Cet article retrace le cours
d’une discussion entre économistes
au sujet du rôle de la
fiscalité forestière dans les pays
tropicaux. Il établit ensuite le
bilan des trois premières
années d’un débat politique
entre l’Etat camerounais et la
Banque mondiale à propos de
la réforme de la fiscalité forestière
au Cameroun. La
confrontation des deux débats
permet de mettre en relief la
consistance « économique » de
certaines des convictions politiques
des deux protagonistes.
D’autres, en revanche, nécessitent
un éclairage supplémentaire
et ne sont pas analysés
dans le cadre de cet article.
La réflexion économique sur le
rôle de la fiscalité forestière
dans les pays tropicaux a
débuté, en tant que discussion
scientifique, en 1976 quand
Page, Pearson et Leleand font
paraître un article, Capturing
economic rent from Ghanaian
Timber, proposant une modélisation
microéconomique de
l’exploitation d’une forêt tropicale.
Quelques textes significatifs
ont ensuite été publiés.
Nous avons retenu ceux de
Ruzicka (1979), Gillis (1980),
Repetto et Gillis (1988) et
Vincent (1990) ainsi que ceux
de Repetto (1990), Gillis
(1992) et Vincent (1992) pour
leur caractère synthétique.
Tous les auteurs (à l’exception
de Repetto) sont des économistes
du développement,
Gillis et Vincent étant de
des deux principaux pays producteurs
d’Asie du Sud-Est :
l’Indonésie pour le premier
auteur, la Malaisie pour le
second.
La principale caractéristique de
cette réflexion est qu’elle s’est
déplacée du thème de la contribution
de l’exploitation des
forêts tropicales au développement
économique des pays
dits du tiers-monde grâce aux
recettes de la fiscalité forestière,
à celui de l’utilisation de
la fiscalité forestière comme
une écotaxe, sans toutefois
abandonner le premier thème ;
en insistant au contraire sur la
complémentarité des deux
objectifs (Carret, Giraud,
1998).
En 1992, l’article Tropical
forest management : reflection
on the rent distribution
discussion, publié par Hyde et
Sedjo, deux économistes des
ressources naturelles, a brusquement
opéré un changement
de perspective dans la façon
d’aborder la question, ouvrant
ainsi la polémique. Les deux
auteurs remettent, en effet, en
cause chacun des deux rôles
précédemment assignés à la
fiscalité forestière dans les pays
tropicaux. Plusieurs textes
ultérieurs ont paru, notamment
des textes où les deux auteurs
de l’article de 1992 polémiquent
avec deux des auteurs
précédents (Vincent, 1993 ;
Hyde, Sedjo, 1993 ; Vincent,
Gillis, 1998 ; Hyde, 1998) mais
sans véritablement sortir de
l’impasse à laquelle avait abouti
le texte de 1992. De même, quelques textes, dont certains
en français, ont repris les idées
des uns et des autres, mais sans
apporter, non plus, d’éléments
nouveaux.
Cette première partie restitue
les principales étapes de la
réflexion entre économistes, en
portant une attention particulière
à la façon dont Hyde et
Sedjo ont opéré leurs déplacements.
La référence aux auteurs
est utilisée quand le propos est
singulier et non quand la proposition
est commune à l’ensemble
des auteurs.
JEAN-CHRISTOPHE CARRET
Cerna
Centre d’économie industrielle
de I’Fcole des mines de Paris