DECRET N° 90/1463 DU 09 NOVEMBRE 1990
Relatif à l’exercice de la profession d’Ingénieur – Conseil.

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE.

Vu la Constitution ;
Vu le décret n°88/772 du 16 mai 1988 portant organisation du Gouvernement, modifié et complété par le décret n°89/674 du 13 avril 1989 ;
Vu le décret n° 90/058 du 12 janvier 1990 portant réorganisation du Ministère des Travaux Publics et des Transports ;

DECRETE :
Article 1er. : – Le présent décret et les textes pris pour son application règlementent l’exercice de la profession d’Ingénieur – Conseil au Cameroun.

CHAPITRE I : DES DISPOSITIONS GENERALES
ARTICLE 2. : -(1) L’Ingénieur-conseil est une personne physique ou morale qui exécute pour le compte d’un maître d’ouvrage des prestations essentiellement intellectuelles visant à l’optimisation de l’investissement dans ses choix, ses processus techniques de réalisation et sa gestion.

(2) L’Ingénieur – Conseil met moralement et à titre onéreux ses connaissances techniques au service de son client. Son rôle peut être étendu à des missions de Maître – d’œuvre.

(3) La nature des prestations et le montant de la rémunération sont précisés dans le contrat écrit passé entre le client et l’Ingénieur –Conseil.

ARTICLE 3. – L’Ingénieur –Conseil a pour mission :
– La définition et la programmation des équipements et des aménagements à réaliser ;
– L’exécution des études économiques, techniques et financières des projets ;
– Le contrôle et la coordination de l’exécution des études et /ou des travaux ;
– Les expertises dans son domaine de compétence ;
– La recherche et le développement des moyens techniques ;
– Les conseils divers dans le cadre de sa spécialité ;
– L’élaboration et le suivi des opérations de maintenance dans le domaine de sa compétence ;
– Le contrôle de conformité et de qualité des ouvrages pour le compte des compagnies d’assurance.

CHAPITRE II : DES CONDITIONS D’EXERCICE DE LA PROFESSION D’INGENIEUR –CONSEIL
Article 4. – Nul ne peut exercer la profession d’Ingénieur –Conseil s’il ne remplit les conditions suivantes :
1°/ Pour les personnes physiques
– Etre de nationalité camerounaise et jouir de ses droits civiques ;
– Etre titulaire d’un diplôme d’ingénieur ou de tout autre diplôme reconnu équivalent par l’autorité compétente au moment du dépôt du dossier ;
– Justifier d’une expérience professionnelle d’au moins cinq (5) ans dans le domaine d’activité choisi ;
– N’avoir subi aucune condamnation pour fait contraire à la probité (vol, détournement de deniers publics, escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux) ou atteinte aux bonnes mœurs :
– Etre agrée dans les conditions prévues aux articles 11 et 12 ci – dessous.
2°/ Pour les personnes morales
– Avoir son siège social au Cameroun ;
– Justifier que 35% au moins du capital sont détenus par des professionnels de nationalité camerounaise ;
– Disposer d’ingénieur ayant une expérience professionnelle d’au moins cinq (5) ans dans le domaine d’activité choisi ;
– S’assurer des services d’au moins un ingénieur de nationalité camerounaise dans le domaine d’activité choisi ;
– Etre agrée dans les conditions prévues aux articles 11 et 12 ci – dessous.

Article 5. – (1) L’exercice de la profession d’Ingénieur –Conseil est subordonné à l’obtention d’un agrément accordé par arrêté du Ministre chargé des Travaux Publics après avis obligatoire de la Commission d’Agrément et de Qualification des Ingénieurs – Conseil, composée ainsi qu’il suit :
Membres : – un représentant du Ministre chargé de l’Industrie ;
– Un représentant du Ministre chargé du plan ;
– Un représentant du Ministre chargé des Mines
– Un représentant de l’organisme chargé des Marchés Publics ;
– Un représentant du Laboratoire du Génie Civil ;
– Le Directeur chargé de la Construction au Ministère chargé des Travaux Publics ;
– Le Directeur chargé des Routes au Ministère chargé des Travaux Publics ;
– Le Directeur chargé des Etudes et de la Normalisation ;
– Les représentants de l’organisme professionnel, à raison d’un participant pour chaque domaine d’activité.
(2) La commission d’Agrément et de Qualification des Ingénieurs –Conseil se réunit, en tant que de besoin, sur convocation de son Président. Elle ne peut valablement délibérer que six (6) au moins de ses membres sont présents.
(3) Les avis de la Commission d’Agrément et de Qualification des Ingénieurs – Conseils sont émis à la majorité simple des voix.

Article 6. – (1) Les Ingénieurs – Conseils sont classés par domaine d’activité compte tenu de leur capacité d’intervention dans le cadre des spécialités qui leur sont reconnues.

(2) Le changement de classement s’btient dans les mêmes formes que celles prévues à l’article 11ci-dessous, après production d’un dossier comprenant :
– Une demande timbrée ;
– Une copie certifiée conforme de l’acte d’agrément ;
– La liste des spécialités sollicitées ;
– Les références professionnelles se rapportant aux spécialités sollicitées.

Article 7. – (1) L’acte d’agrément indique le domaine d’activité du bénéficiaire.
(2) Les domaines d’activité s’articule autour des trois (03) groupes ci- après :
Groupe A : Infrastructures
Groupe B : Bâtiments
Groupe C : Activités annexes.
(3) Chaque groupe comprend un certain nombre de spécialités correspondant à des techniques définies.

Article 8. – (1) L’agrément d’un Ingénieur – Conseil est complété par la qualification du bénéficiaire dans son domaine d’activité.
(2) La qualification de l’Ingénieur –Conseil comprend le nombre et la spécification des spécialités ou techniques qui lui sont reconnues. Elle est donnée par arrêté du Ministre chargé des Travaux Publics sur proposition de la Commission d’Agrément et de Qualification des Ingénieurs – Conseils.
(3) Un arrêté du Ministre chargé des Travaux Publics fixe par groupe après avis de la Commission d’Agrément et de Qualification, la liste des spécialités ou grilles de qualification auxquelles peuvent prétendre les Ingénieurs- Conseil.

Article 9. – Exerce illégalement la profession d’Ingénieur-conseil toute personne qui pratique sa profession en infraction aux dispositions du présent décret, notamment :

– En travaillant sous un pseudonyme ;
– En offrant de l’aide à toute personne non habilitée à exercer ;
– En exerçant en dépit d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercer.
Article 10. – (1) Sans préjudice des sanctions administratives, disciplinaires ou pénales plus sévères, toute personne reconnue coupable d’exercice illégal de la profession d’Ingénieur-conseil cesse immédiatement son activité. En outre la fermeture de son établissement est ordonnée par le Ministre chargé des Travaux Publics, indépendamment de toute décision judiciaire.
(2) Le Ministre chargé des Travaux Publics ou l’organisme professionnel compétent peut saisir la juridiction de jugement ou, le cas échéant, se constituer partie civile dans toute poursuite intentée par le ministère public contre toute personne inculpée ou prévenue d’exercice illégal de la profession d’Ingénieur –Conseil.

CHAPITRE III : DE L’OBTENTION DE L’AGREMENT A L’EXERCICE DE LA PROFESSION D’INGENIEUR – CONSEIL

Article 11. – L’obtention de l’agrément à l’exercice de la profession d’Ingénieur – Conseil est subordonnée à la production d’un dossier comprenant les pièces suivantes :

– Une demande timbrée ;
– Une copie d’acte de naissance ;
– Un extrait du casier judiciaire ;
– Une copie certifiée conforme du diplôme d’ingénieur ;
– Un justificatif de l’expérience professionnelle d’au moins cinq (5) ans dans le domaine d’activité choisi ;
– Les statuts de la société, s’il s’agit d’une personne morale ;
– La liste des effectifs et du matériel spécialisé.
Article 12. – (1) Le dossier visé à l’article 10 ci- dessus doit être déposé en dix (10) exemplaires au Ministère chargé des Travaux Publics, contre récépissé.

(2) Le Ministre chargé des Travaux Publics transmet un exemplaire du dossier à chaque membre de la Commission d’Agrément et de Qualification des Ingénieur – Conseil dans les (10) jours qui suivent la date de dépôt du dossier.

(3) La commission d’Agrément et de Qualification des Ingénieurs- Conseils doit obligatoirement se prononcer dans les quarante – cinq (45) jours qui suivent le dépôt du dossier.
Dans tous les cas, l’accord ou le refus motivé de l’Administration doit intervenir dans les quatre –vingt –dix (90) jours suivant le dépôt du dossier. Passé ce délai, l’agrément est réputé accordé.

Article 13. – L’agrément à l’exercice de la profession d’Ingénieur- Conseil est personnel et incessible.

Article 14. – (1) L’agrément peut être suspendu par arrêté du Ministre chargé des Travaux Publics après avis obligatoire de la Commission d’Agrément et de la Qualification des Ingénieurs – Conseils :

– En cas de manquement grave ou répété au respect des règles de l’art 7 ;
– En cas de manquement aux devoirs professionnels ayant entraîné une interdiction temporaire d’exercer.
(2) La suspension est levée dès la réparation de la faute qui l’a provoquée.

Article 15. – (1) L’agrément peut être retiré par arrêté du Ministre chargé des Travaux Publics après avis obligatoire de la Commission d’Agrément et de Qualification des Ingénieurs –Conseils dans les cas suivants :

– Lorsque le titulaire ne remplit plus les conditions d’agrément ou lorsqu’il est prouvé qu’il a fourni des faux renseignements ayant abouti à l’octroi de l’agrément ;
– Lorsqu’il ya cessation depuis plus d’un an de l’activité de l’entreprise et ayant une mise en demeure restée sans suite ;
– En cas de faillite ou de liquidation judiciaire ;

Article 16 : La suspension ou le retrait de l’agrément entraîne automatiquement la fermeture temporaire ou définitive, selon le cas du cabinet d’ingénierie.

Chapitre IV : DES INCOMPATIBITES

Articles 17 : L’exercice de la profession d’ingénierie-Conseil est incompatibles avec la qualité de fonctionnaire, d’agent contractuel de l’Administration en activité ou de salarié en général, d’industriel, de fournisseur ou de représentant matériels ou d’objets employés dans la construction pour un projet donné.
Article 18 : (1) L’entreprise de construction dont fait partie un Ingénieur-conseil ne peut pas soumissionner pour la réalisation d’un projet étudié complément ou partiellement par ledit Ingénieur-conseil sous peine de se faire suspendre pour toute autre soumission pendant cinq (5) ans, sans préjudice d’autres poursuites judiciaires auxquelles l’Entreprise s’expose.
(2) Toutefois, cette disposition ne s’applique pas aux projets clé en mains.

CHAPITRE V : DES DROITS ET DEVOIRS DE L’INGENIEUR-CONSEIL

Article 19 : (1) L’ingénieur-conseil ne doit accepter que les missions pour lesquelles il possède une compétence réelle, une expérience, une organisation et les moyens nécessaires.
(2) Il ne peut être sollicité ni intervenir que dans le cadre des spécialités pour lesquelles il a été autorisé à exercer.
Article 20 : (1) l’Ingénieur-conseil est responsable de la bonne exécution des missions qui lui sont confiées. A cet effet, il est tenu de signer les documents traduisant les résultats de celles-ci.
(2) Les études ou parties d’études effectuées par l’Ingénieur-conseil et approuvées par le Maître d’Ouvrage engagent toutes les parties pour la poursuite du projet. Au cas où celui-ci fait l’objet d’une adjudication en vue de son exécution par une entreprise, l’Ingénieur-conseil ayant conduit les études reste la seule autorité en matière d’études d’exécution à laquelle l’Entreprise est tenue de se référer jusqu’à la réception définitive. Les seuls changements possibles sont les études d’adaptation et plans de détails liés aux procédés d’exécution de l’Entreprise.
Article 21 : L’Ingénieur-conseil reçoit en rémunération de ses prestations, des honoraires dont les taux sont fixés par des textes particuliers après avis des organismes professionnels intéressés.
Article 22 : Les Ingénieurs-Conseils peuvent se regroupes en organisation professionnelle.
Article 23 : L’Ingénieur-conseil est tenu au secret professionnel. Il en est toutefois délié lorsqu’il est appelé en témoignage devant les instances judiciaires.
Article 24 : Un code de déontologie, homologué par arrêté du Ministre chargé des Travaux Publics fixé en détail les droits et devoirs des Ingénieures-conseils, ainsi que leurs relations avec les clients et les confrères.

CHAPITRE VI : DES DISPOSITIONS DIVERSES

Article 25 : Par dérogation aux dispositions de l’article 11 ci-dessus, les Ingénieurs- conseils agrées en application du décret n°80/70 du 21 février 1980 portant réglementation de la profession de bureau d’étude et d’ingénieur-conseil sont autorisés à continuer l’exercice de cette profession.
Article 26 : Sont abrogées, toutes les dispositions antérieures contraires notamment le décret 80-70 de la 21/02/1980 portant réglementation de la profession de Bureau d’Etudes et d’Ingénieur-conseil.
Article 27 : Le Ministre chargé des Travaux Publics est chargé de l’application du présent décret qui sera enregistré, publié suivant la procédure d’urgence, puis inséré au journal Officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 09 Novembre 1990
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE.

Paul BIYA