonnes moeurs ou de nature à avoir une influence pernicieuse sur la moralité publique, cette disposition législative n’a pas retiré aux maires l’exercice, en ce qui concerne les représentations cinématographiques, des pouvoirs de police qu’ils tiennent de l’article 97 de la loi municipale du 5 avril 1884 ; qu’un maire, responsable du maintien de l’ordre dans sa commune, peut donc interdire sur le territoire de celle-ci, la représentation d’un film auquel le visa ministériel d’exploitation a été accordé, mais dont la projection est susceptible d’entrainer des troubles sérieux ou d’être, à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à l’ordre public ;
*4* Cons. qu’aucune disposition législative n’oblige le maire à motiver un arrêté pris par lui en vertu de l’article 97 susmentionné de la loi du 5 avril 1884 ;
*5* Cons. que l’arrêté attaqué, par lequel le maire de Nice a interdit la projection du film  » Le feu dans la peau « ../Entwurf/, constitue une décision individuelle ; que, dès lors, le moyen tiré par les requérants de ce que le maire aurait excédé ses pouvoirs en prenant, en l’espèce, un arrêté de caractère réglementaire est, en tout état de cause, inopérant ;
*6* Cons. que le caractère immoral du film susmentionné n’est pas contesté ; qu’il résulte de l’instruction que les circonstances locales invoquées par le maire de Nice, étaient de nature à justifier légalement l’interdiction de la projection dudit film sur le territoire de la commune ;
*7* Cons., enfin, que le détournement de pouvoir allégué ne ressort pas des pièces du dossier ;
*8 * Cons. qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté la demande de la Société  » Les films Lutetia  » tendant à l’annulation de l’arrêté contesté du maire de Nice ; … (Rejet).