LOI N° 98-005 du 14 Avril 1998
PORTANT RÉGIME DE L’EAU
L’Assemblée Nationale a délibéré et adopté,

en sa séance plénière du 31 mars 1998,

le projet de loi N° 634/PJL/AN dont la teneur
suit :

TITRE I

DES DISPOSITIONS GÉNÉRALES

ARTICLE 1er
.- La présente loi fixe, dans le respect des principes de gestion de
l’environnement et de protection de la santé publique, le cadre juridique général du régime
de l’eau.
ARTICLE 2.- (1) L’eau est un bien du patrimoine commun de la Nation dont l’Etat assure la
protection et la gestion et en facilite l’accès à tous.

(2) Toutefois, l’Etat peut transférer tout ou partie de ses prérogatives aux
collectivités territoriales décentralisées.

(3) La gestion de l’eau peut, en outre, faire l’objet de concession ou
d’affermage, suivant des modalités fixées par un décret d’application de la présente loi.

ARTICLE 3.- Aux termes de la présente loi et de ses textes d’application, il faut entendre
par :

(1) eaux de surface : les eaux de ruissellement, les cours d’eau et les eaux stagnantes ;
(2) eaux souterraines : les eaux d’infiltration et les nappes ;

(3) eaux de source : les eaux proposées dans le commerce pour qu’il soit fait état de
leurs qualités thérapeutique ;
(4) eaux minérales : les eaux souterraines contenant des substances minérales
dissoutes ayant une action thérapeutique.

ARTICLE 4.- (1) Sont interdits les déversements, écoulements, jets, infiltrations,
enfouissements, épandages, dépôts, directs ou indirects, dans les eaux de toute matière
solide, liquide ou gazeuse et, en particulier, les déchets industriels, agricoles et atomiques
susceptibles :

– d’altérer la qualité des eaux de surface ou souterraines ou des eaux de la
mer, dans les limites territoriales ;

– de porter atteinte à la santé publique ainsi qu’à la faune et la flore aquatiques
ou sous-marines ;
– de mettre en cause le développement économique et touristique des régions.

(2) Toutefois, le Ministre chargé de l’Eau, peut, après enquête et avis des
autres Administrations concernées, autoriser et réglementer les déversements visés ci-
dessus, dans le cas où ceux-ci garantissent l’innocuité et l’absence de nuisances, compte
tenu des caractéristiques de l’effluent et du milieu récepteur.

(3) L’autorisation accordée peut être modifiée ou retirée soit à la demande
du titulaire ou des tiers intéressés, soit à l’initiative de l’Administration, soit de plein droit,
dans le cas prévu par l’acte d’autorisation.

ARTICLE 5.- (1) Un décret d’application de la présente loi fixe, sur rapport conjoint des
Administrations compétentes, la liste des substances nocives ou dangereuses dont le rejet,
le déversement, le dépôt, l’immersion ou l’introduction de manière directe ou indirecte dans
les eaux sont, soit interdits, soit soumis à autorisation préalable des dites Administrations.

(2) Les déversements d’eaux résiduaires dans le réseau d’assainissement
public ne doit nuire, ni à la conservation des ouvrages, ni à la gestion des eaux.
(3) Les installations de déversement établies antérieurement à la date de promulgation de la
présente loi doivent se conformer à la réglementation, dans un délai fixé par un décret d’application de ladite loi.
(4) Les installations établies postérieurement à la date de promulgation de la
présente loi doivent, dès leur mise en fonctionnement, être conformes aux normes de rejet
fixées par la réglementation en vigueur.
ARTICLE 6.- (1) Toute personne physique ou morale, propriétaire d’installations
susceptibles d’entraîner la pollution des eaux, doit prendre toutes les mesures nécessaires
pour limiter ou en supprimer les effets.

(2) Toute personne qui produit ou détient des déchets doit en assurer elle-
même l’élimination ou le recyclage, ou les faire éliminer ou les faire recycler dans des
installations agréées par l’Administration chargée des établissements classés, après avis
obligatoire de l’Administration chargée de l’environnement.

Elle est, en outre, sous réserve des règles liées à la confidentialité, tenue d’informer
le public sur les effets de la production, la détention, l’élimination ou le recyclage des déchets
sur l’eau, l’environnement et la santé publique, ainsi que sur les mesures destinées à en
prévenir ou à en compenser les effets préjudiciables.

(3) Sont, en outre, interdits, le nettoyage et l’entretien des véhicules à
moteur, des machines à combustion interne et d’autres engins similaires à proximité des
eaux.

ARTICLE 7.- (1) En vue de protéger la qualité de l’eau destinée à l’alimentation, il est institué
un périmètre de protection autour des points de captage, de traitement et de stockage des
eaux.

(2) Les terrains compris dans les périmètres de protection sont déclarés
d’utilité publique.

ARTICLE 8.- (1) Une taxe d’assainissement est perçue par l’Etat sur les personnes
physiques ou morales propriétaires d’installations raccordées aux réseaux d’égouts publics
ou privés de collecte et de traitement des eaux usées.

(2) Le taux et les modalités de recouvrement de la taxe prévue à l’alinéa (1)sont fixés par la loi des finances.
ARTICLE 12.- Le contrôle de la qualité des eaux de consommation est assuré, à tout
moment, par les personnels des Administrations chargées respectivement de l’eau et de la
santé publique, assermentés et commissionnés à cet effet.

CHAPITRE II
DE L’EXPLOITATION DES EAUX DE SOURCE ET
DES EAUX MINERALES

ARTICLE 13.- L’exploitation des eaux de source et des eaux minérales est régie par une loi
particulière.
TITRE IV
DE LA RESPONSABILITE ET DES SANCTIONS
CHAPITRE I
DE LA RESPONSABILITE

ARTICLE 14.- Sans préjudice des peines applicables sur le plan de la responsabilité pénale
et nonobstant les vérifications effectuées par les Administrations chargées du contrôle, est
responsable civilement, sans qu’il soit besoin de prouver une faute, toute personne qui a causé un dommage corporel ou matériel résultant de la mauvaise qualité des eaux
d’alimentation qu’elle distribue.

CHAPITRE II
DES SANTIONS PENALES

ARTICLE 15.- (1) Est punie d’un emprisonnement de deux (2) ans à cinq (5) ans et d’une
amende de cinq millions (5.000.000) à dix millions (10.000.000) de FCFA ou de l’une de ces
deux peines seulement, toute personne qui :

– réalise un prélèvement des eaux de surface ou des eaux souterraines en
violation des dispositions de la présente loi et/ou de ses textes d’application ;
– réalise un prélèvement des eaux de surface ou des eaux souterraines non
conforme aux critères, normes et mesures énoncés par l’étude d’impact ;
– empêche l’accomplissement des contrôles, surveillance et analyses prévus
par la présente loi et/ou par ses textes d’application ;

– fait fonctionner une installation de captage, de traitement et de stockage des
eaux en violation des dispositions de la présente loi et/ou de ses textes
d’application ;
– offre de l’eau de boisson au public sans se conformer aux normes de qualité
en vigueur ;
– viole un périmètre de protection autour des points de captage, de traitement et
de stockage des eaux.

(2) En cas de récidive, le coupable encourt le double du maximum des peines
prévues à l’alinéa (1) ci-dessus.

ARTICLE 16.- (1) Est punie d’un emprisonnement de cinq (5) ans à quinze (15) ans et d’une
amende de dix millions (10.000.000) à vingt millions (20.000.000) de FCFA, toute personne
qui pollue et altère la qualité des eaux.

(2) En cas de récidive, le coupable encourt le double du maximum des
peines prévues à l’alinéa (1) ci-dessus.

ARTICLE 17.- Les sanctions prévues par la présente loi sont complétées par celles
contenues dans le Code Pénal ainsi que dans la législation relative à la protection de
l’environnement.

ARTICLE 18.- Les dispositions des articles 54 et 90 du Code Pénal relatives au sursis et aux
circonstances atténuantes ne sont pas applicables aux sanctions prévues par la présente
loi.
CHAPITRE III
DE LA CONSTATATION DES INFRACTIONS

ARTICLE 19.- (1) Sans préjudice des prérogatives reconnues au ministère public, aux
officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés de
l’Administration chargée de l’eau ou des autres Administrations concernées, notamment de
la santé et de l’environnement, sont chargés de la recherche, de la constatation et des
poursuites en répression des infractions aux dispositions de la présente loi et de ses textes
d’application.
(2) Les agents mentionnés à l’alinéa (1) ci-dessus prêtent serment devant le
tribunal compétent, à la requête de l’Administration intéressée, suivant des modalités fixées
par un décret d’application de la présente loi.

(3) Dans l’exercice de leurs fonctions, les agents assermentés sont tenus
de se munir de leur carte professionnelle.

ARTICLE 20.- (1) Toute infraction constatée fait l’objet d’un procès-verbal régulier.

(2) La recherche et la constatation des infractions sont effectuées par deux
(2) agents qui co-signent le procès-verbal. Ce procès-verbal fait foi jusqu’à l’inscription en
faux.

ARTICLE 21.- (1) Tout procès-verbal de constatation d’infraction doit être transmis
immédiatement à l’Administration chargée de l’eau qui fait notifier au contrevenant. Celui-ci
dispose d’un délai de vingt (20) jours à compter de cette notification pour contester le
procès-verbal. Passé ce délai, toute contestation devient irrecevable.

(2) En cas de contestation dans les délais prévus à l’alinéa (1) du présent
article, la réclamation est examinée par l’Administration chargée de l’eau.

Si la contestation est fondée, le procès-verbal est classé sans suite.

Dans le cas contraire, et à défaut de transaction ou d’arbitrage définitifs,
l’Administration chargée de l’eau procède à des poursuites judiciaires conformément à la
législation en vigueur.

CHAPITRE IV
DE LA TRANSACTION ET DE L’ARBITRAGE

ARTICLE 22.- (1) L’Administration chargée de l’eau a pleins pouvoirs pour transiger. Elle
doit, pour ce faire, être dûment saisie par l’auteur de l’infraction.
(2) Le montant de la transaction est fixé en concertation avec l’Administration chargée des
finances. Ce montant ne peut être inférieur au minimum de l’amende pénale correspondante.

(3) La procédure de transaction doit être antérieure à toute procédure judiciaire éventuelle,
sous peine de nullité.

(4) Le produit de la transaction est intégralement versé au Fonds prévu par la présente loi.

ARTICLE 23.- Les parties à un différend relatif à la gestion de l’eau peuvent le régler d’un
commun accord par voie d’arbitrage.
ARTICLE 24.- (1) Les autorités traditionnelles ont compétence pour régler des litiges liés à
l’utilisation des ressources en eau sur la base des us et coutumes locaux, sans préjudice du
droit des parties au litige d’en saisir les tribunaux compétents.

(2) Il est dressé procès-verbal du règlement du litige. Une copie de ce
procès-verbal, dûment signé par l’autorité administrative du ressort territorial de la
communauté villageoise où a lieu le litige.

TITRE V DES DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

ARTICLE 25.- (1) En vue de garantir le financement des projets de développement durable
en matière d’eau et d’assainissement, la loi de finances fixe annuellement les ressources
particulières devant alimenter un compte d’affectation spéciale créé à cet effet par décret
présidentiel, conformément aux dispositions des articles 39 et 41 de l’ordonnance n° 62/OF/4
du 7 février 1962 relative au régime financier de l’Etat.

Ce décret détermine notamment les modalités de gestion du compte susvisé.

(2) Le compte d’affectation spéciale prévu à l’alinéa (1) ci-dessus peut
également recevoir, le cas échéant :

– des contributions des donateurs internationaux ;
– toutes autres contributions volontaires ;
– des dons et legs.

(3) Les ressources particulières prévues aux alinéas (1) et ((2) ci-dessus ne
peuvent être affectées à d’autres fins.

ARTICLE 26.- (1) Sans préjudice des dispositions de la législation relative à la gestion de
l’environnement, il est institué, par la présente loi, un Comité National de l’Eau.

(2) Les attributions, l’organisation et le fonctionnement du Comité National de
l’Eau sont fixés par un décret d’application de la présente loi.

ARTICLE 27.- Les spécifications relatives à la construction, à l’exploitation et à l’entretien
des réseaux et installations publics ou privés d’alimentation en eau et d’assainissement sont
fixées par un décret d’application de la présente loi.

ARTICLE 28.- L’utilisation de l’eau comme moyen de transport est régie par le code de la
marine marchande.

ARTICLE 29.- Des décrets d’application de la présente loi en précisent, en tant que de
besoin, les modalités.

ARTICLE 30.- Sont abrogées toutes les dispositions antérieures de la loi n° 84/013 du 05
décembre 1984 portant régime de l’eau.

ARTICLE 31.- La présent loi sera enregistrée, publiée suivant la procédure d’urgence, puis
insérée au Journal Officiel en français et en anglais./-