Avant 1970, lorsque la décision de l’administration n’avait pas été notifiée dans les délais prévus, le pétitionnaire pouvait demander au préfet par lettre recommandée avec accusé de réception de statuer sur sa demande. Un nouveau délai d’un mois s’ouvrait alors à l’issue duquel, faute de décision expresse, le demandeur bénéficiait d’un accord tacite. Un décret du 28 mai 1970 a substitué à ce système ce qu’il est convenu d’appeler un « permis tacite automatique ».

Ce texte a fait l’objet d’un contentieux intéressant. Le Conseil constitutionnel a estimé, en son temps, que le principe selon lequel le silence de l’administration vaut rejet de la demande est un principe général du droit (CC 26 juin 1969 – AJDA 69 p. 563). Or, saisi d’une demande en annulation du décret du 28 mai 1970, le Conseil d’Etat n’a pas adopté la même conception. Pour lui, il n’existe pas en la matière de principe général du droit. Il est donc possible d’écarter l’application du principe de « silence-rejet » par un texte réglementaire : rien ne s’oppose dès lors à l’organisation par décret d’un système d’autorisation implicite (CE ass 27 février 1970, Commune de Bozas : AJDA 1970 p. 225).

Le décret de 1970 a été par la suite complété en 1976 et 1977. Le code de l’urbanisme règle depuis minutieusement le domaine (1) et la procédure (2) du permis tacite.

1) Le domaine du permis de construire tacite

Le décret du 28 mai 1970 ne prévoyait aucune exception au permis de construire tacite. Or la loi du 31 décembre 1976 a prévu par la suite que le permis de construire vaudrait, sous certaines conditions, autorisation au titre de diverses autres législations ou réglementations spéciales (cf. articles L.421-1 c.urb.). Or, certains de ces textes spécifiques ne prévoient que l’intervention de décisions expresses. Aussi, pour raisons de cohérence, la possibilité d’obtention d’un permis tacite dans ces hypothèses est désormais exclue. Le domaine du permis de construire tacite est donc devenu un domaine « par défaut ».

L’article R.421-19 c.urb. énumère limitativement les hypothèses où le permis tacite est inapplicable :

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Lorsque le permis a pour but de changer la destination d’un immeuble existant et que cette modification est soumise à autorisation du préfet de l’article L.631-7 CCH,
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Lorsque le permis intéresse un immeuble inscrit ou un immeuble adossé à un immeuble classé,
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Lorsque le permis porte sur un projet situé dans le champ de visibilité d’un immeuble classé ou inscrit,
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Lorsque le projet se situe dans un site classé, en instance de classement, inscrit ou dans une zone de protection institué au titre de la loi de 1930,
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Lorsque le projet se situe sur un territoire classé en instance de classement en réserve naturelle,
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Lorsque le projet doit être soumis à enquête publique au titre du décret n° 85-453 du 23 avril 1985.

Dans toutes les autres hypothèses le permis de construire est réputé accordé tacitement à l’issue du délai d’instruction de la demande.

2) – La procédure du permis de construire tacite

Cette procédure est réduite à sa plus simple expression.

Dès lors que le dossier de demande est complet, l’autorité compétente notifie le délai d’instruction et la date à laquelle le pétitionnaire pourra se prévaloir d’une autorisation tacite. A défaut, la requête en instruction permet aux demandeurs de pallier le silence persistant de l’administration et corrige la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle le pétitionnaire ne peut se prévaloir d’un permis tacite en l’absence de notification du délai d’instruction par l’autorité administrative (CE 5 octobre 1979, Milon : D1980, IR p. 531) (CE 4 juillet 1980, Brumbt : JCP 1980 n° 19475). A défaut de requête en instruction, cette jurisprudence reste valable et prive le pétitionnaire de la garantie que constitue le permis tacite.

La lettre de notification du délai d’instruction par l’autorité compétente change de nature selon l’état de la procédure. Jusqu’à l’expiration du délai d’instruction, elle n’est qu’un acte préparatoire ne faisant pas grief puisque seulement informatif. A l’expiration du délai, dans la mesure où elle vaut permis de construire, elle devient un acte administratif unilatéral faisant grief. Le code de l’urbanisme prévoit d’ailleurs, pour cette « lettre valant permis de construire », une publicité par affichage identique à celle organisée pour l’arrêté municipal.

La lettre de requête en instruction suit un sort semblable quoique plus curieux : c’est une simple lettre de particulier (et non plus d’une autorité administrative) qui vaut, en fin de procédure, acte administratif unilatéral faisant grief !

C’est la date de notification de la décision (et non la date de la décision) qui doit être prise en compte : il faut que l’acte n’ai pas été notifié à la date prévue pour que le demandeur puisse se prévaloir d’un permis tacite [CE ass 1er juin 1973, époux Roulin : AJDA 1973, p. 49]. Une notification tardive vaut retrait du permis tacite. Sa légalité sera donc dépendante des conditions classiques du retrait des actes administratifs.

L’annulation contentieuse d’un permis illégal n’entraîne pas le bénéfice d’un permis tacite au motif que l’acte annulé, censé n’avoir jamais existé, aucune décision n’est intervenue avant l’expiration du délai. La jurisprudence estime au contraire qu’un nouveau délai d’instruction court dès la confirmation de sa demande par le pétitionnaire, une autorisation tacite reste naturellement possible à l’issue de cette nouvelle procédure.

En cas de permis tacite, l’administration est tenue de délivrer, dans les quinze jours, une attestation de non décision négative (art. R.421-36 c. urb.). Cette attestation est purement confirmative et donc insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Sa délivrance (ou sa non délivrance) est sans influence sur la validité du permis tacite. Il s’agit simplement d’un moyen de preuve. Classiquement un silence prolongé pendant deux mois (depuis l’intervention de la loi du 12 avril 2000) constitue un refus tacite de délivrer l’attestation, ce qui constitue une décision susceptible de recours contentieux.

Il n’en reste pas moins que la confirmation d’un acte par tacite par un acte exprès peut poser des problèmes pratiques épineux en cas de mauvaise volonté persistante de l’administration.