LOI N° 94/01 du 20 janvier 1994
portant régime des forêts, de la faune et de la pêche
L’Assemblée nationale a délibéré et adopté;
Le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
TITRE PREMIER
DES DISPOSITIONS GENERALES
Article 1er.- La présente loi et les textes pris pour son application fixent le régime des forêts,
de la faune et de la pêche en vue d’atteindre les objectifs généraux de la politique forestière,
de la faune et de la pêche, dans le cadre d’une gestion intégrée assurant de façon soutenue
et durable, la conservation et l’utilisation desdites ressources et des différents écosystèmes.
Article 2.- Sont, au sens de la présente loi, considérés comme forêts, les terrains
comportant une couverture végétale dans laquelle prédominent les arbres, arbustes et
autres espèces susceptibles de fournir des produits autres qu’agricoles.
Article 3.- La faune désigne au sens de la présente loi, l’ensemble des espèces faisant
partie de tout écosystème naturel ainsi que toutes les espèces animales ayant été prélevées
du milieu naturel à des fins de domestication.
Article 4.- La pêche ou pêcherie désigne, au
sens de la présente loi, la capture ou le
ramassage des ressources halieutiques ou tout autre activité pouvant conduire à la capture,
ou au ramassage desdites ressources, y compris l’aménagement et la mise en valeur des
milieux aquatiques, en vue de la protection d’espèces animales par la maîtrise total ou
partielle de leur cycle biologique.
Article 5.- Les ressources halieutiques désignent, au sens de la présente loi, les poissons,
crustacés, mollusques et les algues issues de la mer, des eaux saumâtres et des eaux
douces, y compris les organismes vivant appartenant à des espèces sédentaires dans ce
milieu.
Article 6.- Le régime de propriété des forêts et des établissements aquacoles est défini par
les législations foncière et domaniale, ainsi que par les dispositions de la présente loi.
Article 7.- l’Etat, les communes, les communautés villageoises, et les particuliers exercent
sur leurs forêts et leurs établissements aquacoles, tous les droits résultant de la propriété,
sous réserve des restrictions prévues par les législations foncière et domaniale et par la
présente loi.
Article 8.- (1) Le droit d’usage ou coutumier est, au sens de la présente loi, celui reconnu
aux populations riveraines d’exploiter tous les produits forestiers, fauniques et halieutiques à
l’exception des espèces protégées en vue d’une utilisation personnelle.
(2) Les Ministres chargés des forêts, de la faune et de la pêche peuvent, pour cause d’utilité
publique et en concertation avec les populations concernées, suspendre temporairement ou
à titre définitif l’exercice du droit d’usage lorsque la nécessité s’impose. Cette suspension
obéit aux règles générales de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
(3) les modalités d’exercice du droit d’usage sont fixées par décret.
Article 9.- (1) Les produits forestiers sont essentiellement constitués, au sens de la présente
loi, de produits végétaux ligneux et non ligneux, ainsi que des ressources fauniques et
halieutiques tirées de la forêt.
(2) certains produits forestiers, tels que l’ébène, l’ivoire, espèces animales ou végétales,
médicinales ou présentant un intérêt particulier, sont dits produits spéciaux. La liste desdits
produits spéciaux est fixée, selon le cas, par l’administration compétente.
(3) Les modalités d’exploitation des produits spéciaux sont fixées par décret.
Article 10.- (1) Les titres de recouvrement des droits et taxes sur les forêts, la faune et les
ressources halieutiques sont émis, selon le cas, par les administrations chargées des forêts,
de la faune ou de la pêche. Ces titres ont force exécutoire et leur perception est assurée par
le Trésor Public.
(2) Une copie des titres de recouvrement des droits et taxes sur les produits destinés à
l’exportation est remise à l’administration des douanes.
(3) Les agents des administrations chargées des forêts, de la faune et de la pêche
perçoivent, au titre des opérations visées à l’alinéa (1) du présent Article , des indemnités
dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret.
TITRE II
DE LA PROTECTION DE LA NATURE ET DE LA BIODIVERSITE
Article 11. – La protection des patrimoines forestier, faunique et halieutique est assurée par
l’Etat.
Article 12. – (1) Les ressources génétiques du patrimoine national appartiennent à l’Etat du
Cameroun. Nul ne peut les exploiter à des fins scientifiques, commerciales ou culturelles
sans en avoir obtenu l’autorisation.
(2) Les retombées économiques ou financières résultant de leur utilisation donnent lieu au
paiement à l’Etat des royalties dont le taux et les modalités de perception sont fixés, au
prorata de leur valeur, par arrêté du Ministre chargé des finances sur proposition des
Ministres compétents.
Article 13. – Les conditions d’importation et d’exportation de tout matériel génétique forestier,
d’animaux sauvages ou des ressources halieutiques vivantes sont fixées par voie
réglementaire.
Article 14. – (1) Il est interdit de provoquer, sans autorisation préalable, un feu susceptible
de causer des dommages à la végétation du domaine forestier national.
(2) L’organisation de la prévention et de la lutte contre les incendies de forêts et de brousses
est fixée par décret.
Article 15. – Constitue un défrichement, au sens de la présente loi, le fait de supprimer les
arbres ou le couvert de la végétation naturelle d’un terrain forestier, en vue de lui donner une
affectation non forestière, quels que soient les moyens utilisés à cet effet.
Article 16.- (1) Le défrichement de tout ou partie d’une forêt domaniale ou d’une forêt
communale est subordonné au déclassement total ou partiel de cette forêt.
(2) La mise en oeuvre de tout projet de développement susceptible d’entraîner des
perturbations en milieu forestier ou aquatique est subordonnée à une étude préalable
d’impact sur l’environnement. (3) L’affectation des ressources forestières doit se faire en
conformité avec le plan directeur d’aménagement du territoire.
(4) La procédure d’obtention de l’autorisation de défricher une forêt classée est fixée par voie
réglementaire.
Article 17. – (1) Lorsque la création ou le maintien d’un couvert forestier est reconnu
nécessaire à la conservation des sols, à la protection des berges d’un cours d’eau, à la
régulation du régime hydrique ou à la conservation de la diversité biologique, les terrains
correspondants peuvent être, soit mis en défens, soit déclarés zone à écologie fragile, ou
classés, selon le cas, forêt domaniale de protection, réserve écologique intégrale, sanctuaire
ou réserve de faune, dans les conditions fixées par décret.
(2) La mise en défens ou le classement des terrains en forêts domaniales tels que prévus à
l’alinéa (1) ci-dessus entraînent l’interdiction de défricher ou d’exploiter les parcelles
auxquelles ils s’appliquent. L’affectation en zone à écologie fragile permet de réglementer
l’utilisation des ressources naturelles desdits terrains.
(3) Dans le cadre de la conservation de la diversité des ressources biologiques, les
administrations chargées des forêts, de la faune et de la pêche peuvent procéder ou
participer à la mise en place d’unités de conservation ex-situ desdites ressources, telles que
des banques de ressources génétiques, des jardins botaniques et zoologiques, des arboreta,
des vergers à graines ou pépinières. A cet effet, les administrations concernées fixent les
modalités de prélèvement, de traitement, de conservation et de multiplication des gènes et
spécimens prélevés dans le milieu naturel.
Article 18. – (1) Il est interdit de déverser dans le domaine forestier national, ainsi que dans
les domaines public, fluvial, lacustre et maritime, un produit toxique ou déchet industriel
susceptible de détruire ou de modifier la faune et la flore.
(2) Les unités industrielles, artisanales et autres produisant des produits toxiques ou déchets
sont astreintes à l’obligation de traiter leurs affluents avant leur rejet dans le milieu naturel.
(3) Le déversement dans le milieu naturel des déchets traités est subordonné à une
autorisation administrative préalable délivrée dans des conditions fixées par des textes
particuliers.
Article 19. – Des mesures incitatives peuvent, en tant que de besoin, être prises en vue
d’encourager les reboisements, l’élevage des animaux sauvages, des algues et des animaux
aquatiques par des particuliers.
TITRE III
DES FORETS
Article 20. – (1) Le domaine forestier national est constitué des domaines forestiers
permanent ou non permanent.
(2) Le domaine forestier permanent est constitué de terres définitivement affectées à la forêt
et/ou à l’habitat de la faune.
(3) Le domaine forestier non permanent est constitué de terres forestières susceptibles d’être
affectées à des utilisations autres que forestières.
CHAPITRE I
DES FORETS PERMANENTES
Article 21. – (1) Les forêts permanentes ou forêts classées sont celles assises sur le
domaine forestier permanent.
(2) Sont considérées comme des forêts permanentes :
– les forêts domaniales ;
– les forêts communales.
Article 22. – Les forêts permanentes doivent couvrir au moins 30 % de la superficie totale du
territoire national et représenter la diversité écologique du pays. Chaque forêt permanente
doit faire l’objet d’un plan d’aménagement arrêté par l’administration compétente.
Article 23. – Au sens de la présente loi, l’aménagement d’une forêt permanente se définit
comme étant la mise en oeuvre sur la base d’objectifs et d’un plan arrêtés au préalable, d’un
certain nombre d’activités et d’investissements, en vue de la protection soutenue de produits
forestiers et de services, sans porter atteinte à la valeur intrinsèque, ni compromettre la
productivité future de ladite forêt, et sans susciter d’effets indésirables sur l’environnement
physique et social.
SECTION I
DES FORETS DOMANIALES
Article 24. – (1) Sont considérées au sens de la présente loi comme forêts domaniales :
– les aires protégées pour la faune telles que :
– · les parcs nationaux ;
– · les réserves de faune ;
– · les zones d’intérêt cynégétique ;
– · les game-ranches appartenant à l’Etat ;
– · les jardins zoologiques appartenant à l’Etat
· les sanctuaires de faune ;
– · les zones tampons.
– – Les réserves forestières telles que :
– · les réserves écologiques intégrales ;
– · les forêts de production ;
– · les forêts de protection ;
– · les forêts de récréation ;
– · les forêts d’enseignement et de recherche ;
– · les sanctuaires de flore ;
– · les jardins botaniques ;
– · les périmètres de reboisement.
(2) La définition ainsi que les règles et les modalités d’utilisation des différents types
de forêts domaniales, sont fixées par décret.
Article 25. – (1) Les forêts domaniales relèvent du domaine privé de l’Etat.
(2) Elles sont classées par un acte réglementaire qui fixe leurs limites géographiques et leurs
objectifs qui sont notamment de production, de recréation, de protection, ou à buts multiples
englobant la production, la protection de l’environnement et la conservation de la diversité du
patrimoine biologique national. Cet acte ouvre droit à l’établissement d’un titre foncier au
nom de l’Etat.
(3) Le classement des forêts domaniales tient compte du plan d’affectation des terres de la
zone écologique concernée, lorsqu’il en existe un.
(4) Les forêts soumises au classement ou classées selon la réglementation antérieure
demeurent dans le domaine privé de l’Etat, sauf lorsque le plan d’affectation des terres
dûment approuvé de la zone concernée en dispose autrement.
(5) La procédure de classement des forêts domaniales est fixée par décret.
Article 26. – (1) L’acte de classement d’une forêt domaniale tient compte de l’environnement
social des populations autochtones qui gardent leurs droits normaux d’usage. Toutefois ces
droits peuvent être limités s’ils sont contraires aux objectifs assignés à ladite forêt. Dans ce
dernier cas, les populations autochtones bénéficient d’une compensation selon des
modalités fixées par décret.
(2) L’accès du public dans les forêts domaniales peut être réglementé ou interdit.
Article 27. – Le classement d’une forêt ne peut intervenir qu’après dédommagement des
personnes ayant réalisé des investissements sur le terrain, avant le démarrage de la
procédure administrative de classement.
Article 28. – (1) Une forêt domaniale peut faire l’objet d’une procédure de classement suivant
des modalités fixées par décret. (2) Le classement total ou partiel d’une forêt ne peut
intervenir qu’après classement d’une forêt de même catégorie et d’une superficie équivalente
dans la même zone écologique.
Article 29. – (1) Les forêts domaniales dont dotées d’un plan d’aménagement définissant,
dans les conditions fiées par décret, les objectifs et règles de gestion de cette forêt, les
moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs, ainsi que les conditions d’exercice
des droits d’usage par les populations locales, conformément aux indications de son acte de
classement.
(2) Le plan d’aménagement, dont la durée est fonction des objectifs poursuivis, est révisé
périodiquement ou en cas de besoin.
(3) Toute activité dans une forêt domaniale doit, dans tous les cas, se conformer à son plan
d’aménagement.
(4) Les forêts domaniales peuvent être subdivisées par l’administration chargée des forêts en
unités forestières d’aménagement. Dans ce cas, cette administration arrête pour chacune de
ces unités un plan d’aménagement.
(5) Les modalités de mise en oeuvre du plan d’aménagement sont fixées par décret.