TROPICANA
Marguerite Jouvin Mendouga
Tropicana, hier restaurant, aujourd’hui carrefour
Situé au quartier Mvan, sur l’axe Yaoundé-Mbalmayo, Tropicana fait partie des zones les moins habitées mais les mieux bâties de Yaoundé. Selon Martin Elanga, fils d’un autochtone installé dans le coin depuis 1933, Tropicana, de son nom originel Mvan II, est le village des Mvog-Belinga, un peuple qui serait venu des abords de la Sanaga et aurait, d’après une légende, traversé le fleuve sur le dos d’un serpent.
Une fois à Yaoundé, les descendants de Belinga domptent la forêt
et s’installent définitivement à Mvan II, site séparé de Mvan I par un cours d’eau nommé Nkyé. Quelques années plus tard, une jeune femme originaire de la province du Sud, plus précisément du village Mintya-mi-Nyùmum, la tête pleine d’idées et d’ambitions, apportera les premières lueurs de modernité à la zone.
Marguerite Jouvin Mendouga, qui revient fraîchement d’Egypte en cette année 1967 où elle était allée se perfectionner en couture, s’installe d’abord au quartier Nkolndongo. Mais es clients se font rares, préférant aller chez les haoussas du coin qui ont la réputation d’offrir un travail plus rapide. Marguérite Jouvin abandonne la couture pour l’élevage des poules. Il lui faut pour cela un emplacement assez arrosé. Elle déniche à Mvan l’emplacement idéal pour cette activité constituée de quelque 300 têtes. Quelques mois après, elle achète une parcelle de terrain auprès du nommé Messina Owona. L’endroit, se souvientelle, n’est alors qu’un marécage envahi par le raphia. Elle remblaie, et peu à peu le sol s’affermit. Son affaire prospère. Un jour, elle reçoit la visite d’un cousin, Mbwa-Missa, à qui elle offre du poulet rendra une seconde visite, cette fois en compagnie d’amis qui souhaitent déguste du poulet grillé de sa cuisine. « A la fin du repas, ils ont tous apprécié. En aparté, mon cousin me recommande d’ouvrir un restaurant parce que je regorge, d’après lui, de beaucoup d’astuces et de qualités sur le plan culinaire ».
En 1971, avec les bénéfices tirés de la vente du poulet, Marguerite Jouvin aménage un grand espace et fait construire un testaurant. Elle Lui donne le nom de Tropicana et le garnit de boissons. Très vite, elle se rendra compte que l’affaire est rentable. «Autour du restaurant Tropicana, il y avait des Boukarbus alimentés par un groupe électrogène, le village baignant à l’époque dans l’obscurité. J’avais également installé des glissoires et des balançoires pour les enfants. A l’intérieur, une piste de danse avait été créée pour les danseurs de la nuit», explique-t-elle.
Tropicana devient populaire, et le nombre, de Boukarous augmente. C’est devenu le lieu de repos par excellence des chauffeurs de taxi. Les voyageurs y viennent pour la nuit, qu’ils passent dans des cabanes tenant lieu de
chambres à coucher. Tropicana sert également de cadre de repli pour les fonctionnaires qui y viennent avec des « deuxième bureau ». «Les gens y venaient de toutes les régions du Cameroun pour y passer du temps.
Paul Biya, à l’époque secrétaire général à la présidence de la République, avait un Boukarou spécial ici : il venait parfois travailler ou se reposer, souvent accompagné du ministre de l’intérieur, du directeur d Sûreté nationale, M. Enam Mba’a et du défunt Oko Pétis, commissaire divisionnaire.» Parfois, se remémore-t-elle, Paul Biya arrivait à vélo, ait un moment et continuait jusqu’à Mbalmayo avant de retourner à Yaoundé. «La vie était merveilleuse à Tropicana. La fraîcheur des cocotiers et l’ambiance qui y régnait y étaient pour quelque chose. L’on aurait dit un paradis sur terre, que dis-je, un soleil dans les ténèbres», témoigne Barthélemy Mvon, un riverain.
En 1981, avec l’avènement du projet d’investissement public, à l’époque appelé « ceinture de Yaoundé », le destin du restaurant Tropicana va changer. L’Etat va modifier la structure du site pour faire passer le tronçon Ekounou-Nsam, qu’il finira par baptiser Mvan-Tropicana. «En effet, l’Etat m’avait remisl6 millions en terme de dédommagement. Il a cependant trouvé mieux d’orienter le cours d’eau vers mon terrain, omettant de construire des ponts solides pour m’éviter des ennuis.» Explique Marguerite Jouvin Mendouga.
C’est alors que Mme Mendouga commence à subir des inondations par temps de pluie. L’établissement baigne dans une eau infecte qui charrie des déchets. Cette situation va décourager les visiteurs et entraîner la fermeture du restaurant. Aujourd’hui, Tropicana est devenu un grand carrefour autour duquel se sont développées diverses activités commerciales. Ses bars, ses hôtels, ses magasins, sans oublier ses communautés chrétiennes et le complexe universitaire Ndi Samba supérieur, sont entrés dans l’histoire d’un village dont les composantes s’appelaient Mvan III, Odja-Si, Mbog-Abang.
Monique Mbang et Rachelle S. Mbezele (étudiantes à Ndi samba supérieur), avec
Rosine Motio (St)