En République du Cameroun, l’environnement constitue un patrimoine commun de la nation. A ce titre, sa protection est un devoir pour tous280(*). Mais, c’est à l’Etat qu’il incombe la défense et la promotion de l’environnement. Alors, dans l’exercice de cette prérogative de puissance publique en matière environnementale, l’Etat a attribué des missions à certaines institutions publiques (A). De même, à travers des législations spécifiques et des procédures d’autorisation administrative, il accorde le rôle de protecteur de l’environnement marin à quelques institutions privées (B)

A- LA DEVOLUTION DES MISSIONS DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT MARIN A CERTAINES INSTITUTIONS PUBLIQUES

Au Cameroun, la mise en oeuvre du droit de l’environnement incombe au gouvernement. A cet effet, il élabore des stratégies, des plans ou programmes nationaux tendant à assurer la conservation et l’utilisation durable des ressources marines et côtières. Il l’applique de concert avec les collectivités décentralisées (2).

Les mécanismes institutionnels de la gestion de l’environnement marin mettent en exergue de nombreuses institutions très impliquées dans les différents secteurs d’activités intéressant la côte camerounaise. Mais faute de pouvoir les étudier toutes, une attention particulière sera accordée à l’administration centrale en charge de l’environnement et de la protection de la nature (1).

1- L’administration centrale en charge de l’environnement et de la protection de la nature

Sur la base de la récente organisation du gouvernement camerounais issue du décret N° 2005/117, c’est le Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature (MINEP) qui assure le rôle de l’administration centrale en matière environnementale. Il a été créé suite à l’éclatement en deux de l’ancien Ministère de l’Environnement et des Forêts.

Le MINEP est chargé de formuler et de mettre en oeuvre la politique nationale environnementale, de déterminer des stratégies de gestion durable des ressources naturelles et de contrôle des pollutions. Il s’assure, en outre, que les engagements internationaux du Cameroun en matière d’environnement sont introduits dans la législation, la réglementation et la politique nationale en la matière281(*).

De même, il assure la tutelle de la Commission Nationale Consultative pour l’environnement et le Développement Durable 282(*) (CNCEDD) ainsi que du Comité Interministériel de l’Environnement (CIE), tous des cadres de concertation où les opérateurs et acteurs environnementaux se retrouvent pour mettre en cohérence leurs approches, notamment en ce qui concerne la gestion durable des ressources naturelles283(*).

En outre, il est chargé des missions de mise en place des normes et de la réglementation de protection de l’environnement ; et d’assurer leur application, l’exécution des inspections environnementales et de la participation aux actions de gestion et de prévention des catastrophes et risques naturels. Il est aussi chargé de l’évaluation et de l’approbation des études d’impact environnemental dans les écosystèmes marins, côtiers, fluviaux et lacustre. A ce titre, il est appelé à suivre particulièrement les activités d’exploration, de production et de transport des hydrocarbures.

Cependant, le décret N° 92/069 du 09 avril 1992 affecte des attributions environnementales supplétives à quelques ministères qui interviennent directement ou indirectement par des agences spécialisées placées sous leurs tutelles. Il s’agit entre autres et restrictivement :

-Du Ministère de l’Elevage, des Pêches et des Industries Animales (MINEPIA) dont le Département des Pêches assure la coordination et le contrôle des pêcheries maritimes. Il assure la tutelle des organismes comme la Caisse de Développement de la Pêche Maritime (CDPM) et de la Mission de Développement de la Pêche Artisanale et Maritime284(*).

-Du Ministère de l’Eau et de l’Energie (MINEE) qui assure la promotion de l’activité minière au Cameroun, avec spécifiquement une mission de contrôle et de suivi des activités d’exploration et d’exploitation pétrolière. A ce titre, il a la charge d’assurer les inspections périodiques des plates-formes et des chantiers où se déroulent des opérations pétrolières.

-Du Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MINRESI) qui mène des recherches sur la faune sauvage et les ressources halieutiques, y compris celles comprises dans les écosystèmes côtiers et marins du Golfe de Guinée. Il assure la tutelle de l’Institut de Recherche Agricole et le Développement 285(*)(IRAD).marine

-Du Ministère du Transport qui dispose d’une Direction des Affaires Maritimes et des Voies Navigables habilitée à constater et à punir les coupables d’une pollution marine286(*). Ce même Ministère est le représentant de l’Etat auprès de l’Organisation Maritime Internationale qui oeuvre aussi, mais subsidiairement, pour la protection de l’environnement marin.

Telles sont les autres ministères qui assistent l’administration centrale en charge de l’environnement et de la protection de la nature. Cette liste est restrictive dans la mesure où l’on a tenu compte de leur spécialisation avancée pour la protection des milieux marin et côtiers ; et la gestion des ressources biologiques marines. Toutefois, les collectivités décentralisées ne sont pas en reste.

2- L’appui des collectivités territoriales décentralisées

Comme les institutions publiques sus énumérées, les collectivités territoriales décentralisées participent à la protection de l’environnement marin. Cela est possible à partir du moment où elles ont compétence générale pour l’aménagement du territoire communal.

Ainsi, sur le plan de l’administration locale, les magistrats municipaux, dans l’exercice de leur pouvoir de police administrative, peuvent édicter des normes relatives au maintien de l’ordre public dont les composantes essentielles sont la salubrité, la tranquillité et la sécurité publique. De telles compétences leurs sont reconnues dans la mesure où ils sont sensés maîtriser le moins mal et dans les moindres détails les problèmes environnementaux auxquels font face les populations de leurs circonscriptions territoriales.

L’environnement marin et côtier au Cameroun compte environ 23 communes (urbaines et rurales) dont les plus vulnérables sont celles de Douala, Kribi et Limbé dans la mesure où elles sont très exposées aux dangers inhérents, à la pollution marine et à l’insalubrité des côtes maritimes. Mais il est regrettable que de nos jours, aucun arrêté municipal n’a encore été élaboré et adopté dans le but de protéger et d’assainir ne serait-ce que les plages et les bordures de mer dans ces cités balnéaires. Cet état de chose découle-t-elle de l’ignorance ou de l’inertie de l’Exécutif local ? Il est clair qu’il ne s’agit pas de l’ignorance d’une prérogative de la municipalité. Evidemment, le conseil municipal de la commune urbaine de Kribi lors de la session extraordinaire tenue le 20 janvier 2007 s’est réunit pour examiner la situation et présenter à l’opinion nationale et internationale la position de la ville face au déversement du pétrole brut en mer à 12 Km de Kribi. Surpris et étonné de la démarche de la direction générale de la Cotco qui aura attendu cinq jours après l’incident pour informer les populations, M. MBA MBA Grégoire, alors Maire de la commune urbaine de Kribi, a trouvé qu’ « il est inacceptable que notre ville soit en danger et que nous n’en soyons informés de la situation que par les médias287(*) ». Allant dans le même sens, il proteste le fait que la ville de Kribi a été écartée de la formation de l’observatoire pour le contrôle de la pollution par les activités pétrolières. Cette réclamation du maire va dans la droite ligne de l’idée que c’est à lui que revient la tâche d’orienter et superviser les travaux des institutions privées de sa localité en matière de gestion de l’environnement.

B- L’EXERCICE PAR CERTAINES INSTITUTIONS PRIVEES DES MISSIONS RELATIVES A LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT MARIN

La protection de l’environnement marin ne concerne pas uniquement les institutions publiques. D’après les disposition de l’article 6 alinéa 1 de la loi N° 96/12, toutes les institutions privées sont tenues, dans le cadre de leurs compétences, de sensibiliser l’ensemble des populations aux problèmes environnementaux. C’est ce que les organisations non gouvernementales (ONG) à caractère environnemental (1) s’évertuent à faire au quotidien pour contribuer à la gestion écologiquement saine de l’environnement marin et côtier. Toutefois, les entreprises privées opérant sur les milieux marin et côtier (2) sont de plus en plus concernées.

1-Le rôle protecteur des ONG à caractère environnemental

A l’instar des institutions publiques sus évoquées, les ONG à caractère environnemental font partie des institutions nationales de mise en oeuvre du droit international de l’environnement. Elles contribuent aux actions des organismes publics et para-publics en matière d’environnement. Pour y parvenir, elles doivent au préalable remplir la condition fixée par l’article 8 alinéa 1 de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement ; à savoir la soumission à l’agrément administratif.

Les ONG à caractère environnemental jouent un rôle déterminant dans la protection de l’environnement marin au Cameroun. Se situant au bas de l’échelle institutionnelle, elles sont les institutions les plus proches des populations et les plus présentes sur le terrain. Ainsi, elles interviennent dans l’animation, la formation, la sensibilisation et l’organisation des populations autour des projets sociaux, environnementaux ou économiques. De la sorte, elles sont souvent utilisées comme des canaux d’informations et de sensibilisation sur la conduite à tenir par les populations riveraines en cas de déversement des hydrocarbures ou de substances chimiques nocives dans le milieu marin.

Les ONG spécialisées dans la gestion de l’environnement ont vocation à intervenir dans le processus d’élaboration des règles juridiques et des instruments de gestion de l’environnement ; et à contrôler la mise en oeuvre de ces règles et instruments. Elles jouent à ce titre le rôle de représentation des populations civiles dont elles défendent les intérêts. C’est sûrement dans cet ordre d’idée que le législateur leur reconnaît la possibilité de se constituer en partie civile en cas de répression d’une infraction à l’environnement288(*).

Au Cameroun, plusieurs ONG participent à la gestion de l’environnement marin. A titre d’exemple, nous pouvons citer : le Collectif des Organismes de Participation au Développement du Cameroun (COPAD) ; la Fédération des ONG de l’Environnement du Cameroun (FONGEC) ; la Confédération des ONG d’Environnement et de Développement de l’Afrique Centrale 289(*) (CONGAC) et l’Environnement and Resources Protection 290(*)(Envi-rep Cameroun).

Ces différentes ONG (qui sont pour la plupart des institutions de développement), sont techniquement et financièrement assistées par d’autres ONG, mais à compétence internationale comme la World Wide Fund of Nature (WWF), l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) et la « Deutsche Gesellschaft Für Technische Zusammenarbeit Gmbh » (GTZ). Ces ONG nationales travaillent parfois en coopération avec les entreprises privées opérant dans la zone côtière et le milieu marin.

2-Le rôle joué par les entreprises privées dans la zone côtière et le milieu marin

Au sens de la loi N° 96/12, les entreprises privées font bel et bien partir des acteurs environnementaux au Cameroun. Il s’agit dans le cadre de cette étude des opérateurs économiques dont les activités sont susceptibles de détériorer la qualité du milieu marin et des zones côtières ; notamment les établissements classés. Ils ont pour devoir de protéger l’environnement dans le périmètre de leurs activités.

Au Cameroun, les entreprises les plus concernées directement par la protection de l’environnement marin sont celles qui opèrent dans l’exploration, l’exploitation et le transport des hydrocarbures ; en bref les sociétés pétrolières. Ces dernières sont considérées comme les grands pollueurs du milieu marin. Dans le cadre de l’obtention de leurs licences d’exploitation, il leur est demandé de maintenir des stocks adéquats d’équipements et de matériels et d’avoir des plans d’urgence en cas de pollution, plans qui présentent les actions nécessaires pour minimiser les impacts sur l’environnement marin en cas de pollution résultant des déversements d’hydrocarbures découlant de leurs opérations. Ces prédispositions font partie des injonctions qu’elles reçoivent du gouvernement.

Mais de façon délibérée, les sociétés pétrolières se joignent aux ONG à caractère environnemental dans le but d’éduquer le public des comportements à adopter en cas de déversements accidentels des hydrocarbures dans les milieux marins. C’est le cas de la coopération CPS/COTCO/ONG qui a pris effet après l’incident de Kome-Kribi du 15 janvier 2007. De même, ces sociétés sont capables de donner des conseils et une aide d’experts au gouvernement Camerounais en cas d’incidents où la partie responsable des déversements d’hydrocarbures n’a pas la capacité d’intervenir (par exemple le cas d’un accident d’acheminement). Tout de même, il est évident que l’étude pour le suivi de la protection de la zone côtière et de l’environnement marin en ce qui concerne la gestion de l’environnement et la pollution marine, notamment par les hydrocarbures dans la zone à risque telle que définit dans l’étude d’impact environnemental relative à l’oléoduc Tchad-Cameroun, n’a pu être réalisée que grâce à leurs financements.

En somme, la protection de l’environnement marin au Cameroun mobilise plusieurs institutions nationales. L’intervention des acteurs non Etatiques esquisse ce que le Pr Maurice KAMTO appelle la « démocratie participative ». Ces institutions interviennent dans le choix de techniques de protection de l’environnement marin.