INTRODUCTION
Branche spécialisée du droit public, le droit de l’urbanisme se définit comme
l’ensemble des règles concernant l’affectation de l’espace et son
aménagement Longtemps limité à des mesures de police administrative, il s’est
adapté à la mutation contemporaine de civilisations et de modes de vie de plus en
plus urbains, accélération qui connaît un rythme précipité depuis un demi siècle.
L’importance des enjeux économiques, financiers, sociologiques et surtout
humains sont tels que ce jeune droit, comme son cadet : le droit de
l’environnement, se sont vus d’emblée hissés aux premiers rangs des
préoccupations du législateur, de celles de la jurisprudence de plus en plus
sollicitée et de la réflexion doctrinale.
Le droit de l’urbanisme présente les caractères suivants :
– C’est un droit empirique, oscillant entre flexibilité et stabilité. Il ne peut en
être autrement car il se doit d’épouser les fluctuations des conjonctures, lesquelles
depuis la décentralisation, n’ont cessé de se diversifier. Cette instabilité ne doit
cependant pas devenir chronique car les citoyens ont droit à la sécurité juridique,
souvent menacée par la remise en cause frénétique des règles locales (instabilité
des P.O.S.) ou nationales (cf. le « harcèlement textuel », mal de nos Parlements
contemporains).
– C’est un droit complexe, qui semble construit de bric et de broc, au gré de la
conjoncture, sans cohésion, ni idées-forces. La stratification des règles nationales,
régionales, inter-régionales, départementales, communales, intercommunales sans
parler des règles applicables à des aires géographiques spécifiques, donne le
Droit de l’urbanisme
vertige aux responsables de la mise en oeuvre des documents. Surchargé de plus
de 2 000 articles, le Code de l’urbanisme appelle des refontes et des
simplifications.
– C’est un droit patrimonial où s’affrontent divers modes d’usage de la
propriété, usage dans l’intérêt particulier mais aussi dans l’intérêt commun . Le
territoire français a été proclamé, par la loi du 7 janvier 1983, patrimoine commun
de la nation mais l’abusus, le fructus et l’usus sont parfois dissociés. La propriété
n’étant, selon la Déclaration des droits de l’homme de 1789, absolue dans son
usage que si celui-ci n’est pas prohibé par les lois et règlements, ces réserves
légitiment les règles contraignantes que le droit de l’urbanisme lui impose.
La logique de ce droit, à cause de la multiplicité des acteurs, en situation souvent
conflictuelle, est plus fonctionnelle que réelle. Idéalement le droit de l’urbanisme
est un droit de l’équilibre, de l’harmonie, du juste souvent contraint d’accueillir
les nuances sinon les compromis.
Même si l’histoire, dès la plus Haute Antiquité, s’est intéressée au droit de
l’urbanisme, la prise en compte globale du phénomène urbain est récente
(Section 1). Spatialisées, et désormais décentralisées pour beaucoup d’entre elles,
sont les sources et les institutions de ce droit (section 2 et 3).
SECTION I : L’HISTOIRE DU DROIT DE L’URBANISME
Dès l’Antiquité, l’urbanisme inspira les réflexions d’Aristote, de Platon (Les Lois,
livre V) ou de Vitruve, architecte romain (Les dix livres d’architecture). L’origine
du droit de l’urbanisme, au sens moderne du terme, remonte au XVIIe siècle et à
l’Édit de Sully. Pendant longtemps, les prémices de ce droit se sont limitées à des
préoccupations d’ordre public se traduisant par des prescriptions de police
administrative traditionnelle imposées aux propriétés privées. Le droit de
l’urbanisme ne s’inscrivit dans la perspective contemporaine de planification et
d’aménagement qu’après les première et seconde guerres mondiales, alors que la
reconstruction du pays et l’explosion urbaine exigeaient une réflexion globale.
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Introduction
Parallèlement à cet essor de l’urbanisation, les aspects qualitatifs et protecteurs de
l’environnement devinrent progressivement prédominants.
1. Les prémices du droit de l’urbanisme et les préoccupations
d’ordre public
• Aménagement des voies publiques
L’article 5 de l’Édit de Sully de 1607 impose aux constructeurs de respecter les
principes de l’alignement et donne à l’administration le pouvoir de les y
contraindre. Des plans d’alignements seront établis sous la Révolution (loi de
1791), le Premier Empire (loi de 1807) et dans la loi municipale du 5 avril 1884.
• Police de la sécurité
Des règles permettent le contrôle, par voie d’autorisation ou de déclaration
préalable, des établissements dangereux, incommodes, insalubres. Un décret
impérial de 1810 prévoit trois classes selon le degré de dangerosité. Les lois de
1917 et 1976 modifieront ce régime sans toucher à l’essentiel. Le contrôle des
installations classées est désormais annexé par le droit de l’environnement.
La loi du 21 juin 1898, toujours en vigueur, prend en considération les immeubles
menaçant ruine : le maire peut (et même doit) prescrire la démolition d’un
immeuble présentant des dangers pour la sécurité des voisins ou des passants.
• Police de la salubrité
Le décret-loi du 26 mai 1852, inspiré par Haussmann, oblige les constructeurs à
l’aménagement de réseaux d’évacuation des eaux. Le champ d’application qui ne
concernait que Paris, à l’origine, pouvait être étendu. La loi du 15 février 1902 sur
l’hygiène publique, prévoit l’élaboration, dans chaque commune, d’un règlement
sanitaire : aucune construction dans les villes de plus de 20 000 habitants ne
pouvait être entreprise sans un permis constatant la conformité au règlement.
• Protection de l’esthétique et conservation du patrimoine
En réaction contre Haussmann le « démolisseur » et Violet le Duc le
reconstructeur « à l’identique », de grandes lois protectrices, toujours en vigueur
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Droit de l’urbanisme
pour l’essentiel de leurs dispositions, interviennent : lois des 30 mars 1887 et
31 décembre 1913 pour les monuments historiques ; lois des 21 avril 1906 et
2 mai 1930 pour les sites.
Dans l’ensemble, ces règles ne se dégagent pas encore du droit de la construction
et des objectifs de la police administrative traditionnelle.
2. Les premières ébauches de planification
• Projets communaux d’aménagement de la loi du 14 mars 1919
A l’imitation des pays voisins dotés d’une législation de planification urbaine : cf.
Suède (loi de 1874), Pays-Bas (loi de 1901), Grande-Bretagne (loi de 1909), et
pressé par les nécessités de la reconstruction des villes du Nord et de l’Est, le
Parlement adopte, le 14 mars 1919 une loi dite « loi Cornudet » du nom de son
rapporteur. Cette loi prescrivait l’établissement, dans un délai de 3 ans, de projets
d’aménagement, d’embellissement et d’extension des villes, dans les communes de
plus de 10 000 habitants et dans celles sinistrées, pittoresques ou en extension
rapide. La modernité de ces dispositions apparaît à plusieurs points de vue, sans
oublier la finalité d’ « embellissement » qui préoccupe, enfin, les pouvoirs
publics.
L’élaboration des plans était à la charge des communes, et le maire choisissait les
urbanistes et architectes. La commune avait la responsabilité des projets dont elle
devait prendre l’initiative, faute de quoi le préfet pouvait se substituer à elle.
Les plans ne concernent plus seulement l’alignement et la voirie, comme les
précédents, mais les espaces verts, les emplacements réservés, les servitudes, la
nature des constructions selon les zones. Le Conseil d’Etat admit la légalité des
zonages et des affectations du sol à des usages différents : CE. 23 février 1934,
« Laine ».
Déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’État, les plans s’imposaient aux
constructeurs qui, avant d’entreprendre un projet devaient obtenir une autorisation
attestant de sa compatibilité. Ce permis de construire restait cependant peu
élaboré.
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Introduction
Ancêtres directs des P.O.S., qui leur emprunteront leurs principaux traits, les
plans d’aménagement ne connurent pas le succès escompté. La procédure était
trop lourde et contraignante pour des communes dépourvues des moyens d’y faire
face. En 1940, 273 projets seulement avait été décrétés d’utilité publique alors que
près de 2 000 communes étaient en principe tenues d’avoir un plan. La
planification décentralisée, choix politique irréversible, devra attendre un demisiècle
pour entrer réellement en application.
• Réglementation des lotissements
La loi de 1919 avait prévu que les lotissements devaient aussi être dotés d’un plan
d’aménagement, mais cette mesure, faute de sanctions, ne fut pas appliquée. C’est
la loi du 10 juillet 1924 qui permit de soumettre les lotissements à un véritable
contrôle en imposant une autorisation préalable portant sur le plan
d’aménagement, le programme d’exécution des travaux de viabilité, le cahier des
charges. Entièrement privée à l’origine, l’opération se publicisait peu à peu afin de
garantir les « mal lotis » et d’éviter le désordre des constructions.
• Projets régionaux d’aménagement
La supracommunalité fait aussi son apparition. Une loi du 14 mai 1932 décide
l’établissement d’un projet d’aménagement de la région parisienne (auquel
seraient soumis les projets d’aménagement de 656 communes). La possibilité
d’établir de tels projets régionaux est élargie à l’ensemble du territoire par un
décret-loi du 25 juillet 1935.
La grande loi sur l’urbanisme du 15 juin 1943 perfectionnera la formule et la
généralisera en prévoyant des projets intercommunaux établis dans le cadre de
groupements d’urbanisme avec lesquels les projets communaux devront être
compatibles, formule proche de celle des S.D. et des P.O.S.
L’essor de l’urbanisme prospectif et opérationnel
En trente ans : 1945-1975, la population urbaine augmente de 14 millions
d’habitants, soit autant qu’entre 1789 et 1950. Baby-boom et exode rural
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Droit de l’urbanisme
expliquent ce phénomène. L’explosion urbaine : quasi-doublement des mises en
chantier, qui avoisinent les 500 000 par an dans les années 1970, appelle une
politique d’envergure.
De 1950 à 1960, les textes se succèdent dans le but de faciliter les opérations
d’urbanisme : régime d’aide financière à la construction (loi du 21 juillet 1950) ;
élargissement des possibilités d’expropriation afin d’en faire bénéficier les
constructeurs privés (loi du 6 août 1953 et ordonnance du 23 octobre 1958) ; mise
au point, par les décrets du 31 décembre 1958, du statut de deux opérations
spécifiques d’aménagement : les zones à urbaniser en priorité (Z.U.P.) et la
rénovation urbaine.
Les procédures de restauration immobilière (loi Malraux du 4 août 1962) et celles
des zones d’aménagement différé (Z.A.D.) (loi du 26 juillet 1962) complètent le
système et le modifient fort opportunément : une politique de sauvegarde et de
réhabilitation se substitue à celle des démolitions brutales et des grands ensembles
décriés.
L’idée d’étendre à l’ensemble du territoire l’application de documents d’urbanisme
prospectif se développe. Ils doivent permettre la maîtrise de l’utilisation des sols
et de l’évolution des agglomérations. Une distinction est établie selon leur
fonction et leur portée :
— Les uns auront une dimension supracommunale, ils auront un rôle de
prévision et d’orientation générale et leurs règles seront incitatives : il s’agit des
schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (S.D.A.U.)-
— Les autres seront élaborés dans un cadre communal, ils auront une fonction de
réglementation et la plupart de leurs règles seront imperatives : il s’agit des plans
d’occupation des sols (P.O.S.).
C’est l’importante loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 qui a tracé leur
régime. Ces documents qui concernaient surtout les aires métropolitaines se
« régularisèrent » par la suite. Directement opposables aux particuliers, les P.O.S.
ont pris une importance croissante parmi les sources du droit de l’urbanisme.
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Introduction
4. Vers un urbanisme concerté et incitatif
La concertation, c’est-à-dire la rencontre et le débat organisé entre les divers
partenaires intéressés par une opération d’urbanisme préalablement à la prise de
décision, a d’abord été favorisée pour atténuer le caractère technocratique et
centralisé des décisions : élaboration « conjointe » des S.D.A.U. et des P.O.S.,
création d’une opération d’aménagement d’un type nouveau, les zones
d’aménagement concerté (Z.A.C.), prévues par la L.O.F. du 30 décembre 1967 et
promises à un grand succès. Après 1983, une relance des procédures de
concertation intervient afin de tempérer les nouveaux pouvoirs transférés aux élus
municipaux en matière d’urbanisme. La loi du 18 juillet 1985 rend obligatoire la
concertation avant l’engagement de certains projets d’aménagement.
La récente loi sur le renforcement de la protection de l’environnement du
2 février 1995 accentue encore cette tendance en instituant une Commission
nationale du débat public pour les grandes opérations d’aménagement.
La place faite aux associations de défense s’affermit, surtout après les lois des
10 juillet (environnement) et 31 décembre (urbanisme) 7976. La loi du 9 février
1994 dispose que les associations agréées sont consultées, à leur demande pour
l’élaboration des S.D. et des P.O.S. (art. L. 121-8 nouveau).
Une autre forme de concertation avec une intégration plus poussée est recherchée
dans la formule des associations foncières urbaines (A.F.U.) permettant la
réalisation des opérations d’urbanisme par les propriétaires eux-mêmes. Cette
nouvelle formule dynamique, inspirée des associations syndicales de
propriétaires, trouve son origine dans la L.O.F. de 1967.
Les pouvoirs publics marquent leur préférence pour le faire faire plutôt que pour
le faire. Au lieu de prendre directement en charge l’aménagement, ils poursuivent
une politique d’incitation à l’égard d’organismes publics ou para-publics
autonomes : établissements publics (E.P.), sociétés d’économie mixte (S.E.M.)
d’aménagement et à l’égard du secteur privé. Des aides économiques et
financières sont octroyées et les acquisitions foncières sont facilitées.
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Droit de l’urbanisme
Par ailleurs, des incitations sont faites pour rendre plus aisés l’achat ou la location
des constructions par les particuliers. Leurs règles complexes occupent près de la
moitié, en volume, du Code de la construction et de l’habitation (C.C.H.). Il s’agit
entre autres, des prêts pour l’accession à la propriété (P.A.P.), des prêts
conventionnés, des prêts pour l’amélioration de logements à usage locatif, de
l’aidepersonnalisée au logement (A.P.L.).
5. Vers un urbanisme protecteur et qualitatif
Le droit de l’environnement progresse à partir des années 70 : création du premier
Ministère de l’Environnement en 1971, loi d’orientation générale sur la
protection de la nature du 10 juillet 1976 qui inspire certaines dispositions de
l’importante loi portant réforme de l’urbanisme du 31 décembre 1976 : freins à
l’urbanisme dérogatoire, renforcement des systèmes de protection des espaces
naturels, création des zones d’environnement protégé (Z.E.P.). La loi du 2 février
1995 renforce la protection de l’environnement notamment quant à la prévention
des risques naturels.
La protection est recherchée aussi dans l’élaboration de mesures coercitives à
l’égard de la propriété privée.
Elles sont destinées :
— d’une part à maîtriser l’usage des sols : extension du droit de préemption,
institution du plafond légal de densité (P.L.D.) « au-delà duquel le droit de
construire appartient à la collectivité » ;
— d’autre part à exercer un contrôle sur les droits de construire : le permis de
construire se généralise et se trouve encadré par un nombre croissant de règles
qui protègent à la fois les tiers, les constructeurs (contre leurs propres abus) et
l’administration (contre les risque d’arbitraire) ;
— le législateur protège aussi le futur occupant contre les constructeurs
malhonnêtes ou défaillants : contrats spéciaux incluant de nombreuses garanties
(contrats de vente d’immeuble à construire, contrat de promotion immobilière,
contrat de maison individuelle), lois sur la responsabilité des constructeurs et des
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maîtres d’ouvrage : loi du 3 janvier 1967 remplacée par la loi du 4 janvier 1978,
dite : « loi Spinetta ».
6. L’urbanisme décentralisé
En opérant au profit des communes un large transfert de compétences affectant
à la fois l’élaboration des documents d’urbanisme, l’instruction et la délivrance des
autorisations de construire et la réalisation des projets d’aménagement, les lois des
7 janvier et 22 juillet 1983 et du 18 juillet 1985 ont considérablement modifié
les sources et les institutions du droit de l’urbanisme.
L’importance de ces réformes a encore accentué l’inflation galopante des textes
(on a calculé que 85 % environ des articles du Code de l’urbanisme ont été
modifiés ou supprimés entre 1974 et 1984). On essaya ensuite de « purifier » ce
droit, ce que les premières tentatives, cf. la loi du 6 janvier 1986, dite de
« simplification », ne sont guère parvenues à réussir.
Un renversement de tendance se rencontre s’agissant des options politiques
fondamentales. Les années 70-80 furent marquées par un climat de suspicion à
l’égard des constructeurs, ce qui n’empêchait pas de les encourager par ailleurs
(« quand le bâtiment va… »). La crise de la construction, après un âge d’or qui
s’achève en 1975, incite à la libéralisation du droit de l’urbanisme. Afin de
relancer l’offre foncière, la loi Méhaignerie du 23 décembre 1986 réduit —
modestement — le champ d’application du droit de préemption et du P.L.D. et
prévoit à nouveau des mécanismes d’anticipation dans l’application des règles.
7. Le « retour de l’Etat », le droit à la ville et l’aménagement du
territoire
L’urbanisme des années 1990 tente de s’offrir une « pause » dans le marathon
textuel disputé sans discontinuer depuis vingt ans. Mais la relance d’une politique
sociale de l’habitat et la nécessité d’une réflexion plus « globale » génèrent de
nouvelles et ambitieuses réformes marquées par le « retour de l’Etat ». Les
préoccupations sociales deviennent indissociables des préoccupations
économiques et environnementalistes. Un Ministère de la Ville est créé en 1991
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Droit de l’urbanisme
qui fait voter la loi d’orientation sur la ville le 13 juillet 1991. Pour faire échec à
une urbanisation subie plus que maîtrisée, pour décloisonner l’espace urbain et
remplacer la ségrégation et l’exclusion par la cohésion sociale, la dimension
habitat devient prédominante. La diversité et la solidarité entre les classes
sociales et entre les activités économiques sont encouragées par une meilleure
complémentarité dans les affectations de l’espace et par la solidarité financière
entre les communes. De nombreuses dispositions du Code de l’urbanisme s’en
trouvent modifiées.
Un rapport demandé au Conseil d’Etat par le Premier Ministre et adopté en janvier
1992, dit Rapport Labetoulle du nom de son rapporteur général, insiste sur la
nécessité d’un droit plus efficace.
Prenant en compte certaines propositions de ce rapport la loi du 9 février 1994
apporte diverses réformes d’importance inégale. On ne manquera pas d’observer
qu’elle revient sur les dispositions de cinq lois récentes et infirme trois arrêts du
Conseil d’Etat : l’instabilité reprochée aux communes dans leurs réglementations
d’urbanisme prend ses modèles en haut lieu.
Saisi de la constitutionnalité de ce texte, le Conseil constitutionnel invalide trois
dispositions et a le mérite d’élever le débat (cf. Recours à l’article 14 de la
Déclaration des droits de l’Homme) au-delà de controverses d’ordre
essentiellement technique : décision du 21 janvier 1994.
Par certains de ses aspects, la loi d’orientation pour le développement et
l’aménagement du territoire du 4 février 1995 renforce le rôle régulateur de
l’Etat : création de Directives Territoriales d’Aménagement encadrant les
documents d’urbanisme décentralisés, effet suspensif des déférés préfectoraux
assortis de demandes de sursis à exécution des actes des collectivités locales…
Le droit de l’urbanisme fut à ses origines destiné à des projets spécifiques
localisés. Il devint, après la seconde guerre mondiale, une « affaire d’Etat » à
dimension prospective opérationnelle. Le grand souffle décentralisateur des
années 1982-1983 lui donne à nouveau une dimension locale primordiale, limitée
cependant par de nombreuses strates réglementaires d’application nationale, queles services de l’Etat ont pour mission de faire respecter. Proche des
préoccupations quotidiennes des citoyens en leur cadre de vie, l’urbanisme est
aussi « l’affaire de tous » et si les progrès de la démocratie semi-directe sont
dérisoires, les progrès de la participation sont, en principe encouragés, tant il
semble préférable de convaincre plutôt que de contraindre.
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