DECRET N° 76/ 167 DU 27 AVRIL 1976
Fixant les modalités de gestion du Domaine privé de l’Etat.

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,
Vu la Constitution du 2 juin 1972, modifiée et complétée par la loi n° 75/1 du 09 mai 1975 ;
Vu l’Organisation n° 74/ 2 du 06 juillet 1974 fixant le régime domanial, notamment en son article 12 ;
DECRETE :
ARTICLE 1er : Les biens du domaine privé immobilier de l’Etat tel que défini aux articles 10 et 11 de l’ordonnance n°74/ 2 du 06 juillet 1974, peuvent être affectés, cédés ou attribués suivant les règles fixées par le présent décret.
TITRE I : DES MODES DE GESTION DU DOMAINE PRIVE DE L’ETAT
CHAPITRE 1er : DE L’AFFECTATION
ARTICLE 2 : L’affectation est un acte par lequel l’Etat met à la disposition d’un service public, une dépendance de son domaine privé.
Elle est prononcée par décret au terme de la procédure prévue aux articles 3 et 4 du présent décret.
ARTICLE 3 : Tout service public désireux de bénéficier de l’affectation d’un terrain domanial, en fait la demande au Préfet du département où se trouve le terrain sollicité.
La demande doit comporter tous les éléments permettant d’apprécier le programme à réaliser.

Dès réception de la demande, le Préfet convoque une commission, comprenant, outre le représentant qualifié du Ministère intéressé, les responsables départementaux des services des Domaines, du Cadastre, de l’Urbanisme, des Routes et de la Santé.
La commission choisit le terrain approprié. Le responsable du Cadastre établit un plan, contresigné par les membres de la commission, et indiquant les tenants et les aboutissants, ainsi que sa situation géographique.
Les observations éventuelles formulées par les membres de la commission, font l’objet d’un procès-verbal distinct.
Le dossier ainsi constitué est transmis au Ministre chargé des Domaines.
ARTICLE 4 : Dès notification du décret d’affectation, le service intéressé prend possession du terrain s’il est libre d’occupation. En cas de déguerpissement des occupants, les frais y afférents sont à sa charge.
En cas de non utilisation du terrain dans les trois années qui suivent l’affectation, sa désaffectation peut-être prononcée par décret, sur rapport du Ministre chargé des Domaines.
CHAPITRE II : DE L’ATTRIBUTION EN PROPRIETE
ARTICLE 5 : Les terrains domaniaux non affectés ou désaffectés peuvent être aliénés par voie de vente, de cession ou d’échange.
SECTION I : DE LA VENTE
PARAGRAPHE 1er : DE LA VENTE PAR ADJUDICATION
ARTICLE 6 : – L’adjudication publique est effectuée par une commission présidée par le Préfet du lieu de situation de l’immeuble et composée :
 Du responsable départemental des Domaines assurant le Secrétariat ;
 Du receveur des Domaines ;
 Et du responsable du Cadastre.
Un avis au public fait connaître le jour de l’adjudication, la situation, la consistance, la superficie, la mise à prix de l’immeuble, ainsi que les conditions particulières de celle-ci, notamment le règlement d’impenses et la nature de l’investissement exigé. Cet avis est publié à la radio, à la presse et affiché à la Direction des Domaines et au Chef-lieu du département intéressé. La vente ne peut avoir lieu qu’après un délai de 30 jours courant du jour de l’affichage.
Le cahier des charges et le plan de l’immeuble sont déposés pour consultation éventuelle, dans les bureaux des Domaines.
Ne peuvent concourir que les personnes qui ont fait une déclaration de participation aux enchères, au cours du délai de 30 jours prévu à l’alinéa précédent.
Cette déclaration doit contenir :
 Tous les renseignements concernant l’état civil, le régime matrimonial, la profession, le domicile, et la nationalité du participant ;
 L’acceptation des conditions particulières de la vente ;
 Un exemplaire des statuts ou un certificat du greffier attestant son existence légale, s’il s’agit d’une société ;
 Une procuration comportant expressément pouvoir d’acquérir, si le participant est un mandataire ;
 Une quittance de versement à la caisse du recevoir des domaines, d’un cautionnement égal à la moitié de la mise à paix.

L’adjudication est acquise au plus haut et dernier enchérisseur. Elle est faite sans garantie.
ARTICLE 7 : – Le procès- verbal d’adjudication est établi séance tenante, en 5 exemplaires pour chaque immeuble vendu. Il est signé de tous les membres de la commission. Il doit reprendre les clauses particulières contenues dans l’avis d’adjudication.
L’adjudication n’est définitive, qu’après homologation par arrêté du Ministre chargé des Domaines.
Le procès- verbal homologué vaut acte de vente. Sous réserve du paiement intégral du prix, il donne droit au morcellement ou à la mutation aux frais de l’adjudication, du titre foncier établi au nom de l’Etat.

Le titre foncier délivré dans les conditions définies à l’alinéa précédent porte une clause apparente d’incessibilité du terrain et de ses impenses avant la mise en valeur stipulée dans l’arrêté d’homologation. Les cessions intervenues sans autorisation préalable et en infraction à cette clause, sont nulles et inopposable aux tiers et à l’administration.
En cas de décès de l’acquéreur avant la mise en valeur, les ayants droits restent assujettis aux obligations de mise en valeur. S’ils sont défaillants, le Ministre prononce la résolution de la vente qui entraîne la caducité du titre délivré et le remboursement des sommes versées au titre de l’acquisition du terrain.
Avis de cette résolution est inséré au Journal Officiel.
PARAGRAPHE II : DE LA VENTE DE GRE A GRE
ARTICLE 8 : – Quiconque désire bénéficier de la vente de gré à gré d’un immeuble domanial, doit en faire la demande écrite au Ministre chargé des Domaines sous le couvert du Préfet compétent, et produire à l’appui un dossier composé des pièces ci-après :
 Une copie certifiée conforme de la carte d’identité ;
 Un relevé des terrains acquis à quelque titre que ce soit de l’Etat ou des particuliers ;
 Une procuration lorsque le demandeur est un mandataire ;
 Un exemplaire des statuts ou de l’acte constitutif ou un certificat du greffier attestant son existence légale s’il s’agit d’une société.

ARTICLE 9 : Lorsque la demande est rejetée, le requérant ne peut s’installer sur le terrain sollicité.
En cas d’occupation irrégulière, le Préfet est habilité à détruire aux frais de l’intéressé, après mise en demeure restée sans effet pendant deux mois, toute construction ou toute réalisation effectuée sur le domaine de l’Etat. Il peut au besoin, requérir la force publique.

ARTICLE 10 : Lorsque la demande est agrée, l’acte de vente de gré à gré est établi entre l’Etat et le bénéficiaire. Son approbation lui confère, sous réserve du paiement intégral du prix, les mêmes effets que ceux prévus à l’article ci-dessus.
SECTION II : DES CESSIONS
PARAGRAPHE I : DE LA CESSION AUX PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC
ARTICLE 11 : Afin de leur permettre de constituer leur domaine, l’Etat peut céder à titre gratuit ou onéreux, des dépendances de son domaine privé aux personnes morales de droit public.
La demande de cession est adressée au Préfet du département où l’immeuble est situé. Elle doit préciser le but assigné à la parcelle demandée et recueillir au préalable s’il s’agit d’un terrain urbain, l’avis du service compétent de l’Urbanisme.
La cession est prononcée par décret. Ce décret indique la nature de la cession ainsi que les diverses obligations du cessionnaire.
En cas, le cessionnaire ne peut changer la destination du terrain sans l’autorisation de l’Etat.
PARAGRAPHE II : DE L’ATTRIBUTION EN PARTICIPATION AU CAPITAL DES SOCIETES
ARTICLE 12 : – L’Etat peut participer à la formation ou à l’augmentation du capital des sociétés par apport de terrains prélevés sur son domaine privé.
L’attribution en apport est prononcée par décret. Il en est de même de la réincorporation au domaine privé de l’Etat, de l’immeuble attribué en apport à une société, par suite de dissolution, faillite ou liquidation de cette société.
Le terrain donné en apport est évalué par une commission composée :
 Du Directeur des Domaines ou son représentant (Président) ;
 Du Directeur du Cadastre ou son représentant ;
 D’un Commissaire aux apports désigné par l’Assemblée Générale de la société.
SECTION III : DE L’ECHANGE
ARTICLE 13 : Il peut être procédé à l’échange d’un immeuble domanial bâti ou non bâti contre des biens de même nature appartenant à des particuliers.
Les immeubles objets de l’échange sont préalablement évalués contradictoirement par l’Administration des Domaines et le particulier.
En cas de différence de valeur, une soulte est stipulée au profit ou à la charge de l’Etat.
ARTICLE 14 : Toute personne physique ou morale coéchangiste doit produire avant l’acte d’échange, un certificat de non inscription hypothécaire, ou le cas échéant, un certificat de radiation d’hypothèque.
L’acte d’échange est approuvé par décret.
CHAPITRE III : DES DONS ET DES LEGS
ARTICLE 15 : – Outre les formes d’appropriation immobilière réglementées par des textes particuliers (Expropriation ou incorporation pour cause d’intérêt général ou abandon), L’Etat ou les collectivités publiques peuvent acquérir des droits réels immobiliers qui leur sont offerts sous forme de dons ou de legs, par une personne physique ou morale camerounaise ou étrangère.
Les dons ou les legs avec ou sans charge, sont acceptés par décret.
CHAPITRE IV : DE L’ATTRIBUTION EN JOUISSANCE AUX PERSONNES PHYSIQUES ET MORALES
SECTION : DISPOSITIONS GENERALES
ARTICLE 16 : – Les dépendances du domaine privé non affectées ou désaffectées, peuvent être attribuées en jouissance aux personnes physiques ou morales qui en font la demande.
ARTICLE 17 : – L’attribution en jouissance des dépendances du domaine privé a lieu par voie de baux ordinaires ou emphytéotiques.
ARTICLE 18 : – Toute personne désirant prendre à bail une dépendance du domaine privé de l’Etat, adresse un dossier au Ministre chargé des domaines, sous le couvert du Préfet du département où l’immeuble est situé.
Ce dossier doit comporter :
– Une demande timbrée ;
– Une copie certifiée conforme de la carte d’identité ;
– Un exemplaire des statuts lorsqu’il s’agit d’une société ;
– Une procuration si le preneur est un mandataire ;
– Quatre exemplaires du plan du terrain ;
– Un planning de des travaux de mise en valeur ainsi que les moyens financiers à mettre en œuvre…/…
ARTICLE 19 : – L’autorisation de conclure le bail est donnée par décret.
SECTION II : DU BAIL ORDINAIRE
ARTICLE 20 : Le bail ordinaire confère au preneur un droit de jouissance pour une durée ne pouvant excéder dix huit ans. Il est consenti avec obligation de mise en valeur et aux principales conditions suivantes :
1. – loyer payable d’avance et révisable ;
2. – obligation pour le preneur de supporter toutes les charges relatives à l’immeuble et notamment de payer les contributions foncières et les taxes accessoires ;
3. possibilité pour les agents de l’Etat habilités à cet effet, de visiter l’immeuble pour contrôler l’exécution des obligations imposées au preneur ;
4. interdiction de céder son droit au bail ou de consentir une sous location sans autorisation ;
5. à l’expiration du bail, reprise par l’Etat de l’immeuble, avec exercice éventuel du droit de préemption de l’Etat sur tous les aménagements, constructions et installations qu’il comporte.
ARTICLE 21 : – Le preneur peut renoncer au bail. Il ne peut le faire qu’après règlement des loyers échus et moyennant préavis de six mois. En cas de renonciation, le preneur doit laisser l’immeuble dans l’état où il se trouve. Toutefois, l’Etat peut exiger la remise des lieux dans l’état où ils se trouvaient au début du bail. En cas de carence du preneur, l’Etat peut exécuter des travaux nécessaires aux frais de celui-ci. Le recouvrement de ces frais est poursuivi contre l’intéressé, comme créance publique.
ARTICLE 22 : – Le bail peut être résilié par l’Etat, sans indemnité, pour inexécution par le preneur de ses obligations. La résiliation est prononcée par décret, trois mois après une mise en demeure par lettre recommandée ou par exploit d’huissier resté sans effet. Le preneur est tenu de libérer l’immeuble dans un délai de trois mois à compter de la notification du décret prononçant la résiliation.
Toute convention passée par le preneur en violation des dispositions de l’alinéa 4 de l’article 20 ci-dessus est nulle de plein droit, et entraine la résiliation immédiate et sans indemnité du bail. Il est procédé le cas échéant, à l’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef.
SECTION III : DU BAIL EMPHYTEOTIQUE
ARTICLE 23 : – Le bail emphytéotique confère au preneur ou emphytéote, un droit réel susceptible notamment d’hypothèque. Il est consenti pour une durée comprise entre dix-huit ans et quatre-vingt-dix-neuf ans, sous condition résolutoire de mise en valeur dans un délai déterminé, et aux principales autres conditions suivantes :
1. – loyer payable d’avance et révisable ;
2. obligation pour le preneur :
a. de maintenir les lieux loués en parfait état de propreté ;
b. de supporter toutes les charges relatives à l’immeuble et notamment de payer les contributions foncières et les taxes accessoires ;
c. de laisser les agents de l’Etat habilités à cet effet, visiter l’immeuble pour contrôler l’exécution des obligations qui lui sont imposées ;
3. – à l’expiration du bail, exercice éventuel du droit de préemption de l’Etat sur tous les aménagements, constructions et installations qu’il comporte.
ARTICLE 24 : – Le preneur ou emphytéote peut être autorisé à céder son droit de bail, ou à sous-louer partie de l’immeuble. Il peut renoncer au bail dans les conditions prévues à l’article 21 ci-dessus.
Article 25 : – Le bail emphytéotique peut être résilié par l’Etat sans indemnité pour inexécution par le preneur de ses obligations. La résiliation est prononcée par décret, trois mois après une mise en demeure par lettre recommandée ou par exploit d’huissier resté sans effet. Cependant, si l’immeuble a été grevé du fait du preneur, de charges quelconques le bail ne peut être résilié sans que les bénéficiaires desdites charges aient été préalablement informés les intentions de l’Administration. Ces bénéficiaires ont alors, selon leur rang, la faculté de se substituer au preneur défaillant, dans l’exécution de ses obligations. A défaut, le décret de résiliation éteint à la date de sa publication, les hypothèques inscrites ainsi que, le cas échéant, les autres droits consentis par le preneur. Ce dernier est tenu de libérer l’immeuble dans un délai de trois mois à compter du jour où la résiliation lui est notifiée. Passé ce délai, il est procédé à son expulsion.
Article 26 : – Les conventions passées par le preneur en violation des dispositions du bail, sont nulles de plein droit et entrainent la résiliation immédiate et sans indemnité, du bail. Il est procédé au cas échéant, à l’expulsion du preneur ou de tout occupant de son chef.
CHAPITRE V : DE L’ATTRIBUTION EN JOUISSANCE OU EN PROPRIETE AUX ORGANISMES INTERNATIONAUX ET MISSIONS DIPLOMATIQUES OU CONSULAIRES.
ARTICLE 27 : – En application des dispositions de l’article 12 de l’ordonnance n° 74/2 du 6 Juillet 1974, les Organismes Internationaux dont le Cameroun est membre, les Missions Diplomatiques et Consulaires peuvent devenir propriétaires ou locataires de terrains domaniaux.
L’organisme ou la mission diplomatique intéressée, saisit le Ministre chargé des Domaines d’une demande à laquelle est annexé un plan du terrain sollicité. Cette demande est transmise par le Ministre des affaires Etrangères. Dans le cas d’une mission diplomatique ou consulaire, elle précise si le gouvernement du Pays représenté a déjà consenti des droits similaires à la République Unie du Cameroun, ou s’il est disposé à le faire.
La décision de consentir le bail ou la propriété est précise par décret.
ARTICLE 28 :- Les acquisitions effectuées conformément au présent décret, n’entraînent pas l’aliénation des ressources du sous-sol dont la propriété appartient à l’Etat.
TITRE II : DISPOSITION DIVERSES
ARTICLE 29 : – Les bénéficiaires de baux sur des terrains domaniaux doivent se conformer aux dispositions du présent décret, dans un délai d’un an à compter de sa publication, en vue de la confirmation de leurs droits.
Passé ce délai, si aucune demande de confirmation n’est déposée, le preneur est réputé avoir renoncé au bail, et l’Administration en tire toutes les conséquences de droit.
ARTICLE 30 : – Sauf dérogation spéciale accordée par décret en fonction de l’importance du programme d’investissement, il ne peut être attribué en jouissance ou en propriété à une même personne physique ou morale plus de deux lots domaniaux dans un même centre urbain et plus de 50ha dans les zones rurales.
ARTICLE 31 : – Les actes de gestion du domaine privé sont faits en la forme administrative. Ils sont revêtus du visa préalable du Ministre chargé des Domaines, et exonérés des droits de timbre et d’enregistrement.
ARTICLE 32 : – Toute acquisition ou cession des biens du domaine privé de l’Etat ou des autres personnes morales de droit public doit être préalablement soumise au service des Domaines, en vue de la fixation de leur valeur vénale.
ARTICLE 33 : – La reprise totale ou partielle par l’Etat, pour cause d’utilité publique, d’un terrain ayant été vendu ou fait l’objet d’un bail ordinaire ou emphytéotique, a lieu dans les formes prévues par l’ordonnance n° 74/3 du 6 juillet 1974, relative à la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, et moyennant le cas échéant : indemnisation, réduction du loyer ou de la redevance, proportionnellement à la superficie reprise.
ARTICLE 34 : – Le présent décret qui abroge le décret n° 64/10/COR du 30 janvier 1964, et toute autre disposition antérieure contraire, sera enregistré, publié selon la procédure d’urgence, puis au Journal Officiel en français et en anglais. /-

YAOUNDE, le 27 AVRIL 1976

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,

EL HADJ AHMADOU AHIJO