Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation

L’Assemblée nationale a délibéré et adopté,.

Le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

TITRE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article premier : La présente loi d’orientation de la décentralisation fixe les règles générales applicables en matière de décentralisation territoriale.

Article 2 :

(1) La décentralisation consiste en un transfert par l’Etat, aux collectivités territoriales décentralisées, ci-après désignées « les collectivités territoriales », de compétences particulières et de moyens appropriés.

(2) La décentralisation constitue l’axe fondamental de promotion du développement, de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local.

Article 3 :

(1) Les collectivités territoriales de la République sont les régions et les communes.

(2) Elles exercent leurs activités dans le respect de l’unité nationale, de l’intégrité du territoire et de la primauté de l’Etat.

(3) Tout autre type de collectivité territoriale dé­centralisée est créé par la loi.

Article 4 :

(1) Les collectivités territoriales sont des personnes morales de droit public. Elles jouissent de l’autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux. A ce titre, les conseils des collectivités territoriales ont pour mission de promouvoir le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif de ces collectivités.

(2) Les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus, dans les conditions fixées par la loi.

(3) Elles disposent d’exécutifs élus au sein des conseils visés à l’alinéa (2), sous réserve de dérogation fixée par la loi.

(4) La région et la commune règlent, par délibérations, les affaires de leur compétence.

Article 5 : Les collectivités territoriales peuvent, dans le cadre des missions définies à l’article 4 (1) ci-dessus, exécuter des projets en partenariat entre elles, avec l’Etat, les établissements publics, les entreprises du secteur public .et para-public, les organisations non gouvernementales, des partenaires de la société civile ou des partenaires extérieurs dans les conditions et modalités fixées par leurs règles spécifiques.

Article 6 : Le président de la République peut, en tant que de besoin :

a) modifier les dénominations et les délimitations géographiques des régions ;

b) créer d’autres régions. Dans ce cas, il leur attribue une dénomination et fixe leurs délimitations géographiques.

Article 7 : Tout transfert de compétence à une collectivité territoriale s’accompagne du transfert, par l’Etat à celle-ci, des ressources et moyens nécessaires à l’exercice normal de la compétence transférée.

Article 8 : Le transfert de compétences prévu par la présente loi ne peut autoriser une collectivité territoriale à établir ou à exercer une tutelle sur une autre.

Article 9 :

(1) Le transfert et la répartition des compétences entre les collectivités territoriales s’effectuent en distinguant celles qui sont dévolues aux régions, et celles dévolues aux communes.

(2) Le transfert et la répartition des compétences prévus à l’alinéa 1 ci-dessus obéissent aux principes de subsidiarité, de progressivité et de complémentarité.

Article 10 :

(1) L’Etat assure la tutelle sur les collectivités territoriales.

(2) L’Etat veille au développement harmonieux de toutes les collectivités sur la base de la solidarité nationale, des potentialités régionales et communales et de l’équilibre inter-régional et intercommunal. ‘

Article 11 : La responsabilité de la région ou de la commune est dégagée lorsque le représentant de l’Etat s’est substitué au chef de l’exécutif régional ou communal dans les conditions fixées par la loi.

Article 12 : Les collectivités territoriales peuvent créer divers regroupements ou adhérer dans le cadre .de leurs missions conformément à la législation applicable à chaque cas.

Article 13 :

(1) Toute personne physique ou morale peut formuler, à l’intention de l’exécutif régional ou communal, toutes propositions tendant à impulser le développement de la collectivité territoriale concernée et/ou à améliorer son fonctionnement.

(2) Tout habitant ou contribuable d’une collectivité territoriale peut, à ses frais, demander communication ou prendre copie totale ou partielle des procès-verbaux du conseil régional ou du conseil municipal, des budgets, comptes ou arrêtés revêtant un caractère réglementaire, suivant des modalités fixées par voie réglementaire.

Article 14 :

(1) Aucune collectivité territoriale ne peut délibérer ni en dehors de ses réunions légales, ni sur un objet étranger à ses compétences ou portant atteinte à la sécurité de l’Etat, à l’ordre public, à l’unité nationale ou à l’intégrité du territoire.

(2) En cas de violation par une collectivité territoriale des dispositions de l’alinéa (1), la nullité absolue de la délibération ou de l’acte incriminé est constatée par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales, sans préjudice de toutes sanctions prévues par la législation et la réglementation en vigueur.

(3) Le représentant de l’Etat peut, le cas échéant, prendre toutes mesures conservatoires appropriées.

TITRE II
DU PRINCIPE DU TRANSFERT DES COMPÉTENCES

CHAPITRE I
DE LA DEFINITION DU TRANSFERT DES- COMPETENCES

Article 15 :

(1) L’Etat transfère aux collectivités territoriales, dans les conditions fixées par la loi, des compétences dans les matières nécessaires à leur développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif.

(2) Les compétences transférées aux collectivités territoriales par l’Etat ne sont pas .exclusives.. Elles sont exercées de manière concurrente par l’Etat et celles-ci, dans les conditions et modali­tés prévues par la loi.

Article 16 :

(1) Les collectivités territoriales peuvent librement entretenir entre elles des relations fonctionnelles et de coopération, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur. A ce titre, les collectivités territoriales peuvent se regrouper pour l’exercice de compétences d’intérêt commun, en créant des organismes publics de coopération par voie. Conventionnelle.

(2) Lorsqu’un regroupement de collectivités territoriales exerce des compétences. dans un domaine faisant l’objet d’un transfert de compétences, ce transfert s’opère au profit du regroupement concerné, sur décision de chacun des organes délibérants des collectivités territoriales intéressées. Dans ce cas, les collectivités territoriales concernées établissent entre elles des conventions par lesquelles l’une s’engage à mettre à la disposition de l’autre ses services ou ses moyens afin de faciliter l’exercice de ses compétences par la collectivité territoriale bénéficiaire.

Article 17 :

(1) Les collectivités territoriales exercent leurs compétences propres dans le respect des sujétions imposées par la défense nationale.

(2) Le transfert de compétences prévu par la présente loi n’empêche pas les autorités de l’Etat de prendre, à l’égard des collectivités territoriales, de leurs établissements ou entreprises publics ou de leurs regroupements, les mesures nécessaires à l’exercice des attributions desdites autorités en matière de sécurité, de défense civile ou militaire, conformément aux lois et règlements en vigueur.

Article 18 : Les collectivités territoriales peuvent, en tant que de besoin, s’associer sous forme contractuelle pour la réalisation d’objectifs ou de projets d’utilité publique :

– avec l’Etat ;

– avec une ou plusieurs personnes(s) morale(s) de droit public créée(s) sous l’autorité ou moyennant la participation de l’Etat ;

– avec une ou plusieurs organisation(s) de la société civile.

CHAPITRE II
DES MOYENS HUMAINS ET MATERIELS INHERENTS AU TRANSFERT DE COMPETENCES

Article 19 :

(1) Les collectivités territoriales recrutent et gèrent librement le personnel nécessaire à l’accomplissement de leurs missions, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur.

(2) Le statut du personnel visé à l’alinéa 1 ci-dessus est fixé par un décret du Président de la République.

(3) Toutefois, des fonctionnaires et autres agents de l’Etat peuvent être affectés ou détachés auprès des collectivités territoriales, sur demande de celles-ci, par le ministre compétent. Dans ce cas, la demande est adressée au ministre concerné, sous le couvert du représentant de l’Etat qui émet son avis.

Les fonctionnaires et agents ainsi mis à la disposition des collectivités territoriales demeurent régis par le statut général de la Fonction publique de l’Etat ou le code du travail, suivant le cas.

(4) Un texte réglementaire fixe les modalités d’application de l’alinéa (3).

Article 20 : Le transfert d’une compétence entraîne, de plein droit, la mise à la disposition de la collectivité territoriale bénéficiaire de l’ensemble des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence Cette mise à disposition est constatée par un décret présidentiel de dévolution, au vu d’un procès-verbal établi contradictoirement entre les représentants de l’Etat et les autorités exécutives des collectivités territoriales.

Article 21 : Les fonctionnaires ou agents des services déconcentrés de l’Etat, qui ont apporté directement et personnellement leur concours à une collectivité territoriale pour la réalisation d’une opération, ne peuvent participer, sous quelque. forme que ce soit, à l’exercice du contrôle des actes afférents à cette opération.

CHAPITRE III
DES IMPLICATIONS FINANCIERES DU TRANSFERT DES COMPETENCES

Article 22 : Les ressources nécessaires à l’exercice par les collectivités territoriales de leurs compétences leur sont dévolues soit par transfert de fiscalité, soit par dotations, soit par les deux (2) à la fois.

Article 23 :

(1) Il est institué une dotation générale de la décentralisation destinée au financement partiel de la décentralisation.

(2) La loi de finances fixe chaque année sur proposition du gouvernement, la fraction des recettes de l’Etat affectée à la dotation générale de la décentralisation visée à l’alinéa (1) ci-dessus.

Article 24 :

(1) Les charges correspondant à l’exercice des compétences transférées font l’objet d’une évaluation préalable au transfert desdites compétences.

(2) Toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales en raison de la modification par l’Etat, par voie réglementaire, des règles relatives à l’exercice des compétences transférées doit-être compensées par versement approprié à la dotation générale de la décentralisation prévue à l’article 23 ou par d’autres ressources fiscales, suivant des modalités définies par la loi.

(3) L’acte réglementaire visé à l’alinéa (2) doit en faire mention. Dans les cas où l’insuffisance des ressources financières des collectivités territoriales risque de compromettre la réalisation ou l’exécution des missions de service public, l’Etat peut intervenir par l’octroi de dotations spéciales aux collectivités territoriales concernées.

Article 25 :

(1) Les charges financières résultant, pour chaque région ou commune, des transferts de compétences, font l’objet d’une attribution par l’Etat de ressources d’un montant au moins équivalent aux dites charges.

(2) Les ressources attribuées sont au moins équivalentes ‘aux dépenses effectuées par l’Etat, pendant l’exercice budgétaire précédant, immédiatement la date du transfert de compétences.

Article 26 : Les autorités déconcentrées de l’Etat, dont les moyens matériels et humains placés sous l’autorité du représentant de l’Etat sont mis entant que de besoin à la disposition des collectivités territoriales pour exercer leurs nouvelles compétences, reçoivent une part des ressources visées à l’article 25 (2).

Article 27 : A chaque étape du transfert de compétences, le montant des dépenses résultant des accroissements et diminutions de charges est constaté pour les collectivités territoriales et pour l’Etat par arrêté conjoint des ministres chargés des Collectivités territoriales et des Finances.

Article 28 : Le juge des Comptes juge l’ensemble des comptes des. comptables publics des collectivités territoriales, ainsi que les comptes des personnes qu’il a déclarées comptables de fait.

TITRE III
DE L’ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

CHAPITRE I
DE L’ORGANISATION

Article 9 :

(1) Les collectivités territoriales disposent d’un organe délibérant élu.

(2) L’organe délibérant visé à l’alinéa (1) élit en son sein un exécutif.

(3) Le régime de J’élection des membres de l’organe délibérant et des autorités de l’exécutif .est fixé par la loi.

Article 30 : Les collectivités territoriales disposent de budgets, ressources, patrimoine. domaines public et privé ainsi que d’un personnel propres.

Article 31 : Les collectivités territoriales disposent de services propres et bénéficient, en tant que de besoin, du concours des services déconcentrés de l’Etat.

Article 32 : Les domaines public et privé d’une collectivité territoriale se composent de biens meubles et immeubles acquis à titre onéreux ou gratuit.

Article 33 : Les services publics locaux des collectivités territoriales peuvent être exploités en

. régie, par voie de concession ou d’affermage.

Article 34 : Les collectivités territoriales peuvent créer des établissements ou entreprises publics locaux, conformément à la législation en vigueur applicable aux établissements publics, aux entreprises ou aux sociétés à participation publique et aux personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique.

Article 35 :

(1) Les collectivités territoriales peuvent, par délibération de leur conseil, soit acquérir des actions ou obligations des sociétés chargées d’exploiter des services locaux, soit recevoir à titre de redevance des actions d’apports ou parts des fondateurs émises par lesdites sociétés, suite à l’approbation préalable de l’autorité de tutelle, suivant la participation maximale fixée à l’article 65.

(2) Dans ce. cas, les statuts des sociétés visées à l’alinéa (1) doivent stipuler en faveur de la col­lectivité territoriale concernée:

a) lorsqu’elle est actionnaire, l’attribution statutaire en dehors de l’assemblée générale d’un ou de plusieurs représentant(s) au conseil d’administration ;

b) lorsqu’elle est obligataire, le droit de faire défendre ses intérêts auprès de la société par un délégué spécial.

(3) Les modifications aux statuts d’une telle société sont soumises à l’approbation préalable du représentant de l’Etat, lorsqu’elles intéressent ces collectivités territoriales.

CHAPITRE II
DU FONCTIONNEMENT DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

SECTION I
DES BIENS DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Article 36 : Le conseil de la collectivité territoriale délibère sur la gestion des biens et sur les opérations immobilières effectuées par la collectivité territoriale concernée.

Article 37 : Les baux, les accords amiables et conventions quelconques ayant pour objet la prise en location ainsi que les acquisitions d’immeubles ou de droits immobiliers sont conclus suivant des modèles types rendus exécutoires par voie réglementaire.

Article 38 : Le prix des acquisitions immobilières effectuées par les collectivités territoriales est payé suivant les modalités fixées par la réglementation en vigueur pour les opérations analogues effectuées par l’Etat.

Article 39 :

(1) La vente des biens appartenant aux collectivités territoriales est assujettie aux mêmes règles que celles des biens appartenant à l’Etat.

(2) Le produit de ladite vente est perçu par le receveur de la collectivité territoriale.

Article 40 :

(1) Les collectivités territoriales peuvent être propriétaires de rentes sur l’Etat, notamment par l’achat de titres, l’emploi de capitaux provenant de remboursements faits par des particuliers, d’aliénation, des soultes d’échanges, de dons et legs.

(2) Le placement en rentes sur l’Etat s’opère en vertu d’une délibération du conseil de la collectivité territoriale concernée.

(3) Les capitaux disponibles détenus par le receveur de la collectivité territoriale concernée

Article 41 : Les membres de l’exécutif ainsi que le receveur de la collectivité territoriale ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, par eux-mêmes ou par personne interposée, se rendre soumissionnaires ou adjudicataires, sous peine d’annulation par le représentant de l’Etat.

Article 42 : Les contrats de droit privé des collectivités territoriales sont passés conformément au droit commun.

SECTION III
DES DONS ET LEGS AUX COLLECTIVITES TERRITORIALES

Article 43 :

(1) Les délibérations du conseil de la collectivité territoriale ayant pour l’objet d’acceptation des dons et legs, lorsqu’il y’a des charges ou conditions, ne sont exécutoires qu’après avis conforme du ministre chargé des Collectivités territoriales.

(2) S’il y a réclamation des prétendants à la succession, .quelles que soient la quotité et la nature de la donation ou du legs, l’autorisation d’acceptation ne peut être accordée que par arrêté du ministre visé à l’alinéa (1).

Article 44 :

(1) L’exécutif communal ou régional peut, à titre conservatoire, accepter les dons ou legs et former avant l’autorisation, toute demande en délivrance.

(2) L’arrêté prévu à l’article 43 (2) ou la délibération du conseil qui interviennent ultérieurement, ont effet à compter du jour de cette acceptation.

(3) L’acceptation doit être faite sans retard et autant que possible dans l’acte même qui constitue la donation. Dans le cas contraire, elle a lieu par un acte séparé, également authentique, et doit être notifiée au donateur, conformément aux dispositions de la législation en vigueur fixant les obligations civiles et commerciales. .

Article 45 :

(1) Les collectivités territoriales ou les regroupements de collectivités territoriales acceptent librement Ies dons ou legs qui leur sont faits sans charge, condition, ni affectation immobilière.

(2) Dans tous les cas où les dons et legs donnent lieu à des réclamations des familles, l’autorisation de les accepter est donnée par arrêté, conformément aux dispositions: de l’article 43 (2).

(3) Lorsque le produit de la libéralité ne permet plus d’assurer des charges, un arrêté du ministre chargé des Collectivités territoriales peut autoriser la Collectivité territoriale concernée à affecter ce produit à un autre objet conforme aux intentions du donateur ou du testateur. A défaut, les héritiers peuvent revendiquer la restitution de la libéralité. En aucun cas, les membres de l’exécutif de la Collectivité territoriale ne peuvent se porter acquéreurs de la libéralité.

SECTION IV
DES BIENS ET DROITS INDIVIS ENTRE PLUSIEURS COLLECTIVITES TERRITORIALES

Article 46 :

(1) Lorsque plusieurs Collectivités territoriales possèdent des biens ou des droits indivis, un arrêté du Ministre chargé des Collectivités territoriales crée une commission composée de délégués des conseils des Collectivités territoriales intéressées.

(2) Chacun des conseils élit en son sein: au scrutin secret, le nombre de délégués fixé par l’arrêté de création visé à l’alinéa (1)

(3) Les délibérations sont soumises à toutes les règles établies pour les délibérations des conseils des Collectivités territoriales

Article 47 :

(1) Les attributions de la commission et de son président comprennent l’administration des biens et droits indivis et l’exécution des travaux qui s’y attachent. Ces attributions sont les mêmes que celles des conseils des collectivités territoriales et de leurs organes exécutifs en pareille matière.

(2) Nonobstant les dispositions de l’alinéa (1), les ventes, échanges partages, acquisitions ou transactions demeurent réservés aux conseils qui peuvent autoriser le président de la commission à passer les actes qui y sont relatifs.

SECTION V
DES TRAVAUX DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Article 48 : Toute construction nouvelle ou reconstruction pour le compte de la collectivité territoriale ne peut être faite que sur la production de plans et devis mis à la disposition du conseil de la collectivité territoriale concernée.

SECTION VI
DES ACTIONS EN JUSTICE

Article 49 :

(1) Le maire ou le président du conseil régional représente la collectivité territoriale en justice.

(2) Il peut prendre ou faire prendre tous actes conservatoires ou interruptifs de déchéances.

Article 50 :

(1) Le conseil de la collectivité territoriale délibère sur les actions à intenter ou à soutenir au nom de la collectivité territoriale.

(2) Il peut toutefois, en début d’exercice budgétaire, mandater le maire ou le président du conseil régional à l’effet de défendre les intérêts de la collectivité territoriale concernée en toutes matières.

Article 51 : Les recours dirigés contre les collectivités territoriales obéissent aux règles du contentieux administratif, ou du contentieux de droit Commun, suivant le cas.

SECTION VII
DU FONCTIONNEMENT DES SERVICES LOCAUX

Article 52 :

(1) Les services publics locaux gérés en régie fonctionnent conformément au droit commun applicable aux services publics de l’Etat revêtant un caractère similaire.

(2) Toutefois, des services d’intérêt public à caractère industriel et commercial peuvent être exploités en régie par les collectivités territoriales, lorsque l’intérêt public l’exige, et notamment en cas de carence ou d’insuffisance de l’initiative privée.

Article 53 : Les conseils des collectivités territoriales arrêtent la liste et les dispositions qui doivent figurer dans le règlement intérieur des services qu’ils se proposent d’exploiter sous forme de régies locales à caractère industriel et commercial, ci-après désignée «Les Régies ».

Article 54 :

1) Lorsque plusieurs collectivités territoriales sont intéressées par le fonctionnement d’une régie, celle-ci peut être exploitée :

a) soit sous la direction d’une collectivité territoriale vis-à-vis des autres collectivités territoriales, comme mandataire ;

b) soit sous la direction d’un regroupement formé par les collectivités territoriales intéressées.

(2) Au cas où le regroupement est constitué exclusivement en vue de l’exploitation d’un service industriel ou commercial, les collectivités territoriales peuvent demander que l’administration de l’organisation ainsi créée se confonde avec celle de la régie. Dans ce cas, l’acte fondateur du groupement est modifié dans les conditions fixées par les dispositions de la présente loi.

Article 55 :

(1) Un décret d’application de la présente ‘loi détermine parmi les services susceptibles d’être assurés en régie par les collectivités territoriales, ceux qui sont soumis au contrôle technique de l’Etat.

(2) Les règlements intérieurs types des services visés à l’alinéa (1) sont approuvés par voie réglementaire.

(3) Les actes réglementaires d’approbation précisent les mesures à prendre lorsque le fonctionnement d’une régie n’est pas en état d’assurer le service dont elle est chargée.

Article 56 : Sous réserve de dispositions contraires prévues par la législation en vigueur, les contrats portant concession de services publics locaux à caractère industriel et commercial sont approu­vis par le « ministre ch~é des Collectivités terri­toriales, suivant des modalités fixées par un décret d’application de la présente loi.

Article 57 : Dans les contrats portant concession des services publics, les collectivités territoriales ne peuvent insérer de clause par laquelle le concessionnaire prend à sa charge l’exécution dé travaux étTangers à l’objet de sa concession.

Article 58 : Les contrats de tfavaux publics êoritlu parles collectIvités territoriales ne peuvent pré­voir de clause portant affermage d’une recette publique, à l’exception des recettes issues de l’exploitation de l’ouvrage qui fait l’objet du contrat.

Article 59 : Les entreprises exploitant des services publics en régie intéressée ‘sont soumises, pour tout ce qui concerne l’exploitation et les travaux de premier établissement qu’elles peuvent être amenées à faire pour le compte de l’autorité concédante, à toutes mesures de contrôle et à la production de toutes les justifications conformé­ment à la réglementation en vigueur.

Article 60 : Les regroupements de collectivités territoriales peuvent, par voie de concession, exploiter des services présentant un intérêt pour chacune des collectivités territoriales concer­nées.

Article 61 :

(1) Toute collectivité territoriale ayant concédé ou affermé un service public ou d’intérêt public, peut procéder à la révision ou à la ré­siliation du contrat de concession ou d’afferma­ge, lorsque le déficit du concessIonnaire, dû à des circonstances économiques ou techniques indépendantes de sa volonté, revêt un caractère durable ne permet plus audit service de fonctionner normalement.

(2) Les dispositions de l’alinéa (1) sont appli­cables, mutatis, mutandis, au concessionnaire ou exploitant.

(3) La collectivité territoriale intéressée doit, soit supprimer le service dont il s’agit, soit le réorga­niser suivant les modalités plus économiques.

SECTION VIII
DE LA CREATION DES ETABLISSEMENTS PUBLICS ADMINISTRATIFS
ET SOCIETES A CAPITAL PUBLIC LOCAUX ET DE LA PRISE DES PARTICIPATIONS
AU SEIN DES ENTITES PUBLIQUES, PARAPUBLIQUES ET PRIVEES

Article 62 :

(1) Les titres acquis par les collectivi­tés territoriales dans le cadre de la création ou de la participation à des sociétés à participation pu­blique ou à des entreprises privées doivent être émis sous forme nominative ou représentés par des certificats nominatifs.

(2) Ils sont acquis sur le fondement d’une déli­bération du conseil de la collectivité territoriale concernée et conservés par le receveur de la collectivité territoriale, même au cas où ils sont affectés à la garantie de la gestion du conseil d’administration.

Article 63 :

(1) Les titres affectés à la garantie de la gestion du conseil d’administration sont in­aliénables.

(2) L’aliénation des titres visés à l’article 62 (1) ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une délibération approuvée dans les mêmes conditions que la décision d’acquérir.

Article 64 :

(1) La responsabilité civile afférente aux actes accomplis en tant qu’administrateur de la société, par le représentant d’une collectivité territoriale au conseil d’administration de la société dont elle est actionnaire incombe à la collectivité territoriale, sous réserve d’une action récursoire contre l’intéressé.

(2) l:action récursoire prévue à l’alinéa (1) ne peut intervenir qu’en cas de faute personnelle ou de faute lourde portant atteinte aux intérêts de la collectivité territoriale concernée.

Article 65 : La participation des collectivités terri­toriales ou du regroupement desdites collectivités territoriales ne peut excéder trente trois pour cent (33 %) du capital social des entreprises ou organismes visés à la présente section,

TITRE IV
DE LA TUTELLE SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Article 66 :

(1) L’Etat assure la tutelle sur les col­lectivités territoriales, conformément aux dispositions de la présente loi.

(2) Les pouvoirs de tutelle de l’Etat sur les col­lectivités territoriales sont exercés, sous l’autori­té du président de la République, par le ministre chargé des Collectivités territoriales et par le re­présentant de l’Etat dans la collectivité territoria­le.

Article 67 :

(1) Le gouverneur est le délégué de l’Etat dans la région. A ce titre, il a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif, du respect des lois et règlements et du maintien de l’ordre public; il supervise et c?ordonne sous l’autorité du gouvernement, les services ‘des ad­ministrations civiles de l’Etat dans la région.

(2) Le préfet assure la tutelle de l’Etat sur la commune.

(3) Le gouverneur et le préfet sont les représen­tants du président de la République dans leur circonscription administrative.

(4) Ils représentent également le gouvernement et chacun des ministres et ont autorité sur les services déconcentrés de l’Etat dans leur cir­conscription, sous réserve des exceptions limitativement énumérées par décret du président de la République.

(5) Le gouverneur et le préfet sont seuls habili­tés à s’exprimer au nom de l’Etat devant les conseils des collectivités territoriales de leur circonscription.

Ils peuvent toutefois, en cas d’empêchement dûment motivé auprès du ministre chargé des Col­lectivités territoriales, délégués à cet effet un fonctionnaire des services du gouverneur ou de la préfecture, suivant l’ordre protocolaire fixé par la réglementation en vigueur.

Article 68 :

(1) Les actes pris par les collectivités territoriales sont transmis au représentant de l’Etat auprès de la collectivité territoriale concernée, lequel en délivre aussitôt accusé de réception.

(2) La preuve de la réception des actes par le re­présentant de l’Etat visé à l’alinéa (1) peut être apportée par tout moyen.

(3) Les actes visés à l’alinéa (1) sont exécutoires de plein droit quinze (15) jours après la déli­vrance de l’accusé de réception, et après leur publication ou leur notification aux intéressés. Ce délai de quinze (15) jours peut être réduit par le représentant de l’Etat.

(4) Nonobstant les dispositions des alinéas (1) et (2), le représentant de l’Etat peut, dans le délai de quinze (15) jours à compter de la date de ré­ception, demander une seconde lecture de(s) (l’)acte(s) concernées). La demande correspon­dante revêt un caractère suspensif, aussi bien pour l’exécution de l’acte que pour la computa­tion des délais applicables en cas de procédure contentieuse, conformément à la législation en vigueur.

Article 69 : Les décisions réglementaires et individuelles prises par le président du conseil régional ou le maire dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs de police, les actes de gestion quotidienne sont exécutoires de plein droit dès qu’il est procédé à leur publication ou notifica­tion aux intéressés. Ces décisions font l’objet de transmission ou représentant de l’Etat.

Article 70 :

(1) Par dérogation aux dispositions des articles 68 et 69, demeurent soumis à l’ap­probation préalable du représentant de l’Etat, les actes pris dans les domaines ~ivants, outre des dispositions spécifiques de la présente loi :

– les budgets initiaux, annexes, les comptes hors budget et les autorisations spéciales de dépenses ;

– les emprunts et garanties d’emprunts ;

– les conventions de coopération internationale ;

– les affaires domaniales ;

– les garanties et prises de participation ;

– les conventions relatives à l’exécution ou au contrôle des marchés publics, sous réserve des seuils de compétence prévus par la réglementa­tion en vigueur ;

– les délégations de services publics au-delà du mandat en cours du conseil municipal ;

– les recrutements de certains personnels, sui­vant des modalités fixées par voie réglementai­re.

(2) Les plans régionaux et communaux de déve­loppement et les plans régionaux d’aménage­ment du territoire sont élaborés en tenant comp­te, autant que possible, des plans de développement et d’aménagement nationaux.

Ils sont, en conséquence, soumis préalablement à leur adoption au visa du représentant de l’Etat.

(3) Les délibérations et décisions prises en ap­plication des dispositions de l’alinéa (1) sont transmises au représentant de l’Etat, suivant les modalités prévues à l’article 68 (1). L’approba­tion dudit représentant est réputée tacite lors­qu’elle n’a pas été notifiée à la collectivité territoriale concernée, dans un délai maximal de

trente (30) jours à compter de la date de l’accusé de réception, par tout moyen laissant trace écri­te.

(4) Le délai prévu à l’alinéa (3) peut être réduit par le représentant de l’Etat, à la demande du

président du conseil régional ou du maire. Cette demande revêt un caractère suspensif, aussi bien pour l’exécution de l’acte que pour la computa­tion des délais applicables en cas de procédure contentieuse, conformément à la législation en vigueur.

Article 71 :

(1) Le représentant de l’Etat porte à la connaissance du président du conseil régional ou du maire, par tout moyen laissant trace écrite, des illégalités relevées à l’encontre de l’acte ou des actes qui lui sont communiqués.

(2) Le représentant de l’Etat défère à la juridiction administrative compétente les actes prévus aux articles 68 et 69 qu’il estime entachés d’illégalité, dans un délai maximal d’un mois à compter de la date de leur réception.

(3) La juridiction administrative saisie est tenue de rendre sa décision dans un délai maximal d’un mois (4) Nonobstant les dispositions de l’alinéa (2), le représentant de l’Etat peut annuler les actes des collectivités territoriales manifestement illégaux, notamment en cas d’emprise ou de voie de fait, à charge pour la collectivité territoriale concer­née d’en saisir la juridiction administrative compétente.’

Article 72 :

(1) Le représentant de l’Etat peut assortir son recours d’une demande de sursis à exécution. Il est fait droit à cette demande lorsque l’un des moyens invoqués dans la requête paraît, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué.

(2) Lorsque l’acte attaqué est de nature à com­promettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle, le président de la juridiction administrative saisie ou un de ses membres, délégué à cet effet, prononce le sursis dans un délai maximal de quarante huit (48) heures.

(3) La juridiction administrative peut, sur sa propre initiative, prononcer le sursis à exécution pour tout marché public que lui transmet le re­présentant de l’Etat aux fins d’annulation.

Article 73 :

(1) Le président du conseil régional ou le maire peut déférer à la juridiction administra­tive compétente, pour excès de pouvoir, la déci­sion de refus d’approbation du représentant de l’Etat prise dans le cadre des dispositions de l’article 70 (.1), suivant la procédure prévue par la législation en vigueur.

(2) L’annulation de la décision de refus d’appro­bation par la juridiction administrative saisie équivaut à une approbation, dès notification de la décision à la collectivité territoriale.

Article 74 : Toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt pour agir peut contester, devant le juge administratif compétent, un acte visé aux articles 68, 69 et 70, suivant les modali­tés prévues par la législation régissant la procé­dure contentieuse, à compter de la date à laquel­le l’acte incriminé est devenu exécutoire.

Article 75 :

(1) Tout acte à portée générale d’une collectivité territoriale devenu exécutoire ainsi que toute demande du représentant de l’Etat se rapportant à un tel ‘acte et revêtant un caractère suspensif doit faire l’objet d’une large publicité, notamment par voie d’affichage, au siège de la collectivité territoriale et des services de la circonscription administrative concernée.

(2) La procédure prévue à l’alinéa (1) s’effectue par voie de notification, lorsqu’il s’agit d’un acte individuel.

Article 76 : Toute demande d’annulation d:un acte d’une collectivité territoriale adressée au repré­sentant de l’Etat par toute personne intéressée, antérieurement à la date à compter de laquelle un tel acte revêt un caractère exécutoire, demeu­re sans incidence sur le déroulement de la procé­dure contentieuse.

Article 77 :

(1) Sur demande :

a) le président du conseil régional ou le maire reçoit du représentant de l’Etat les informations nécessaires à l’exercice de ses attributions ;

b) le représentant de l’Etat reçoit du président du conseil régional ou du maire des informa­tions nécessaires à l’exercice de ses attributions.

(2) Le président du conseil régional ou le maire informe son conseil du contenu de tout courrier que le représentant de l’Etat souhaite porter à sa

connaissance.

TITRE V
DES ORGANES DE SUIVI

Article 78 :

(1) Il est créé un conseil national de la décentralisation dont l’organisation et le fonc­tionnement sont fixés par décret du président de la République.

(2) Le conseil national de la décentralisation est chargé du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre de la décentralisation.

Article 79 : Il est créé un comité interministériel des services locaux, dont l’organisation et le fonctionnement sont fixés par un décret d’appli­cation de la présente loi.

TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

Article 80 :

(1) En attendant que les collectivités territoriales possèdent des ressources propres, les services ou parties des services déconcentrés de l’Etat, concernés par le transfert des compétences, seront progressivement transférés aux collectivités territoriales sur recommandation du conseil national de la décentralisation.

(2) Avant le transfert effectif des services prévu à l’alinéa 1 ci-dessus, les conditions d’utilisation de chaque service de l’Etat par les collectivités territoriales sont déterminées par les conven­tions passées entre le représentant de l’Etat et le président du conseil régional ou le maire, sui­vant des modèles fixés par voie réglementaire.

Le président du conseil régional ou le maire donne, dans le cadre des conventions visées au paragraphe précédent, toutes instructions néces­saires à l’exécution des tâches qu’il confie aux dits services. Il contrôle l’exécution desdites tâches.

Article 81 : Les cahiers des charges types et les règlements types concernant les services publics locaux sont rendus exécutoires par voie régle­mentaire.

Article 82 : Dans un délai maximal d’un an à compter de la date de publication des actes réglementaires prévus à l’article 55, les contrats de concession et les règlements de régie en vigueur doivent être révisés, lorsque les conditions d’exploitation en cours s’avèrent plus onéreuses ou plus désavantageuses pour les collectivités territoriales ou les usages que celles résultant de l’application des dispositions prévues dans les cahiers des charges types et/ou règlements types.

Article 83 : En cas de désaccord entre la collectivité territoriale concernée et le concessionnaire ou le régisseur, le ministre chargé des collectivi­tés territoriales statue sur la révision ou les conditions de résiliation du contrat.

Article 84 :

(1) Il ne peut être dérogé aux .cahiers des charges types et aux règlements types que par arrêté du ministre intéressé et dan~ le cas de circonstances particulières avérées.

(2) L’arrêté visé à l’alinéa (1) est pris sur proposition du ministre chargé des Collectivités territoriales.

Article 85 : Les collectivités territoriales peuvent coopérer avec des collectivités territoriales des pays étrangers, sur approbation du ministre chargé des Collectivités territoriales, suivant des modalités prévues par un décret d’application de la présente loi.

Article 86 : D’autres lois fixent, notamment :

– les règles applicables aux régions ;

– les règles applicables aux communes ;

– le régime financier des collectivités territoriales ;

– les conditions d’élection des conseillers régionaux.

Article 87 : En vue d’assurer le développement harmonieux de toutes les collectivités territoriales sur la base de la solidarité nationale, des potentialités régionales et de l’équilibre inter-régional, un (des) organisme(s) sera (seront) créé(s), en tant que de besoin, par décret du Président de la République.

Article 88 : Sont abrogées et remplacées par celles de la présente loi, les dispositions correspondantes de la loi n° 74/23 du 5 décembre 1974 portant organisation communale, ensemble ses modificatifs subséquents, et de la loi n° 87/015 du 15 juillet 1987 portant création des communautés urbaines, sous réserve de la promulgation des textes particuliers prévus aux articles 86 et 87.

Article 89 : La présente loi sera enregistrée et publiée suivant la procédure d’urgence, puis insérée au Journal Officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 22 juillet 2004

Le Président de la République

(é) Paul Biya