Tiko
Première particularité de la «ville du caoutchouc» à Tiko Town, la chose la plus visible ce sont les antennes externes de télévision. A une époque très récente, on ne pouvait pas recevoir d’images sans ces matériels juchés sur des piquets en bois. Tiko a été construit en contrebas d’un flanc du Mont Cameroun. On est en altitude au départ de Buea, avant de dévaler une énorme pente au niveau de Mutengene, situé à un jet de pierre de là et qui vous mène à destination. «Vous comprenez que nous sommes vraiment dans le trou. C’est la raison pour laquelle pour capter les images de la Crtv, il faut de longs pilonnes pour poser une antenne de télé», explique Chief Nani Hamza, 2ème adjoint au maire de Tiko, par ailleurs ancien agent des postes et télécommunications à la retraite depuis une décennie. Les populations les plus chanceuses peuvent, au gré du vent, attraper au vol les fréquences de la télévision nationale, quand elles ne se connectent pas plus simplement sur des chaînes nigérianes.
Mais les choses ont évolué depuis deux ans avec l’arrivée de deux câblodistributeurs qui se répartissent le marché au sein d’une population estimée à quelque 70.000 âmes. L’arrivée du câble n’a pour autant pas fait disparaître la forêt d’antennes sur surplombent les toitures. « On ne se sépare pas comme ça d’un outil qui a servi pendant près de 20 ans. Et lorsque les images câblées disparaissent pour des raisons techniques, on peut toujours reconnecter nos antennes pour avoir au moins la Crtv et certaines télés de Douala», justifie Chief Nani Hamza.
Situé à 42km de Douala et à une trentaine de kilomètres de Buea, Tiko fut jadis un pilier de l’agriculture camerounaise. Juste après le fleuve Moungo, de grandes plantations d’hévéa, de palmier à huile et de banane témoignent encore d’un passé agricole prospère. Avec la crise économique de la fin des années 80, le caoutchouc de Tiko, dont la baisse de production est estimée à plus de 30%, a perdu de son élasticité avec l’effondrement des prix sur le marché mondial. La Cameroon Development Corporation (Cdc) et la société Del Monte, les plus gros employeurs de la région, sont néanF moins restées en activité. De même, des maisons «Cdc Quarter», construites dans l’ancien «quartier européen», restent des vestiges des dirigeants occidentaux de ce fleuron de l’économie nationale. Des «indigènes» les y ont remplacés, de même que l’école des Européens, dans le Cdc Quarter, sera transformée en école primaire publique.
Agé aujourd’hui de 63 ans, Chief Nani Hamza se souvient de la bonne vieille époque où le port de Tiko bourdonnait d’activité : «Comme il y a de commerçants à Tiko, les gens achetaient le eru et le poisson pour aller les revendre au Nigeria. Au retour, ils ramenaient des pagnes, des chaussures et des appareils électroménagers.
Aujourd’hui, le port de Tiko n’est plu que l’ombre de lui-même.» Henri Njalla Quan, directeur généra de la Cdc — basée à Limbe — et élite de la région, déplore également cette léthargie : «Avant, Tiko était une ville agroindustrielle. Son port donnait de la vie à la ville. Et Tiko, av Limbe, permettaient de desservir c pays voisins tels que le Nigeria. Mais comme les populations de Tiko sont des gens pleins de bonne volonté et actifs, elles se sont déjà adaptées à cette nouvelle donne.»
Tiko dispose pourtant d’un atout naturel qui aurait pu suppléer à l’inactivité
du port: ses belles plages, qui ne sont malheureusement pas aménagées
comme à Limbe, qui, avec ses infrastructures hôtelières, reçoit beaucoup de touristes.
Mais Chief Nani assure que l’exécutif communal, que dirige Richard Fonbon depuis deux ans, compte solliciter du gouvernement l’aménagement des plages. Avec un modeste budget de quelque 500 millions de francs, la mairie ne peut réhabiliter la voirie de la ville, le seul tronçon bitumé étant A l’axe qui relie Tiko Round About à Tiko Town, où se trouve le stade municipal, lieu culte où se retrouvent les f populations le week-end venu pour soutenir Tiko United, l’équipe fanion de la ville. Ici, il n’est pas rare de voir des grand-mères débourser quelques pièces de Cfa pour payer l’entrée du stade et assister aux… entrainements du principal club local.
En dehors de Tiko United, l’autre infrastructure qui fait la fierté de la ville et qui y draine les touristites est sans aucun doute le Tiko Likomba Golf, haut lieu de distraction mis sur pied par la Cdc et qui abrite régulièrement des tournois de golf. Des particuliers peuvent également s’inscrire au club contre payement de quelque 200.000 francs de frais d’adhésion.
Eric Roland Kongou